(Sherbrooke) Au moment où le Québec franchit le cap des neuf millions d’habitants, le premier ministre François Legault envisage de limiter l’arrivée de travailleurs étrangers temporaires, dont le nombre a fortement augmenté ces dernières années.

Ce qu’il faut savoir

  • Le Québec a franchi le cap des neuf millions d’habitants, une croissance qui s’explique surtout par l’immigration.
  • Le nombre d’immigrants temporaires – travailleurs, étudiants et demandeurs d’asile – augmente beaucoup et dépasse les 500 000.
  • Le gouvernement Legault envisage de resserrer les critères d’admission des travailleurs étrangers temporaires.

Resserrer les critères d’admission pour la catégorie des travailleurs étrangers temporaires, la ministre de l’Immigration « Christine Fréchette est en train de regarder ça », a-t-il répondu lors d’une conférence de presse jeudi, au terme de la réunion de son caucus pour préparer la reprise des travaux de l’Assemblée nationale le 30 janvier.

« On n’exclut pas ça. On est en train de l’examiner », a-t-il ajouté.

La sélection des travailleurs étrangers temporaires se fait en vertu de différents programmes et est une compétence partagée entre Québec et Ottawa. Plus de 500 000 immigrants temporaires séjournent au Québec, dont beaucoup sont des travailleurs étrangers temporaires. Les autres sont des étudiants et des demandeurs d’asile.

Il y a un an, Statistique Canada dénombrait 360 936 immigrants temporaires au Québec, qu’on appelle aussi des résidents non permanents. Ce nombre atteint maintenant 528 034, soit une hausse de 46 % en un an.

Ce sont les travailleurs étrangers qui forment le plus gros contingent de résidents non permanents au Québec. Ils sont 225 684, si l’on inclut les membres de leur famille. Cela représente 43 % du total des immigrants temporaires. Leur nombre a bondi de 85 500 en un an, soit une hausse de 61 %.

QS accuse la CAQ de mollesse

Pour Québec solidaire, la sortie de François Legault est « ironique » puisqu’il a déjà tous les pouvoirs pour intervenir sur cette question. « L’entente Canada-Québec de 1991 prévoit déjà que le Québec doit autoriser l’entrée de chaque travailleur étranger temporaire », a rappelé le co-porte-parole Gabriel Nadeau-Dubois, qui estime qu’il y a trop d’immigration temporaire au Québec et qui reconnaît maintenant que la capacité d’accueil du Québec a été dépassée. Lors du caucus présessionnel de son parti, qui se tenait jeudi à Laval, il a accusé François Legault de mollesse sur cette question face au gouvernement fédéral.

Actuellement, Québec contrôle l’accès des immigrants qui passent par le programme des travailleurs étrangers temporaires, qui regroupe « environ 45 % » du total de cette catégorie, a expliqué le député Guillaume Cliche-Rivard. « L’autre 65 % provient du programme de mobilité internationale », géré par Ottawa. « Le Québec devrait être consulté à temps plein. François Legault a un pouvoir, et il doit l’exiger », a déploré M. Cliche-Rivard.

Mais du même souffle, Québec solidaire croit qu’une réduction draconienne provoquerait d’autres problèmes. « De qui est-ce qu’on peut se passer au Québec en termes de travailleurs étrangers temporaires ? Est-ce que ça veut dire qu’on laisse des fraises dans des champs ? Est-ce que ça veut dire qu’on enlève du personnel qui travaille en RPA ? Parce que ces gens-là sont des travailleurs », a dit Gabriel-Nadeau-Dubois.

Legault recherche un compromis

Lorsqu’on lui a rappelé qu’il s’était engagé à réclamer qu’Ottawa lui accorde des pouvoirs accrus en immigration, notamment en ce qui concerne les travailleurs étrangers temporaires, François Legault a répondu que les discussions « se passent bien » avec le ministre fédéral Marc Miller. « Je pense qu’il y a de l’ouverture », a-t-il avancé. « J’ai confiance qu’on va réussir à trouver les compromis avec le gouvernement fédéral. »

Il a par la suite affirmé qu’« on souhaiterait avoir plus de pouvoirs en immigration », mais qu’« on en a déjà aussi » et qu’« on les utilise ».

La Presse signalait jeudi que le Québec vient de franchir le cap des neuf millions d’habitants. Selon François Legault, « il y a des plus et il y a des moins » à cette croissance importante de la population, causée principalement par l’immigration. Mais il faut freiner l’arrivée de demandeurs d’asile, a-t-il réitéré. « Comme on l’a dit et que je l’ai écrit à Justin Trudeau, d’avoir près de 150 000 demandeurs d’asile en même temps, ça met une pression sur le logement, sur les services en santé, en éducation, ça pose un défi aussi sur l’avenir du français. Nous, ce qu’on pense, c’est qu’on doit réduire leur nombre », a affirmé le premier ministre.

Une volte-face, dit le PQ

De son côté, le Parti québécois rappelle qu’il reprochait au gouvernement Legault en juin dernier de ne pas tenir compte de l’immigration temporaire, qui est « hors de contrôle », dans sa planification de l’immigration, centrée sur les immigrants permanents. Il relève que Christine Fréchette avait répondu ceci à son chef Paul St-Pierre Plamondon : « Il n’y aura pas de seuil qui sera fixé sur l’immigration temporaire, parce que ça, ça voudrait dire une économie planifiée. » On assiste ainsi à une volte-face du gouvernement avec les propos du premier ministre selon lui. « On ne peut pas faire confiance à la CAQ », a ajouté le député Pascal Bérubé sur les réseaux sociaux.

Pour le Parti libéral, le Québec « n’aura pas le choix pour notre économie » d’accueillir plus d’immigrants. « On va en avoir besoin de plus [d’immigrants]. Pour l’instant, on a 500 000 temporaires et on ne répond pas à leurs [besoins] essentiels. Il faut régler ça au plus sacrant et François Legault n’a rien fait pour augmenter la capacité d’accueil », a soutenu son chef intérimaire Marc Tanguay mercredi.

Selon les prévisions effectuées par le gouvernement du Québec, « près de 1,6 million d’emplois » devront être pourvus au Québec au cours de la période 2022 à 2031 « par des personnes qui ne sont pas actuellement sur le marché du travail ».

« Les 500 000 [immigrants temporaires] travaillent. Ce matin, on en a besoin. L’échec de François Legault, c’est qu’il n’a pas travaillé sur la capacité d’accueil. Il est temps qu’il se ressaisisse, qu’il ait un tableau d’ensemble, [à la fois] les permanents et les temporaires, et qu’il mette les régions dans le coup », a ajouté M. Tanguay.

Avec Suzanne Colpron, Hugo Pilon-Larose et Charles Lecavalier, La Presse