Le Bloc québécois s’est présenté comme la voix de la raison à la Chambre des communes au cours des derniers mois alors que le ton montait entre les conservateurs et les libéraux. Retour sur un automne incisif avec son chef, Yves-François Blanchet.

(Ottawa) « À chaque caucus, il faut rappeler aux députés qu’ils doivent être patients face aux manœuvres des conservateurs, qui ne veulent que jeter des poignées de gravelle dans l’engrenage pour que ça ne marche pas », confie-t-il.

De petits cailloux comme présenter la même motion dans tous les comités parlementaires afin de bloquer les travaux ou de grosses roches comme le dépôt de plus de 20 000 amendements pour un seul projet de loi une semaine avant la fin des travaux parlementaires.

Les députés bloquistes « sont exaspérés » par ces manœuvres, mais pas au point de dire tout haut aux conservateurs d’aller se faire foutre comme on a pu l’entendre à l’Assemblée nationale. Les réunions hebdomadaires du caucus servent « à ventiler ce genre de choses là », souligne le chef bloquiste.

« C’est là qu’il faut ventiler, c’est fait pour ça, dit-il. Donc, je ne pense pas que les députés vont péter un plomb. »

Prendre son « gaz » égal

Comme il l’avait annoncé en septembre, le Bloc québécois a tenté d’être « l’adulte dans la pièce » dans un climat tendu. Le président de la Chambre des communes a rappelé nombre de fois aux libéraux et aux conservateurs d’éviter de tenir des propos non parlementaires.

La formation indépendantiste a toutefois été la cible de Pierre Poilievre et de son équipe accusant les bloquistes de former une coalition avec les libéraux de Justin Trudeau et d’appuyer « une deuxième taxe sur le carbone ».

« Ça coûte cher de voter pour le Bloc », a affirmé la députée conservatrice Dominique Vien lors de la dernière période des questions avant la relâche des Fêtes. Cette phrase a été répétée à maintes reprises tout l’automne.

PHOTO ÉTIENNE RANGER, LE DROIT

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet

Il n’y a pas réellement de deuxième taxe sur le carbone. Les conservateurs font plutôt référence à l’impact du Règlement sur les combustibles propres sur le portefeuille des automobilistes. Cette politique entrée en vigueur en juillet exige des raffineries qu’elles réduisent graduellement les émissions de gaz à effet de serre (GES) dans leur carburant de 15 % d’ici 2030. Le directeur parlementaire du budget prévoit qu’elle ajoutera 17 cents le litre d’essence à ce moment-là.

« On va le rappeler encore parce que le mensonge a cours légal dans notre parlementarisme, il n’y a aucune tarification carbone fédérale applicable au Québec », martèle le chef bloquiste.

« Il y a la bourse du carbone que j’ai moi-même mise en place il y a dix ans [en tant que ministre québécois de l’Environnement] puis il y a un règlement sur les émissions qui a été mis en place par le gouvernement du Québec il y a quelques années à peine qui est déjà en place avant le 2030 de celui des libéraux. »

« Dans la mesure où celui de Québec rencontre la norme dictée par le fédéral, c’est celui de Québec qui va être en vigueur », précise-t-il.

Ce qui bloque toujours

Le Bloc québécois a livré plusieurs batailles qu’il n’a pas encore réussi à gagner. Le gouvernement Trudeau a refusé de modifier l’échéance pour le remboursement des prêts sans intérêt versés pendant la pandémie aux PME par l’entremise du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes (CUEC).

Il n’a pas réussi à obtenir une bonification de la pension de la Sécurité de la vieillesse (SV) à partir de 65 ans. Elle s’applique seulement aux 75 ans et plus à l’heure actuelle. Le projet de loi de la députée Andréanne Larouche à ce sujet a franchi l’étape de la deuxième lecture grâce à l’appui des conservateurs et des néo-démocrates.

Et les détails du projet de loi anti-briseurs de grève, réclamé par le Bloc québécois depuis la création du parti, ont été négociés par les libéraux avec le Nouveau Parti démocratique dans le cadre de leur entente.

« Ce n’est pas que les projets de loi qui passent, c’est comment on change les projets de loi, rétorque-t-il. La signature de Martin Champoux dans C-11, c’est gigantesque. On a énormément influencé la Loi sur la radiodiffusion. »

Si c’est bon, on est pour. Si ce n’est pas bon, on est contre, mais en général, c’est entre les deux et, en général, on essaie d’améliorer les propositions.

Yves-François Blanchet, chef du Bloc québécois

Il sort un post-it de son portefeuille qu’il traîne avec lui depuis 2019. Trois mots y sont écrits : conscience, programme et intérêts. Les trois critères sur lesquels le caucus du Bloc québécois s’appuie pour prendre ses décisions.

Sa vision est de défendre « les intérêts du Québec et l’indépendance » alors que l’appui à l’option souverainiste stagne malgré la popularité du Parti québécois. Une photo de lui avec l’indépendantiste catalan Carles Puigdemont est accrochée bien en évidence au mur de son bureau.

Yves-François Blanchet voit son rôle comme celui « d’empêcher que les élus fédéraux ne défassent ce que font les élus de l’Assemblée nationale » sous l’influence de l’Ontario ou des provinces de l’Ouest canadien.