La CAQ qui perd des plumes. Le PQ qui peut rêver à nouveau de former le prochain gouvernement. Des incendies de forêt historiques. Une crise majeure du logement. Et des grèves sans précédent depuis près de 50 ans… Oui, le gouvernement Legault (et tout le Québec) a eu une année très mouvementée. Survol.

(Québec) De Brochu à Sabia, le virage d’Hydro-Québec

En début d’année, la PDG d’Hydro-Québec Sophie Brochu claque la porte. L’automne précédent, elle avait menacé de démissionner si le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, décidait de privilégier le développement économique et de faire du Québec le « Dollarama » de l’électricité.

En mai, l’ex-président et chef de la direction de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) Michael Sabia prend sa place. Il annoncera des investissements colossaux de plus de 100 milliards pour augmenter la production d’électricité de 9000 mégawatts d’ici 2035. C’est l’équivalent de la production des centrales LG-2, Manic-5 et de tout le complexe de la Romaine. Il affirme que l’augmentation de la production servira surtout à la décarbonation de l’économie.

« Fiasco » informatique à la SAAQ

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Éric Caire, ministre de la Cybersécurité et du Numérique

La migration vers le nouveau système informatique de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ), un projet d’un demi-milliard de dollars, s’est révélée un véritable « fiasco » au printemps : des citoyens ont dû attendre de longues heures, à l’extérieur, pour obtenir ou renouveler leur permis de conduire. Le ministre de la Cybersécurité, Éric Caire, estimait pourtant, en entrevue à TVA, que l’application fonctionnait bien et qu’« on aurait dû recevoir des éloges pour ce projet-là ». Il a par la suite convenu que son exécution était un « fiasco » tout en rejetant la responsabilité sur la SAAQ. Le gouvernement Legault a limogé son PDG, Denis Marsolais.

La non-mobilité à Québec

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Le tramway de Québec s’est retrouvé dans les limbes en 2023, même si ses chantiers étaient déjà entamés et que près de 500 millions ont déjà été dépensés.

En avril, le gouvernement Legault recule sur sa promesse électorale phare de construire un tunnel autoroutier entre Québec et Lévis. Le projet n’est plus nécessaire en raison d’une baisse d’achalandage depuis la pandémie, a plaidé la ministre des Transports, Geneviève Guilbault.

Il est ressuscité à l’automne pour des raisons politiques. Puis le premier ministre a retiré le projet de tramway des mains de la Ville de Québec, même si 500 millions ont déjà été dépensés. Son coût était maintenant évalué à 8,4 milliards. La Caisse de dépôt et placement a reçu le mandat d’étudier d’autres options en plus du tramway, et même un troisième lien. Elle doit faire une nouvelle proposition en juin 2024.

Le Québec enfumé

IMAGE SATELLITE DE PLANET LABS PBC

Les incendies de forêt monstres ont recouvert le sud du Québec de smog pendant plusieurs jours l’été dernier.

Une sécheresse en mai, une ligne d’orages destructrice, puis des forêts ravagées, des milliers de citoyens évacués et un smog qui a recouvert le sud de la province : les incendies historiques de 2023 resteront gravés dans les mémoires. Dans le sud du Québec, la superficie brûlée cette année est 82 fois plus élevée que la moyenne des 10 dernières années. Les incendies se sont parfois rapprochés de communautés, appelant à des évacuations notamment à Sept-Îles, Chibougamau et Lebel-sur-Quévillon. Cet épisode relance le débat sur le manque de préparation du Québec dans l’adaptation aux changements climatiques.

Joëlle Boutin démissionne

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Joëlle Boutin a démissionné neuf mois après sa réélection.

En juin, neuf mois après sa réélection, la députée caquiste Joëlle Boutin démissionne pour aller travailler dans le secteur privé et provoque un effet papillon. Rapidement, des sondages montrent que le Parti québécois est en hausse dans la région de Québec, et le résultat de l’élection sème la consternation à la CAQ : le péquiste Pascal Paradis a obtenu 43,8 % des votes, éclipsant son adversaire caquiste Marie-Anik Shoiry par plus de 20 points de pourcentage. Ébranlé, François Legault ressuscite au lendemain de cette défaite l’idée d’un troisième lien autoroutier entre Québec et Lévis.

La renaissance du PQ

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Pascal Paradis, député péquiste de Jean-Talon, et Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois

Le 9 décembre 2022, le sondeur Jean-Marc Léger avait placé la CAQ à 41 % dans les intentions de vote, avec 25,6 points d’avance sur le Parti québécois, qui avait un appui de 18 %. Un an plus tard, le même sondeur met le PQ premier, avec 31 %, et la CAQ deuxième, à 25 %. Le chef Paul St-Pierre Plamondon fait de l’indépendance le fer de lance de sa relance. Il promet un référendum dans un premier mandat. Il a également déposé en octobre son « budget de l’an 1 », qui lui permet d’affirmer qu’un Québec indépendant en 2027 verrait sa situation financière « très près de l’équilibre budgétaire » et que l’abolition d’un ordre de gouvernement lui permettrait de réaliser « des économies importantes ».

Des milliards pour les batteries

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Annonce de l’arrivée de Northvolt au Québec avec le premier ministre du Québec, François Legault, et le premier ministre du Canada, Justin Trudeau

Cathodes, anodes et cellules de batteries : les Québécois sont devenus familiers avec ces termes martelés par le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, qui a déroulé le tapis rouge pour les entreprises étrangères souhaitant investir pour construire une filière batterie au Québec. En septembre, l’arrivée du fabricant de cellules Northvolt en Montérégie devient la clé de voûte de cette stratégie. Le gouvernement estime qu’il s’agit du « plus important investissement privé de l’histoire du Québec », avec ses coûts de 7 milliards, dont 2,7 milliards proviennent de Québec et d’Ottawa. Au printemps, le constructeur automobile General Motors avait aussi choisi le Québec pour produire des matériaux de batterie. Le projet est estimé à 600 millions, dont 210 millions d’argent public.

Ces décisions impopulaires

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Le président des Kings de Los Angeles, Luc Robitaille, et le ministre des Finances du Québec, Eric Girard, lors d’une conférence de presse à Québec l’automne dernier

Deux décisions impopulaires ont marqué la CAQ au fer rouge en 2023 : la hausse de salaire des députés et une subvention controversée aux Kings de Los Angeles ont fait mal au parti. En juin, il a fait adopter à toute vapeur une loi qui hausse le salaire des députés de 30 %, soit 30 000 $ de plus. Cette somme est encore plus élevée pour ceux qui occupent une fonction parlementaire, comme les ministres ou les présidents de commission. Puis, en novembre, le ministre des Finances, Eric Girard, a annoncé une subvention de 5 à 7 millions pour que les Kings de Los Angeles viennent jouer deux matchs préparatoires à Québec en 2024. Pour boucler cette subvention, le gouvernement Legault a utilisé un fonds régional destiné à soutenir des projets d’entreprises et d’organismes locaux sans but lucratif comme le club de curling de Charlevoix-Est ou la confiturerie Tigidou.

QS choisit Émilise Lessard-Therrien

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En novembre, les membres de Québec solidaire ont choisi de justesse Émilise Lessard-Therrien pour succéder à Manon Massé comme co-porte-parole féminine du parti.

Québec solidaire a connu une année en dents de scie. En mars, le parti a fait chuter le bastion libéral de Saint-Henri–Sainte-Anne, à Montréal. Guillaume Cliche-Rivard a obtenu 44,5 % des voix, contre 29 % pour son adversaire libéral. Mais la montée du PQ dans les sondages et sa mauvaise performance lors de l’élection partielle dans la circonscription de Jean-Talon, à Québec, font craindre à plusieurs élus solidaires un plafonnement du parti. La sortie du livre de l’ex-députée Catherine Dorion écorche le leadership de Gabriel Nadeau-Dubois. En fin d’année, les militants ont misé sur l’ex-députée de Rouyn-Noranda–Témiscamingue Émilise Lessard-Therrien pour succéder à Manon Massé comme co-porte-parole du parti. Ils espèrent qu’en faisant le choix de cette « porte-parole de la ruralité », ils pourront percer dans les régions.

Les réformes Dubé et Drainville

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Le premier ministre François Legault discutant avec Christian Dubé, ministre de la Santé et des Services sociaux

En mars, François Legault disait qu’il allait puiser dans sa « réserve de courage » pour changer la gouvernance et la gestion des deux plus gros réseaux publics. En toute fin d’année, il a fait adopter les réformes Dubé en santé et Drainville en éducation. La première a créé Santé Québec, une société d’État qui deviendra l’employeur unique du réseau. La deuxième donnera au ministre le pouvoir de nommer – et de limoger – les directeurs généraux des centres de services scolaires, d’encadrer la formation continue des enseignants et d’améliorer l’accès aux données du réseau scolaire.

Comité de relance libéral

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Marc Tanguay, chef intérimaire du Parti libéral, et Monsef Derraji, député de Nelligan, ne seront pas candidats à la course à la direction du parti.

En 2023, le Parti libéral s’est cherché. Son comité sur la relance a ramené le projet d’une Constitution québécoise et recommande d’obtenir d’Ottawa le contrôle de l’immigration temporaire. Il souhaite un virage nationaliste, mais un « nationalisme inclusif libéral ». Le PLQ cherche toujours des candidats pour sa course à la chefferie, qui ne se conclura pas avant 2025. Les députés André Fortin, Marwah Rizqy, Marc Tanguay et Monsef Derraji ont tous fermé la porte.

Grèves historiques dans les écoles

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Manifestation des professeurs affiliés à la FAE devant les bureaux du CSSDM, rue Sherbrooke

Des dizaines de milliers de parents du Québec et leurs enfants resteront marqués par l’automne 2023, où les syndicats du secteur public ont lancé un mouvement de grève sans précédent dans le cadre de leur négociation de convention collective avec le gouvernement Legault. La Fédération autonome de l’enseignement (FAE) a lancé une grève générale illimitée le 23 novembre. Les syndicats affiliés au Front commun, qui représentent plus de 420 000 membres, ont également tenu plusieurs journées de grève, touchant ainsi le réseau de l’éducation, mais aussi de la santé.

Crises du logement et de l’itinérance

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Démantèlement d’un campement de sans-abri sur un terrain sous l’autoroute 136, au centre-ville de Montréal

Le Québec a été frappé de plein fouet par une crise du logement et une crise de l’itinérance. Avec la hausse des taux d’intérêt, le rêve d’une maison s’éloigne pour les premiers acheteurs, et le prix des loyers est à la hausse un peu partout au Québec. Malgré les promesses d’Ottawa, de Québec et des villes, il ne se construit pas assez de logements, qu’ils soient privés, abordables ou sociaux. Pour retrouver un niveau « d’abordabilité », selon la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), il faudrait construire 860 000 logements.

Quant à l’itinérance, elle a bondi de 44 % en cinq ans au Québec, et la cause principale de la perte du logement est désormais les expulsions. Une déclaration qui a marqué les esprits : la mairesse de Gatineau, France Bélisle, a raconté en septembre qu’une jeune itinérante avait dû accoucher seule dans un boisé, aidée par d’autres itinérantes. « C’est quoi, ça ? C’est tu ça mon Québec de 2023 ? », avait-elle déploré.

McGill, Concordia et la francisation

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Vue aérienne du campus de l’Université McGill

À la suite d’un bras de fer avec les universités McGill et Concordia qui s’est déroulé durant une partie de l’automne, la ministre de l’Enseignement supérieur du Québec, Pascale Déry, a annoncé qu’elle augmenterait de manière un peu moins importante les droits de scolarité pour les étudiants canadiens, de 9000 à 12 000 $. Elle maintient toutefois qu’elle redistribuera une partie des droits de scolarité payés par les étudiants internationaux de McGill et Concordia aux universités francophones, et que ces deux institutions devront franciser 80 % de leurs étudiants.

Le gouvernement Legault souhaitait ainsi freiner l’anglicisation du Québec, disait le ministre de la Langue française, Jean-François Roberge, à La Presse en octobre : « C’est beaucoup de personnes qui viennent au Québec, qui fréquentent une université anglophone et qui, bien souvent, s’expriment en anglais au quotidien. Si on veut changer le profil linguistique de Montréal, arrêter le déclin à Montréal, il faut s’intéresser à la question du rééquilibrage des réseaux universitaires. »