(Ottawa) La rigueur budgétaire fera partie de l’ADN d’un gouvernement de Pierre Poilievre dès le premier jour, promet le chef du Parti conservateur, qui obligera les ministres de son éventuel cabinet à trouver un dollar d’économie par dollar de nouvelles dépenses projetées.

Les démarches pour un retour à l’équilibre budgétaire à Ottawa seront entreprises rapidement, mais sans réduire les transferts aux provinces pour les programmes sociaux comme la santé et l’éducation, comme l’a fait dans le passé l’ancien gouvernement libéral de Jean Chrétien, souligne le chef conservateur dans une entrevue accordée à La Presse.

« Ce sera la méthode Poilievre », a-t-il insisté.

Durant cet entretien téléphonique de 25 minutes, le chef conservateur a aussi soutenu qu’il fallait revoir les cibles ambitieuses du gouvernement Trudeau en matière d’immigration pour les mettre davantage en phase avec la construction annuelle de logements au pays afin d’éviter d’aggraver la crise actuelle. Le gouvernement fédéral compte accueillir 500 000 nouveaux arrivants par année à compter de 2025.

Il a dit s’attendre à ce que Justin Trudeau dirige les troupes libérales aux prochaines élections « parce qu’il a un énorme ego » et il a confié qu’il préparait une seconde longue vidéo qui portera sur le poids de l’endettement des gouvernements, des entreprises et des familles sur l’économie canadienne. Il a dit ne pas s’attendre à des élections générales avant deux ans, soit en octobre 2025.

Caracolant en tête dans les sondages depuis près de six mois, Pierre Poilievre affirme qu’il faut de toute urgence rétablir une discipline budgétaire au sein du gouvernement fédéral. Le poids de la dette fédérale est en voie de redevenir un boulet financier.

S’il remporte les prochaines élections, il compte faire adopter rapidement un projet de loi qui obligera le gouvernement fédéral à dénicher un dollar d’économie par dollar de nouvelles dépenses.

« Si un ministre ou une ministre vient à mon cabinet avec un plan pour ajouter des dépenses, cette personne va devoir inclure dans le mémorandum au cabinet des économies pour trouver l’argent nécessaire. Ça, c’est totalement différent de ce que fait le gouvernement maintenant », a martelé M. Poilievre, qui a fait de l’élimination des « déficits inflationnistes » du gouvernement Trudeau son principal cheval de bataille à la Chambre des communes tout l’automne.

« Dans la vraie vie, les gens suivent cette règle. Si elles veulent dépenser plus sur une chose, elles trouvent des économies ailleurs. Si la petite entreprise dépense plus sur des publicités, elle dépense moins sur d’autres opérations. C’est comme ça qu’agit le vrai monde. C’est comme ça que le gouvernement va fonctionner. C’est ça, le gros bon sens », a-t-il ajouté, reprenant une formule qu’il a répétée abondamment depuis quatre mois.

Le chef conservateur a souligné que l’ancienne administration démocrate de Bill Clinton avait fait sienne la politique du dollar d’économie par dollar de nouvelles dépenses dans les années 1990. « Cela a permis de présenter un budget équilibré et de rembourser 400 milliards de dollars de la dette nationale. C’était le plus grand remboursement de dette aux États-Unis dans l’histoire du pays. Mais dès que la loi a été annulée, le gouvernement des États-Unis est retourné au déficit et n’a jamais équilibré un budget depuis », a-t-il avancé.

Dette doublée

Depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement Trudeau n’a jamais présenté un budget équilibré. La pandémie de COVID-19, qui a forcé les gouvernements à fermer l’économie pendant quelques mois, a entraîné un déficit record de 327 milliards de dollars à Ottawa en 2020-2021.

La dette accumulée, elle, a doublé, passant de 635 milliards en 2015-2016 à 1213 milliards au terme de l’exercice financier 2023-2024.

Les frais d’intérêt de la dette accumulée, eux, passeront de 35 milliards en 2022-2023 à 58,7 milliards en 2027-2028. Cette somme dépasse les transferts fédéraux en santé aux provinces et constitue le poste de dépenses le plus important du budget fédéral.

Les politiciens ont besoin de limites légales afin de contrôler leurs dépenses.

Pierre Poilievre, chef du Parti conservateur du Canada

Pierre Poilievre estime qu’il sera possible d’éliminer le déficit sans toucher aux services essentiels à la population. Il a notamment promis d’abolir la Banque de l’infrastructure du Canada, créée par le gouvernement Trudeau et dotée d’un financement de 35 milliards de dollars, de mettre fin aux contrats aux firmes de consultants, de réduire la taille de la bureaucratie, entre autres choses.

Combien d’années faudra-t-il pour rétablir l’équilibre budgétaire ? M. Poilievre a dit qu’il faut attendre à la prochaine campagne électorale et d’avoir les plus récentes projections budgétaires fédérales avant de se prononcer.

Crise du logement

Selon M. Poilievre, la crise du logement est telle que le gouvernement fédéral doit revoir les cibles en matière d’immigration. Il a rappelé que l’on a construit plus de logements en 1972 qu’en 2022, alors que la population canadienne était deux fois moindre.

« Ce n’est pas possible de continuer comme on le fait aujourd’hui. C’est une question de mathématiques. Ce n’est pas une question d’idéologie ou de préférence par rapport à la politique de l’immigration. Les chiffres ne mentent pas. Il y a plus de familles qui arrivent et il y a moins de logements disponibles. C’est la raison pour laquelle je vais établir des cibles qui sont liées au nombre de maisons bâties chaque année », a-t-il indiqué.

Il compte aussi exiger que les universités canadiennes s’assurent que les étudiants étrangers aient un logement avant d’accepter leurs demandes d’inscription.

« Ce n’est pas de la compassion d’inviter les gens à venir pour ensuite vivre dans la rue ou sous les ponts », a-t-il insisté.

Quant à la date des prochaines élections, M. Poilievre affirme qu’il n’a aucun contrôle là-dessus. « On comprend que ce gouvernement doit être congédié dès aujourd’hui. Mais Justin Trudeau a l’appui d’Yves-François Blanchet et de Jagmeet Singh. M. Blanchet a indiqué vouloir garder Justin Trudeau au pouvoir jusqu’en 2025. Donc, on a une coalition coûteuse Bloc–libéraux–néo-démocrates qui soutient Justin Trudeau. »