(Québec) Québec donne le feu vert aux villes pour taxer les logements vacants ou sous-utilisés, comme ceux réservés essentiellement à la location de type Airbnb. Montréal pourrait récolter 10 millions par année, selon les estimations du gouvernement.

Ce qu’il faut savoir

Le gouvernement a déposé un projet de loi sur la fiscalité municipale.

Les villes pourront imposer une nouvelle taxe sur les logements vacants ou sous-utilisés et les terrains vagues.

Québec leur accorde de nouveaux pouvoirs pour accélérer la construction de logements.

La nouvelle taxe est prévue dans un projet de loi sur la fiscalité municipale que le gouvernement Legault a déposé à l’Assemblée nationale jeudi, au lendemain de la conclusion de la « Déclaration de réciprocité » avec les municipalités – la formule qui remplace désormais le traditionnel pacte fiscal.

La nouvelle taxe s’appliquerait à tout logement inoccupé pendant au moins 180 jours par année et s’élèverait au maximum à 1 % de la valeur de ce logement.

Le propriétaire d’un immeuble de 400 000 $ qui est inoccupé ou sous-utilisé devrait ainsi verser 4000 $ à la municipalité qui déciderait de se prévaloir de ce nouveau pouvoir de taxation, selon l’exemple fourni par la marraine du projet de loi, la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest.

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Andrée Laforest, ministre des Affaires municipales

Les chalets ne seraient pas touchés par la mesure. Mais le propriétaire d’un triplex qui réserve l’un de ses logements ou tous ses logements à la location sur Airbnb serait quant à lui taxé.

Il y a ainsi « trop de logements présentement qui sont conservés pour faire de la sous-location ou de la location » alors qu’« on est en période de crise du logement ». Il faut les rendre disponibles à la population à la recherche d’un toit, a plaidé Andrée Laforest en conférence de presse.

« Je vais donner le meilleur exemple : aux Îles-de-la-Madeleine, il y a des gens qui gardent la maison, la résidence ou le logement, le loue ou la loue seulement trois mois par année, quatre mois par année […] puis le restant de l’année, la maison ou le logement est vacant. Donc, c’est sûr que nous, on s’est dit : avec une municipalité en situation de crise du logement, on ne peut pas accepter qu’un logement soit vacant comme ça », a expliqué la ministre.

La barre fixée à 180 jours

Selon le projet de loi, « n’est pas vacant ni sous-utilisé le logement occupé pendant un minimum de 180 jours par an par son propriétaire, par une personne avec qui il a, ou a eu, un lien de parenté ou d’alliance, y compris par l’intermédiaire d’un conjoint de fait, ou un lien de proche aidance ou par un autre occupant en raison, dans ce dernier cas, d’un bail d’une durée d’au moins 180 jours, y compris une sous-location ».

Québec a choisi de fixer la barre à 180 jours « parce qu’il faut quand même respecter les gens qui voyagent six mois par année à l’extérieur », a précisé Andrée Laforest.

Le gouvernement permet également aux villes « de hausser le taux maximal pouvant être fixé à l’égard de la catégorie des terrains vagues desservis et de diviser leur territoire en secteurs aux fins de l’imposition de la taxe foncière générale ». Une ville pourrait multiplier par quatre le taux de taxe.

Une municipalité pourrait modifier son régime de taxation foncière « pour donner un congé de taxe ou avoir une catégorie différente pour du logement social ou du logement abordable », a ajouté Andrée Laforest. Québec permet aux villes d’étaler le paiement du droit sur les mutations immobilières. Les municipalités obtiennent également le pouvoir de verser de l’aide financière à des entreprises.

Québec enchâsse dans le projet de loi le versement annuel aux municipalités des revenus tirés de la croissance d’un point de TVQ, une mesure instaurée avec le précédent pacte fiscal conclu en 2019. Ce transfert financier représentera 445 millions en 2024, 881 millions en 2028 et 1 milliard au tournant de 2030.

Des « superpouvoirs » pour contrer le pas dans ma cour

De son côté, la ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, veut permettre aux villes d’autoriser rapidement des projets de construction d’habitations même si ceux-ci ne respectent pas les règlements d’urbanisme. Pour contrer le réflexe du pas dans ma cour et les risques de référendums citoyens, elle leur donnera des « superpouvoirs » grâce à des amendements à son projet de loi sur le logement.

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France-Élaine Duranceau, ministre responsable de l’Habitation

On donne la permission aux villes, pour une période de cinq ans, de sauter toutes les autres étapes d’approbation pour les projets d’habitation qui ne respectent pas ou dérogent à la réglementation en vigueur, après la tenue d’une assemblée publique.

France-Élaine Duranceau, ministre responsable de l’Habitation, en entrevue avec La Presse

La Ville de Montréal pourrait ainsi épargner près d’un an en délais pour la délivrance de permis de construction pour des projets de logement. Soulignons que dans l’ensemble de la métropole, ces délais ont augmenté en moyenne de 34 %, si on les compare à ceux de 2018, selon des données obtenues et analysées par La Presse.

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Autre modification importante : Québec permettra la construction de logements accessoires sur l’ensemble du territoire.

Cela permettra aux citoyens d’ajouter un étage à leur maison pour créer un logement, ou de transformer un garage adjacent à la maison en logement, par exemple.

« Ça évite aux municipalités de devoir changer leur réglementation. Toutes les municipalités y ont accès, mais elles peuvent le refuser. On n’impose rien », a affirmé la ministre.

Un logement accessoire est un appartement autonome privé aménagé dans une habitation existante. Il comprend une salle de bains, une cuisine, une salle de séjour et une chambre. Il doit être aménagé à l’intérieur de la résidence, dans un garage ou un sous-sol aménagé, par exemple.