(Ottawa) Devant la lenteur du gouvernement Trudeau à créer un registre des agents d’influence étrangers, le Bloc québécois compte déposer sous peu un projet de loi afin de créer cet outil réclamé par de nombreuses organisations depuis plusieurs mois pour mieux contrer l’ingérence étrangère au pays.

Le député bloquiste René Villemure promet que ce projet de loi aura du mordant : il imposera non seulement aux agents d’influence étrangers de déclarer leurs activités dans un registre, mais il l’exigera aussi de la part de la partie canadienne, peu importe que la personne soit député ou sénateur, fonctionnaire ou professeur dans un établissement d’enseignement.

L’obligation imposée à la partie canadienne assurera une meilleure traçabilité des activités des agents d’influence étrangers en territoire canadien, a affirmé lundi M. Villemure, un expert en éthiques, dans une entrevue accordée à La Presse.

Le projet de loi du Bloc québécois pourrait obtenir l’appui d’une majorité des députés à la Chambre des communes, où les libéraux de Justin Trudeau sont minoritaires. Au printemps, le Parti conservateur a fait adopter une motion exigeant la tenue d’une enquête publique sur l’ingérence étrangère et la création d’un registre des agents d’influence étrangers qui a été adoptée grâce à l’appui du Bloc québécois, du NPD et des députés du Parti vert.

En outre, le Parti conservateur avait tenté de faire adopter un projet de loi pour créer un registre avant les élections fédérales de 2021. Le projet de loi est mort au feuilleton à la suite du déclenchement des élections.

Le gouvernement Trudeau affirme depuis plusieurs mois que la création d’un tel registre est une priorité et que projet de loi permettant de le créer serait déposé cet automne. Mais la leader du gouvernement en Chambre, la ministre Karina Gould, n’a guère évoqué cette question lorsqu’elle a expliqué les priorités du gouvernement lors de la session parlementaire de l’automne.

Résultat : le Bloc québécois estime que la lenteur du gouvernement Trudeau est inacceptable et entend ainsi déposer son propre projet de loi.

« La création d’un registre est une promesse des libéraux. Mais cela n’a pas encore été fait. Le gouvernement ne bouge pas. Au Bloc, on va bouger. Ça va être fait au cours des prochains jours », a confirmé M. Villemure.

Plusieurs des alliés du Canada comme les États-Unis, l’Australie et le Royaume-Uni se sont dotés d’un registre afin de contrer l’ingérence étrangère. Mais le projet de loi que propose le Bloc québécois se distingue en imposant une obligation à la partie canadienne de lever le voile sur des rencontres avec des agents d’influence étrangers.

Dans notre projet de loi, les deux parties doivent déclarer les rencontres. Donc, le registre, plutôt que d’avoir une simple inscription, va permettre de faire aussi des vérifications. C’est différent de ce qui se fait ailleurs. Ça va permettre de suivre à la trace ce qui se passe à ce chapitre au Canada.

le député bloquiste René Villemure

« On sait que l’ingérence étrangère, c’est quelque chose qui est bien réel. C’est assez subtil et bien présent. Si on ne pose pas des gestes clairs, on va perdre la partie. En ayant une obligation aux deux parties de s’inscrire, on a le moyen de savoir ce qui se passe, même si un agent étranger omet de s’inscrire au registre. C’est une nouveauté importante. »

M. Villemure a précisé que des sanctions sévères seraient imposées à quiconque cherche à contourner le registre. Cette portion du projet de loi est en cours de préparation.

« L’ingérence est une affaire grave. La pénalité ne peut pas juste être que l’on soit privé de dessert. Ça va être à déterminer, car on n’est pas rendu à cette étape-là. Mais mon souhait, c’est que l’agent étranger qui ne respecterait pas les obligations du registre serait expulsé. Il faut avoir quelque chose de dissuasif », a-t-il dit.

M. Villemure a confirmé ses intentions à la veille de la publication, mardi, du rapport du comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique sur l’ingérence étrangère, notamment de la Chine. Le comité a consacré plusieurs réunions à se pencher sur ce dossier afin d’évaluer les menaces que cela représente pour l’intégrité des institutions démocratiques, de la propriété intellectuelle et de l’État canadien.

Tout indique que la création d’un registre d’agents d’influence étrangers fera partie des recommandations du comité.