(Ottawa) Au lendemain du dévoilement du budget de l’an 1 d’un Québec indépendant, le chef de l’opposition officielle à Ottawa, Pierre Poilievre, accuse les libéraux fédéraux de Justin Trudeau de volontairement chercher à raviver la flamme souverainiste.

« Le Parti québécois a mentionné vouloir créer l’indépendance pour des raisons économiques. C’est quelque chose que le parti n’aurait jamais osé faire durant les années conservatrices parce que les taxes étaient basses, les dettes étaient basses, les impôts étaient bas et la croissance était forte », a-t-il affirmé mardi durant la période des questions.

Selon le chef conservateur, « c’est pour ça que ce premier ministre a renversé ces politiques, causant une volonté de séparation parmi certains au Québec ».

M. Poilievre commentait ainsi, dès l’ouverture de la traditionnelle joute oratoire aux Communes, l’exercice auquel s’est prêté le Parti québécois (PQ) de Paul St-Pierre-Plamondon.

M. Trudeau a rétorqué que « pendant que les partis d’opposition ramènent de vieilles chicanes sur la souveraineté, [les libéraux vont] rester ancrés dans la livraison d’aide pour les Canadiens ».

Plus tôt mardi, plusieurs de ses ministres ont balayé du revers de la main l’initiative du PQ.

Je n’ai pas tellement le temps de regarder des budgets fantaisistes, là. […] Il y a tellement de choses dans le monde qui se passent. On va se focaliser sur les choses qui sont importantes pour les gens.

le ministre de l’Industrie, François-Philippe Champagne

Le lieutenant du gouvernement fédéral pour le Québec, Pablo Rodriguez, a insisté sur « les divisions » entre amis et membres d’une même famille qu’ont créées par le passé les discussions sur la souveraineté.

« Je me souviens très bien du référendum de 1995. Les divisions que ça a créées. […] Des membres de famille qui ne se parlent plus, des amis qui ne se parlent plus aussi. C’est mon cas d’ailleurs », a dit M. Rodriguez alors qu’il se rendait à une réunion du conseil des ministres.

Il a mentionné « l’acrimonie des débats, les divisions que ça a créées, les dérapages à l’occasion aussi ». « Est-ce qu’on veut vraiment, comme société, se replonger là-dedans ? », a soutenu M. Rodriguez, aussi ministre fédéral des Transports.

Il ne « voi[t] pas le besoin » de raviver le débat sur la souveraineté du Québec, puisque, selon lui, la province « s’épanouit comme société, tant sur le plan économique que social ». 

Ils ont une représentation forte ici à Ottawa, 35 députés libéraux, des gens d’autres partis aussi qui [les] représentent. On a un système qui fonctionne », a plaidé M. Rodriguez.

le lieutenant du gouvernement fédéral pour le Québec, Pablo Rodriguez

La ministre des Finances, Chrystia Freeland, a tenu à souligner que, à son avis, Ottawa « a d’excellentes relations avec le gouvernement de la province de Québec ». « On travaille en étroite collaboration dans les intérêts des Québécois et des Québécoises. […] On est fiers des investissements qu’on a faits dans la province du Québec qui sont dans l’intérêt de la nation québécoise et dans l’intérêt de tout le Canada », a dit la vice-première ministre canadienne en point de presse.

Elle n’a pas manqué de faire allusion à l’entente conclue avec le gouvernement de François Legault pour un investissement phare dans l’usine de Northvolt au Québec.

Sa collègue responsable de l’Agence du revenu du Canada, Marie-Claude Bibeau, a affirmé qu’« on ne reviendra pas encore sur le rapport d’impôts unique ».

« S’ils le veulent unique, ça va nous faire plaisir de le faire pour eux, comme pour les autres provinces », a dit la ministre. Elle a souligné que c’est le cas pour toutes les autres provinces canadiennes.

« Ce serait une super économie pour le Québec », a-t-elle ajouté.

Le ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault, réfute quant à lui l’idée que la lutte aux changements climatiques pourrait être plus facile dans un Québec indépendant.

« On consomme du pétrole au Québec. On en consomme 360 000 barils par jour. Ça changerait quoi dans un Québec souverain ? On importerait du pétrole comme on en importe du pétrole aujourd’hui », a-t-il tranché devant les journalistes.

Le ministre de l’Approvisionnement, Jean-Yves Duclos, a aussi évoqué un certain manque de temps à son horaire pour se pencher sur le budget de l’an 1 d’un Québec indépendant. Il a soutenu avoir « plus d’intérêt à consacrer au budget de la prochaine année des familles de la classe moyenne de [sa] circonscription ».

Le chef bloquiste Yves-François Blanchet, pour sa part, « salue l’exercice » qui, à ses yeux, fait « vivre l’idée » de la souveraineté du Québec. « En soi, ce n’est pas une panacée économique. C’est de récupérer les outils pour développer notre propre économie. Les chiffres extrêmement bien présentés – un excellent travail – sont très inspirants à cet égard-là », a-t-il dit en mêlée de presse.

À son avis, la « seule voix forte et intransigeante » face à l’exercice du budget de l’an 1 vient des rangs des libéraux fédéraux et de ceux de leurs proches cousins au provincial, ce que M. Blanchet voit comme une « preuve que les souverainistes sont à la bonne place ».