(Ottawa) Le gouvernement Trudeau refuse de plaider en faveur du cessez-le-feu immédiat qu’exigent une trentaine de députés de la Chambre des communes : la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, y voit plutôt un chantier à moyen ou long terme.

« J’entends la position de plusieurs de mes collègues », a-t-elle assuré, lundi.

« J’entends le fait que les Canadiens s’attendent à ce que le Canada joue un rôle équilibré, et en même temps, un rôle basé sur notre position qui a toujours été celle d’être un joueur constructif ami et allié d’Israël, ami du peuple palestinien », a-t-elle poursuivi en conférence de presse d’Abou Dabi, aux Émirats arabes unis.

La cheffe de la diplomatie du Canada dit avoir été « claire sur le fait qu’Israël avait le droit de se défendre », mais en même temps, elle a échangé avec son homologue de l’Autorité palestinienne et fait référence, dans son discours au Sommet pour la paix du Caire, « au droit des Palestiniens à l’autodétermination ».

En somme, il faut à la fois gérer la crise et préparer le terrain pour une cessation des hostilités « à moyen et à long terme » afin d’assurer paix et stabilité à la région, a insisté Mme Joly, réitérant la position d’Ottawa en faveur d’une solution à deux États.

La ministre refuse de fait la demande formulée vendredi dernier par plus d’une trentaine de députés, dont 23 libéraux, 8 néo-démocrates ainsi que 2 verts, qui ont exhorté le premier ministre Justin Trudeau à réclamer un cessez-le-feu immédiat entre Israël et le Hamas.

« Le Canada doit être une voix forte. Combien d’autres victimes faudra-t-il ? », a lâché lundi la présidente du Groupe d’amitié parlementaire Canada-Palestine, la libérale Salma Zahid. C’est cette députée ontarienne qui a diffusé la lettre, qu’aucun député du Parti conservateur et du Bloc québécois n’a signée.

Jagmeet Singh revient à la charge

Le Nouveau Parti démocratique (NPD) est le seul parti reconnu en Chambre à réclamer officiellement un cessez-le-feu.

PHOTO PETER POWER, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Jagmeet Singh, chef du Nouveau Parti démocratique

Son chef, Jagmeet Singh, a pris la plume pour tenter de convaincre Justin Trudeau d’accéder à la requête.

« Un nombre croissant de députés vous demandent de plaider en faveur d’un cessez-le-feu. Ces élus, y compris certains de votre propre parti, ajoutent leur voix à un nombre croissant d’appels internationaux », a-t-il écrit dans une lettre datée du 22 octobre.

Le leader néo-démocrate souhaite la tenue d’une rencontre d’urgence « pour discuter de la manière dont nous pouvons travailler ensemble pour mettre fin à la violence avec un cessez-le-feu ».

Le Bloc demande une trêve humanitaire temporaire

Du côté du Bloc québécois, on s’est prononcé lundi en faveur d’une trêve temporaire.

« Il faut être réaliste : le conflit à Gaza ne va pas s’estomper à court terme. Il faut donc aussi être réaliste quant à l’insuffisance de l’aide humanitaire qui rentre au compte-gouttes. Le Canada doit réclamer d’Israël une trêve humanitaire », a plaidé le député bloquiste Alexis Brunelle-Duceppe.

La requête bloquiste s’inspire de celle qui a été formulée la semaine dernière par le secrétaire général des Nations unies, António Guterres. Il s’agit d’un cessez-le-feu multilatéral et temporaire devant être respecté par Israël, le Hamas et le Hezbollah.

Le ministre du Développement international, Ahmed Hussen, a éludé la question. Il s’est contenté de lire une déclaration résumant l’aide humanitaire débloquée par le Canada pour venir en aide aux Palestiniens de la bande de Gaza et des régions avoisinantes, qui est de l’ordre de 60 millions.

L’économie, pas la guerre

Dans les banquettes conservatrices, on n’a posé aucune question sur la guerre, lundi encore. L’opposition officielle a préféré se concentrer sur les enjeux du logement et du coût de la vie – ceux-là mêmes qui les ont aidés à se distinguer des libéraux au courant de l’été.

Intercepté avant la période des questions, le député Joël Godin a eu ces mots lorsqu’on lui a demandé quelle était la position de son parti : « Il faut comprendre qu’il y a deux groupes, et ces deux groupes-là s’attaquent, et malheureusement, il y a des victimes dans les deux camps, et ça, c’est inacceptable. »

Sur les réseaux sociaux, le chef conservateur, Pierre Poilievre, est avare de messages sur la guerre depuis le 7 octobre dernier. Il a toutefois publié un extrait du discours qu’il a livré lundi dernier à Ottawa, dans lequel il s’est rangé sans réserve derrière l’État hébreu.

Fin des vols d’évacuation de Tel-Aviv

La ministre Joly a confirmé que le dernier vol d’évacuation entre Tel-Aviv et Athènes était lundi. Au total, plus de 1600 Canadiens seront montés à bord des 19 vols opérés par les Forces armées canadiennes. Du côté de la Cisjordanie, 45 Canadiens ont été transportés en autocar jusqu’à Amman, en Jordanie, « et ce travail se poursuit », a déclaré la diplomate en chef du Canada. Quant au sort des centaines de Canadiens coincés dans la bande de Gaza, il demeure incertain, malgré le fait que des convois humanitaires ont pu franchir la frontière entre l’Égypte et l’enclave, au poste de Rafah.