(Ottawa) Les Innus font toujours face à un Québec « très intransigeant » pour négocier leur Paix des Braves moderne, a dénoncé le ministre Marc Miller jeudi. Le silence du Québec dérange les chefs des trois communautés innues du Regroupement Petapan qui attendaient sa contre-proposition le 31 mars.

« On s’est botté un peu le cul quand on a vu l’échéancier du 31 mars venir parce que le gros de l’apport en capital, ça vient du fédéral », a fait remarquer le ministre des Relations Couronne-Autochtones. Simplement pour dire que la machinerie, règle générale, est plus lente au fédéral, donc quand une province veut, elle le peut. »

Les Innus ont réussi à s’entendre avec le gouvernement fédéral, mais il manque toujours l’apport du Québec pour finaliser l’entente. Les pourparlers durent depuis 40 ans et un accord semblait à portée de main au début du mois de mars. Pour la première fois depuis la conclusion de l’entente de principe d’ordre général en 2004, tous les intervenants s’étaient assis à une même table.

Depuis, c’est le « silence radio » de la part du ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuit, Ian Lafrenière.

« On a un peu d’incertitude à ce moment-ci, a constaté à regret le chef de Mashteuiatsh, Gilbert Dominique. Donc, pour nous c’est clair que ça prend un message qui va être fort du premier ministre pour honorer son engagement qu’il a pris publiquement en campagne électorale et qu’on puisse terminer la boucle comme on a réussi à le faire avec le gouvernement fédéral. »

Les chefs des trois communautés innues du Regroupement Petapan — Mashteuiatsh au Lac-Saint-Jean, Essipit et Nutashkuan sur la Côte-Nord — avaient déjà demandé une rencontre avec le premier ministre François Legault en mars pour régler les derniers points, mais elle n’a jamais eu lieu. Ils ont plutôt rencontré son directeur de cabinet, Martin Koskinen, et le secrétaire général du gouvernement, Yves Ouellet.

En coulisse, on chuchote que le gouvernement québécois attendrait la décision de la Cour suprême sur la loi fédérale C-92 pour l’autonomie de leurs services de protection de l’enfance. Québec a contesté sa constitutionnalité. Il estime qu’elle empiète sur son champ de compétence. Une décision favorable lui permettrait de renégocier certaines clauses du traité Petapan.

« Contrairement au fédéral, le Québec est un gouvernement de proximité qui côtoie les Premières Nations au quotidien dans plusieurs domaines. On doit prendre le temps de bien faire les choses », a rétorqué le ministre des responsables des Relations avec les Premières Nations et les Inuit, Ian Lafrenière.

Le premier ministre François Legault n’a pas réagi jeudi à la sortie du Regroupement Petapan et du ministre Marc Miller.

Le ministre Lafrenière a indiqué dans une déclaration avoir « espoir que tout se règle rapidement », mais a ajouté que le gouvernement du Québec doit « prendre le temps de bien faire les choses ». Il a promis une rencontre entre lui, les chefs des trois communautés et « un membre du cabinet du premier ministre ».

« Petapan est complexe, c’est le premier traité depuis 1975, a-t-il fait valoir. Nous allons laisser les négociations suivre leur cours. Nos équipes sont au travail, et ce, à la vitesse grand V. »

Le ministre Miller a souligné qu’il s’agirait d’un accord historique non seulement à l’échelle du Québec, mais également à l’échelle du Canada. Cette Paix des Braves moderne contient une reconnaissance des droits de ces trois communautés autochtones plutôt qu’une extinction de ces droits en échange d’argent pour le développement économique.

Les Innus veulent, entre autres, une entente économique qui inclurait un bloc d’énergie de 500 mégawatts et l’obligation pour les entreprises forestières de s’entendre avec eux lors de l’exploitation des terres ancestrales.

Avec Fanny Lévesque, La Presse