Un juge entend accorder la demande d’injonction de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), mais « pas telle quelle », a-t-il affirmé vendredi matin. La Cour supérieure entendait la demande de l’université pour démanteler en partie le campement propalestinien qui s’est installé sur son campus.

« Je serais surpris de rejeter entièrement l’injonction provisoire sans faire rien d’autre », a affirmé le juge Louis-Joseph Gouin, qui entend rendre son jugement final au plus tard lundi matin.

Au palais de justice de Montréal, le juge a exprimé le souhait que l’UQAM et les manifestants propalestiniens s’entendent sur un « code de vie » afin d’assurer la sécurité sur le campus de l’université, où le campement est établi depuis la mi-mai. « Je ne l’accorderai pas telle quelle », a précisé le juge, au sujet de la demande d’injonction.

Avec cette demande, l’UQAM tente de faire démanteler en partie le campement propalestinien installé sur la pelouse du Complexe des sciences Pierre-Dansereau. Elle doit prouver l’urgence d’agir afin d’obtenir une injonction interlocutoire provisoire, qui durerait dix jours, si elle était accordée.

L’Université s’est dite inquiète de la gestion du campement, devant le tribunal. « L’UQAM est prête à tolérer la présence des occupants, mais dans la mesure où on n’entrave pas la libre circulation, l’accès et la sortie des immeubles, et qu’on ne met pas en péril la sécurité de ses lieux et de ses occupants », a plaidé vendredi matin MMartin Côté, qui représente l’Université. Selon l’établissement, la situation est telle qu’il y a urgence d’agir.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Vue aérienne du campement propalestinien au Complexe des sciences Pierre-Dansereau de l’UQAM

MMax Silverman, qui représente le campement, a affirmé que les craintes exprimées par l’UQAM n’étaient « que des suppositions ». Selon l’avocat, les manifestants ont « créé des sorties d’urgence conformes aux consignes du Service [de sécurité] incendie de Montréal » dès le 20 mai, et des mesures de sécurité ont été prises sur le campement, où règne un « esprit de collaboration et d’écoute ».

Question de périmètre

Selon l’UQAM, le campement, baptisé « Université populaire Al-Aqsa », porte atteinte à son droit de propriété. « La situation n’a fait que s’intensifier […], on a vu le périmètre du campement [s’agrandir] au cours des derniers jours », a ajouté MMartin Côté.

Le juge s’est dit « très sensible » à l’idée de créer un périmètre de sécurité autour du campement, qui est actuellement enclavé dans une cour intérieure du campus. « Il me semble que libérer trois mètres le long des bâtiments, c’est sécuritaire pour tout le monde », a-t-il affirmé.

Or, imposer un tel corridor de sécurité mettrait le campement en péril, selon MMax Silverman, qui représente les manifestants propalestiniens qui ont planté leurs tentes sur le campus de l’UQAM. « C’est en effet démanteler le campement, ou au moins le rendre très vulnérable », a-t-il plaidé, ajoutant qu’une réduction du campement l’exposerait « aux contre-manifestations de l’extrême droite ».

Me Émilie E. Joly, qui représente le Syndicat des professeures et professeurs enseignants de l’UQAM (SPPEUQAM), a plaidé en soutien aux campeurs. Le syndicat craint qu’un démantèlement partiel du campement ne restreigne la liberté d’expression des manifestants.

Si on veut garantir la liberté d’expression et le droit à l’association pacifique, il faut que les conditions le permettent.

Me Émilie E. Joly, avocate du SPPEUQAM

« L’urgence nous semble bien maigre », a ajouté l’avocate, en décrivant le campement comme un lieu « calme, serein ».

Les campeurs de McGill réagissent

Pendant ce temps, les étudiants du campement en solidarité avec la Palestine à l’Université McGill réagissent aux arguments avancés par le recteur de l’université, Deep Saini, dans une lettre publiée plus tôt cette semaine dans La Presse.

Ce dernier déplorait que les campeurs « continuent d’éviter les échanges sérieux », ce que ces derniers réfutent.

Prétendre que McGill participe de bonne foi aux discussions avec les étudiants relèverait de la fiction. D’ailleurs, le recteur n’a jamais daigné se présenter aux séances de négociation. Les pistes de solution offertes par McGill jusqu’ici ne répondent aucunement à nos préoccupations de manière significative.

Extrait de la lettre

Au recteur, qui qualifiait le campement d’« occupation illégale », les étudiants rappellent qu’« aucun geste haineux ou violent n’a été commis par les campeurs et McGill n’a pas été en mesure de produire de preuve convaincante pour appuyer ses accusations d’antisémitisme devant les tribunaux ».

« Nous exerçons nos droits et libertés de manière légitime, les universités ayant historiquement servi de lieux de rassemblement pour dénoncer des crises humanitaires, comme celle qui se déroule en Palestine », ajoutent-ils dans leur missive.

Lisez la lettre des campeurs de McGill

Avec Vincent Larin et Henri Ouellette-Vézina, La Presse