La tenue du plus grand congrès de sciences humaines au pays, prévu en juin à l’Université McGill, est compromise par les récents évènements survenus sur son campus. Des activités ont déjà été déplacées à l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

Plus grand rassemblement de chercheurs au pays, le Congrès annuel des sciences humaines doit se tenir à l’Université McGill du 12 au 21 juin.

Professeurs, étudiants et décideurs sont attendus pour venir échanger sur les défis posés par les changements climatiques dans un contexte global.

Or, des centaines de chercheurs seront absents. La gestion des récents évènements survenus sur le campus anglophone – grève des professeurs de droit, campement propalestinien – met mal à l’aise plusieurs associations savantes, a appris La Presse.

Fin avril, l’Association mcgillienne des professeur.es de droit (AMPD) a déclenché une grève générale illimitée, n’ayant pas atteint une entente de principe avec l’université.

Déjà 25 associations, incluant les plus grandes du congrès, ont annoncé des mesures de solidarité envers les professeurs de droit, soit en annulant, en déplaçant leurs conférences ou en minimisant leur présence sur le campus de McGill lorsque ces dernières options n’étaient pas possibles. « On parle de milliers de chercheurs impliqués », souligne Víctor M. Muñiz-Fraticelli, membre du comité de grève de l’AMPD.

L’Association canadienne droit et société, qui attend à elle seule entre 250 et 300 participants, compte parmi celles qui ont décidé de déplacer leurs activités à l’UQAM.

« Les gens ont exprimé leur inconfort à se rendre sur un campus où il y a une grève en cours », soutient Thomas Collombat, professeur à l’Université du Québec en Outaouais.

L’Association canadienne d’études du travail et du syndicalisme – dont il fait partie – a elle aussi décidé de déplacer tous ses panels à l’UQAM, en solidarité à la grève. Une centaine de ses membres sont inscrits à l’évènement.

Incertitude entourant le campement

Le campement propalestinien est aussi un enjeu soulevé par les associations qui ont décidé de tourner le dos à l’Université McGill.

Plusieurs chercheurs désapprouvent les démarches juridiques de l’université, qui cherche à déloger les manifestants de son terrain.

Pour beaucoup d’universitaires, un campus n’est pas une propriété comme une autre. C’est un espace qui doit être ouvert aux débats et aux manifestations.

Thomas Collombat, professeur à l’Université du Québec en Outaouais

Certaines craignent aussi une intervention policière, même si la Cour supérieure a rejeté, la semaine dernière, une demande d’injonction interlocutoire qui aurait autorisé un démantèlement immédiat du campement.

« Si jamais le campement devait être évacué de force, [les associations seraient mal à l’aise] de venir sur le campus quelques jours ou quelques semaines plus tard, comme si rien ne s’était passé », estime Thomas Collombat.

Selon le professeur, l’université tient un discours contradictoire face aux craintes des associations.

« Elle dit de ne pas s’inquiéter, que le campus est totalement accessible, sécuritaire. Or, c’est exactement le contraire qu’elle a dit en cour pour justifier sa demande d’injonction. »

La Société d’études socialistes a elle aussi pris la décision de déplacer sa conférence en solidarité avec les professeurs de droit et le campement propalestinien.

« Dans les deux cas, les demandes de ces organisations ne serviront pas seulement à elles-mêmes, mais elles créeront une meilleure université pour tous », a-t-elle déclaré sur les réseaux sociaux.

« Nous sommes en conversation avec les associations participant au Congrès depuis deux semaines, afin d’entendre leurs préoccupations et de trouver des solutions qui correspondent à chaque situation unique », a réagi la Fédération des sciences humaines, qui organise le congrès.

« Nous avons mis notre plateforme virtuelle à leur disposition afin qu’elles puissent y tenir leurs conférences, ou une partie de leurs conférences. Nous continuons de suivre la situation de près en collaboration avec nos partenaires à McGill, et de communiquer avec nos associations afin d’assurer une planification efficace », a-t-elle poursuivi.

L’Université McGill n’a pas répondu à nos questions.