« Je sais que j’ai fait la pire chose au monde. » Stéphanie Brossoit, une mère accusée d’avoir violemment tué sa fille de 6 ans de 80 coups de couteau alors qu’elle avait consommé plusieurs drogues, a plaidé coupable lundi matin à une accusation réduite d’homicide involontaire.

La petite Maélie Brossoit-Nogueira a été tuée par sa mère le soir du 23 juillet 2020, alors qu’elles dormaient dans la même chambre. Stéphanie Brossoit, depuis longtemps aux prises avec un problème de consommation, était alors en état de psychose.

La fillette de 6 ans s’était réfugiée dans la salle de bains pour fuir les coups de couteau lors du drame. Les policiers ont retrouvé la porte défoncée. La petite était inerte dans la baignoire et l’autopsie a identifié 80 plaies sur le corps de la victime, selon l’exposé conjoint des faits déposé en cour.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

La petite Maélie Brossoit-Nogueira a été tuée par sa mère le soir du 23 juillet 2020. Stéphanie Brossoit a ensuite été arrêtée par les policiers et conduite à l’hôpital.

Sa mère, « désorganisée et agitée », avait été arrêtée par les policiers et conduite à l’hôpital. Elle a fait référence à la mort de sa fille à plusieurs reprises lors de son trajet en ambulance. Son discours était long et chaotique.

« Je sais que j’ai fait la pire chose au monde », « Ah je suis morte », « Y’a un gars qui me court après », « Si je dors pas, je vais mourir », « J’comprends pas ce qui m’arrive », « Si je la tue, je vais m’en sortir », « Je vais mourir », « J’essaie de tuer ma fille, j’ai fait ça pis je vais recommencer », « Si je me suicide, je vais mourir », « Faut pas que je fasse ce qu’a me dit de faire », « Je tuerais pas ma fille », « J’ai tué ma fille. »

Mélange de drogues

La mère avait consommé des substances intoxicantes qui l’empêchaient de dormir dans les jours ayant précédé la visite de Maélie. La fillette, en garde partagée, se rendait occasionnellement chez sa mère. « L’accusée n’avait pratiquement pas dormi depuis plusieurs jours. Ainsi, afin d’être en mesure de faire sa journée, l’accusée a consommé le matin un comprimé de speed », explique le résumé des faits.

Stéphanie Brossoit craignait de ne pas être en mesure de dormir, parce qu’elle n’avait pas suffisamment de Seroquel. Le médicament lui était prescrit par ordonnance médicale.

Elle a donc demandé à un ami de lui apporter des cigarettes indiennes et un demi « bouchon » de GHB.

Cet ami lui a aussi fourni un gâteau de cannabis, qu’elle a mangé en entier.

« Elle s’est réveillée dans un état de confusion, se sentant coincée dans une autre dimension. Elle se sentait entre la vie et la mort. Ses pensées lui disaient qu’elle devait donner des coups de couteau à son enfant pour la sauver », précise-t-on dans le dossier de cour.

L’accusée avait également tenté de se donner la mort par surdose de médicaments en janvier 2020. Il ne s’agissait pas de sa première tentative de suicide, indique le résumé des faits lu par le procureur de la Couronne MSimon Lapierre.

Un signalement à la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) avait été fait au sujet de Maélie à la suite d’allégations de problèmes de consommation de l’accusée quelques mois avant son arrestation.

« Après avoir parlé aux membres de la famille et à l’accusée qui n’a pas été transparente sur sa consommation de drogue, la DPJ a fermé le dossier en concluant qu’il n’y avait pas de risque pour Maélie. »

« Pas de justice », dénonce la famille

Stéphanie Brossoit aurait dû être déclarée coupable au terme d’un procès, pensent le père de la victime et sa famille. Elle avait d’abord été accusée de meurtre au deuxième degré, a rappelé la famille en s’adressant aux médias. Le procès devant jury devait durer cinq semaines.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

La famille de la petite victime

En plaidant coupable à l’accusation d’homicide involontaire, la mère de 39 ans évite le risque d’écoper de la prison à vie.

« Il faudrait que les lois changent au Québec. Il n’y a pas de justice. On peut tuer son enfant, dire qu’on est en psychose et obtenir une peine et une accusation réduites. Elle va pogner six ans ? Sept ans ? Combien d’enfants vont mourir comme ça dans le silence ? », a confié en pleurs Manuela Pires, tante de la victime.

Stéphanie Brossoit aurait eu de bonnes chances d’être acquittée en plaidant l’intoxication extrême, ont expliqué aux journalistes les avocates de la défense MElfriede Duclervil et MRoxane Sicotte. Ce moyen de défense était toujours une option au moment où le drame est survenu, en 2020. L’accusée a plutôt accepté l’offre de la Couronne pour éviter un procès.

Le père de la jeune Maélie a demandé une levée de l’ordonnance de non-publication sur l’identité de sa fille. Cet interdit empêchait les médias de nommer la petite victime et de divulguer des détails permettant de l’identifier.

PHOTO FOURNIE PAR LA FAMILLE DE LA VICTIME

La victime et sa mère Stéphanie Brossoit

« C’est un crime d’une violence extrême. C’est une histoire d’horreur et ça allait tomber dans l’oubli. On ne pouvait pas en parler. On voulait que les gens se souviennent de Maélie », a expliqué à La Presse Mme Pires, les larmes aux yeux.

« Le matin du drame, elle est sortie de chez moi et je voulais la garder. Mais sa mère a insisté pour l’avoir », se remémore avec émotion Eugenia Augusto, grand-mère de la fillette tuée.

« J’ai demandé un bisou, Maélie m’a dit : ‟Tu viens me chercher ?” et elle a fait un petit cœur à son papa », a-t-elle raconté aux médias.

Les observations sur la peine, une suggestion commune des deux parties, auront lieu le 23 mars prochain devant le juge Yvan Poulin.

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