Le gouvernement Legault et la Cour du Québec entament des pourparlers dans l’espoir de régler leur litige sur la réforme controversée de l’horaire de travail des juges. Des discussions ont déjà commencé sous la houlette d’un ex-juge et ancien sous-ministre, nommé comme facilitateur.

Le ministre de la Justice Simon Jolin-Barrette et la juge en chef de la Cour du Québec Lucie Rondeau « ont conjointement mandaté M. Jacques Chamberland à titre de facilitateur afin de les accompagner dans la recherche de solutions communes suivant la réorganisation du travail des juges siégeant en matière criminelle et pénale », ont annoncé vendredi le ministre et la Cour du Québec.

Le bref communiqué précise que les « discussions ont débuté en janvier 2023 ». Les pourparlers resteront confidentiels, ajoute-t-on.

« Dans toutes les décisions que nous prenons, c’est l’intérêt des personnes victimes et des citoyens qui prime. Le système de justice, il est avant tout le leur. Les Québécois ont droit à des services accessibles, adéquats et rapides. Nous sommes heureux de pouvoir compter sur l’expertise de M. Chamberland dans la recherche de solutions communes », a commenté le cabinet du ministre Simon Jolin-Barrette.

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Jacques Chamberland

L’ex-juge Jacques Chamberland est connu du public pour avoir présidé en 2017 la Commission d’enquête sur la protection de la confidentialité des sources journalistiques, lancée dans la foulée de l’« affaire Lagacé ».

En plus d’avoir exercé 28 ans à la magistrature, Jacques Chamberland a été sous-ministre de la Justice et sous-procureur général du Québec entre 1988 et 1993. Une expérience unique qui devrait lui permettre de bien comprendre les doléances des deux camps.

Une avancée importante

Il s’agit d’une avancée importante dans ce conflit, alors que le torchon brûle depuis des mois entre Québec et la juge en chef Lucie Rondeau. La Presse avait publié l’automne dernier les nombreuses lettres échangées entre le ministre Jolin-Barrette et la juge en chef Lucie Rondeau depuis l’annonce du projet de réorganisation en décembre 2021.

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Le ministre de la Justice Simon Jolin-Barrette

Le ministre Simon Jolin-Barrette s’est même tourné l’été dernier vers la Cour d’appel du Québec pour faire annuler la réforme « unilatérale » de la juge en chef. Québec craint que cette décision ne mène à une « avalanche » d’arrêts du processus judiciaire en raison de délais déraisonnables.

Essentiellement, cette réorganisation permet aux juges de la Cour du Québec de la chambre criminelle et pénale de siéger moins souvent en salle d’audience pour leur donner plus de temps pour délibérer. La juge en chef justifie ce changement en raison de la complexification du droit et des nombreuses décisions écrites à rendre.

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La juge en chef de la Cour du Québec Lucie Rondeau

Depuis septembre 2022, les juges siègent ainsi selon un ratio 1/1, soit une journée d’audience pour une journée de délibérations, alors qu’ils siégeaient deux jours pour une journée de délibérations. En pratique, ce changement fait perdre plus de 4500 jours d’audience. La juge en chef Rondeau réclame ainsi 41 nouveaux juges pour compenser, mais Québec refuse.

Pendant ce temps, les délais ne cessent de s’allonger dans les palais de justice, notamment en raison de la réforme Rondeau, mais également en raison de la grave pénurie de personnel de cour. Selon des projections du ministère de la Justice, environ 50 000 causes criminelles dépasseront le plafond de 18 mois de l’arrêt Jordan en août prochain. De ce nombre, environ 9000 dossiers seront en péril précisément en raison du changement d’horaire des juges, estime le Ministère.

Notons que Lucie Rondeau a été nommée juge en chef en octobre 2016 pour un mandat de sept ans non renouvelable.