(Montréal) Les policiers pourront garder le silence et ne seront pas obligés de transmettre des rapports dans le cadre d’une enquête du Bureau d’enquêtes indépendantes (BEI).

La Fédération des policiers et policières municipaux du Québec et la Fraternité des policiers et policières de Montréal ont eu gain de cause contre le gouvernement du Québec en vertu d’un jugement rendu le 30 avril 2024 par le juge Robert M. Mainville, de la Cour d’appel.

Les syndicats de policiers avaient déjà reçu un jugement favorable en Cour supérieure en 2022, mais le gouvernement du Québec avait décidé de porter sa cause en appel.

Les syndicats plaidaient que de forcer les policiers à parler ou à partager leurs comptes-rendus portait atteinte à leur droit au silence (et à ne pas s’incriminer).

Pour la remise des documents au BEI, le juge statue que comme le policier impliqué fait l’objet lui-même de l’enquête, « il ne peut être contraint de servir de source de renseignements sur ses propres agissements criminels ».

Le juge Mainville souligne que s’il a l’obligation professionnelle de produire ce rapport, il ne devrait pas être contraint à le fournir au BEI, même s’il peut le faire volontairement.

Pour ce qui est de la rencontre avec les enquêteurs, le juge affirme que le policier impliqué a le droit au silence et qu’il devrait en être informé au début.

Le Bureau d’enquêtes indépendantes, mis sur pied par le gouvernement Marois en 2013, a pour mandat d’enquêter lorsqu’une personne ou un policier meurt ou est blessé gravement pendant une intervention de la police ou une détention par celle-ci.

Le gouvernement débouté

Le juge a donc rejeté l’argument du gouvernement selon lequel la remise du rapport au BEI et l’absence de mises en garde lors des rencontres étaient nécessaires pour assurer une enquête menée « avec célérité, efficacité, impartialité, indépendance ou transparence et pour conserver la confiance du public envers le système de justice ».

« Les autres provinces qui ont adopté des mesures d’enquêtes similaires n’imposent pas de telles obligations au policier impliqué et il n’y a aucune preuve dans le dossier qui laisserait entendre que cela nuirait à ces enquêtes ou ébranlerait la confiance du public », note le juge Minville.

Pour justifier sa décision, le juge souligne que les enquêtes du BEI sont de nature criminelle, donc qu’elles doivent être régies par le Code criminel et le common law – qui sont de compétence fédérale.

« Cela étant, cela ne signifie pas que le législateur provincial ne puisse légiférer à l’égard des enquêtes menées par un corps de police, tel le BEI. Il peut certes le faire », souligne le juge.

« Cependant, la législation provinciale ne peut ni contredire ni annuler les règles et principe du droit criminel et de la procédure criminelle, lesquels relèvent de la compétence exclusive du législateur fédéral. »

Dans un courriel, une porte-parole de la Fraternité des policiers et policières de Montréal a indiqué que le président Yves Francœur était heureux de cette décision.

« Pour lui, c’est une belle victoire qui préserve les droits fondamentaux des policiers et policières », a affirmé Isabelle Lewis, directrice des communications et relations publiques à la Fraternité.