(Ottawa) Le groupe qui milite pour un meilleur contrôle des armes à feu craint que les amendements pour ajouter l’interdiction des armes d’assaut au projet de loi C-21 ne passent pas. Après les chasseurs, c’était au tour de l’Assemblée des Premières Nations la semaine dernière de s’y opposer.

« Ça nous fait peur », reconnaît en entrevue la survivante du féminicide de masse de la Polytechnique, Nathalie Provost, et porte-parole de PolySeSouvient. « Pour nous, c’était sine qua non et c’est une demande qui date de très longtemps. »

Une réunion d’urgence a eu lieu mardi après-midi pour déterminer combien de groupes pourront se faire entendre en comité parlementaire. Les amendements qui élargissent la portée du projet de loi ont été déposés en novembre par le gouvernement après que divers groupes eurent été entendus par les élus, soulevant une levée de boucliers.

Au départ, le projet de loi C-21 interdisait les armes de poing, mais pas les armes d’assaut qui faisaient déjà l’objet d’une interdiction par décret. Les amendements visent à enchâsser cette interdiction dans la législation tout en ajoutant davantage de modèles d’armes qui seraient prohibées.

La réunion d’urgence du comité permanent de la sécurité publique et nationale avait été demandée par la députée bloquiste Kristina Michaud avec l’appui de six autres élus libéraux et néo-démocrate. Les conservateurs n’ont pas été consultés parce qu’ils s’étaient déjà opposés à une première requête. Mme Michaud a proposé deux séances supplémentaires pour entendre des témoins sur la définition élargie d’une arme prohibée.

La députée conservatrice Raquel Dancho y est allée de sa propre suggestion avec vingt rencontres consécutives. Elle demande également que le comité puisse voyager dans le nord du pays pour aller à la rencontre des communautés autochtones qui seraient particulièrement touchées. Elle voudrait ensuite que le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, témoigne durant quatre heures.

« Le gouvernement n’a pas fait de consultation, c’est le problème », a-t-elle déploré.

Une proposition « exagérée », selon Mme Michaud. Les élus se sont finalement entendus pour huit rencontres à la suggestion du député néo-démocrate Alistair McGregor, mais n’ont pas réussi à clore le débat avant la fin de réunion. La discussion a donc été reportée à jeudi.

La définition et la liste d’armes prohibées proposées à la dernière minute par les libéraux touchent certaines armes utilisées pour la chasse. Les conservateurs accusent donc les libéraux de vouloir bannir les armes de chasse, ce que nie le gouvernement. Comme les libéraux sont minoritaires, ils ont besoin de l’appui du Bloc québécois ou du Nouveau Parti démocratique pour que les deux amendements soient adoptés.

Le premier ministre Justin Trudeau s’est dit ouvert à modifier la liste d’armes prohibées qui fait plus de 300 pages, mais pas la définition. Celle-ci bannit les armes semi-automatiques à percussion centrale pour les chargeurs de plus de cinq balles tout comme celles qui peuvent tirer des projectiles avec une énergie initiale de plus de 10 000 joules et celles dont la surface intérieure du canon est de 20 millimètres ou plus. Cette définition inclut donc des armes de style militaire fréquemment utilisées pour la chasse comme le SKS.

PolySeSouvient se dit ouvert au compromis.

On n’est pas contre les armes, on n’est pas contre les chasseurs et on n’est pas contre la chasse. Donc, travaillons ensemble pour avoir une liste qui fait que les armes qui devraient être reconnues comme des armes de chasse raisonnables soient exclues du règlement.

Nathalie Provost, porte-parole de PolySeSouvient

L’Assemblée des Premières Nations, qui représente plus de 600 communautés, réclame que les fusils utilisés par les Autochtones pour assurer leur subsistance soient retirés de la liste des armes prohibées. La liste inclut les fusils de type SKS, une arme de style militaire populaire auprès des chasseurs incluant les membres des Premières Nations.

Le débat a dérapé lorsque la Coalition canadienne pour les droits aux armes à feu a utilisé le code promotionnel « Poly » pour l’achat de marchandises sur son site web, quelques semaines avant le 33e anniversaire du féminicide de masse à Polytechnique. Le groupe a par la suite obtenu l’appui de Carey Price dans une publication Instagram où le gardien de but du Canadien dénonçait la nouvelle liste d’armes prohibées proposée par le gouvernement, fusil de chasse à la main.

Le gouvernement avait déjà interdit en 2020 par décret 1500 armes d’assaut, dont celle utilisée dans la tuerie de Polytechnique. Le projet de loi C-21 vise à colmater les brèches pour éviter que les fabricants ne sortent de nouveaux modèles d’armes à la limite de ce qui est permis. Les armes à feu interdites feraient par la suite l’objet d’un programme de rachat.