(Ottawa) Les chasseurs pourront finalement se faire entendre en comité parlementaire sur l’interdiction des armes d’assaut. Le Bloc québécois a obtenu jeudi les signatures requises pour convoquer une réunion d’urgence. La définition et la liste d’armes prohibées proposées à la dernière minute par les libéraux touchent certaines armes utilisées pour la chasse, ce qui soulève la controverse.

« On va négocier qui on veut amener au comité comme expert, quand est-ce qu’on va les recevoir et si on veut aller au-delà du nombre de séances, mais je me suis assurée qu’il y ait deux séances comme c’était notre demande initiale », a expliqué la députée bloquiste Kristina Michaud, qui siège au comité parlementaire chargé d’étudier le projet de loi C-21.

Elle a envoyé une lettre au président du comité permanent de la sécurité publique et nationale signée par six autres députés. Le Bloc québécois espère faire témoigner une association de chasseurs. « Il faut que des experts viennent s’asseoir devant les parlementaires et fournissent une explication claire et réussissent à définir où est la démarcation entre armes de chasse et armes d’assaut », avait plaidé le chef du parti, Yves-François Blanchet, la veille.

La réunion d’urgence aura vraisemblablement lieu mardi. Les partis devront alors s’entendre sur le nombre de séances additionnelles et le nombre de témoins qu’ils souhaitent entendre. Les conservateurs, qui s’opposent au contrôle des armes à feu, avaient demandé 20 séances supplémentaires en début de semaine, ce qui a été perçu comme une tactique dilatoire.

Outrée que son parti n’ait pas été consulté, la députée conservatrice, Raquel Dancho, a qualifié de la démarche du Bloc québécois de « sournoise », après s’être fait sortir de la Chambre des communes jeudi après-midi. Elle avait accusé les libéraux de mentir durant la période des questions et avait refusé de s’excuser.

Lorsqu’il a été déposé en mai, le projet C-21 interdisait au départ les armes de poing. Le gouvernement veut en élargir la portée pour interdire également les armes d’assaut. Il a déposé deux amendements en ce sens il y a deux semaines, l’un qui propose une nouvelle définition des armes prohibées et l’autre, une liste d’un peu plus de 300 pages de modèles qui seraient interdits.

Ces nouveaux amendements ont fortement fait réagir les lobbies proarmes du Canada, de même que le milieu de la chasse. Samedi dernier, le gardien du Canadien de Montréal Carey Price a d’ailleurs fait une sortie controversée en critiquant ouvertement le projet de loi et en soutenant une association proarmes, à quelques jours de la commémoration de la tuerie de Polytechnique à Montréal.

La manœuvre de dernière minute du gouvernement, effectuée après la fin des consultations en comité parlementaire, a également soulevé les critiques des partis d’opposition. Le Bloc québécois et le Nouveau Parti démocratique jugent qu’il s’agit d’une manœuvre « maladroite ». Le Parti conservateur estime plutôt que les libéraux veulent carrément bannir les armes de chasse.

Le premier ministre Justin Trudeau a accusé les conservateurs jeudi d’être « sous l’emprise du lobby proarmes », de « répandre de la désinformation » et « de faire peur aux gens ». Le gouvernement tente de « tracer la ligne » pour bannir les armes d’assaut de type militaire.

« Nous nous concentrons sur certaines armes à feu qui n’ont pas leur place au Canada et nous ne nous attaquons pas aux fusils de chasse et aux carabines », a-t-il réitéré.

M. Trudeau a indiqué qu’il ne bougerait pas sur la définition élargie d’une arme à feu prohibée. Elle bannit les armes semi-automatiques, incluant les fusils de chasse, dont le chargeur peut être modifié pour recevoir plus de cinq cartouches tout comme celles qui peuvent tirer des projectiles avec une énergie initiale de plus de 10 000 joules et celles dont la surface intérieure du canon est de 20 millimètres ou plus.

Il a répété qu’il était ouvert à modifier la liste de modèles interdits pour enlever les armes de chasse qui s’y trouvent.

Le gouvernement avait déjà interdit en 2020 par décret 1500 armes d’assaut, dont celle utilisée dans la tuerie de Polytechnique. Le projet de loi C-21 vise à colmater les brèches pour éviter que les fabricants ne sortent de nouveaux modèles d’armes à la limite de ce qui est permis.

Avec Lila Dussault, La Presse