Le manque de voies réservées au transport collectif sur le futur nouveau pont de l’Île-aux-Tourtes est « aberrant », s’est inquiété lundi le maire de Vaudreuil-Dorion, au moment où la ministre des Transports visitait le chantier venant tout juste d’être lancé.

« Ce n’est pas normal qu’en 2023 on fasse avec un pont sans voie dédiée au transport collectif. […] C’est aberrant et c’est inconcevable », a martelé le maire Guy Pilon, après une conférence de presse de Geneviève Guilbault ce lundi.

Selon les plans du ministère des Transports, le pont ne sera en effet composé que « d’accotements larges » d’environ 4 mètres pouvant être utilisés par les autobus. Autrement dit, les bus n’auront pas de voie réservée à proprement parler, un peu comme le veut le modèle de l’utilisation des accotements par autobus (UAB).

Celui-ci se distingue d’une voie réservée « par son nombre restreint d’utilisateurs, par la formation que les conducteurs doivent suivre avant de pouvoir y circuler et par le fait que son utilisation est limitée par certaines conditions liées au degré de congestion des voies habituelles », indique clairement le ministère des Transports sur son site web.

Ultimement, l’accotement garde donc plus longtemps son rôle « de zone de refuge pour véhicule en panne » ou « de zone tampon en cas de manœuvres d’évitement ou de perte de contrôle puisque son utilisation par les autobus n’est que sporadique ».

PHOTO FOURNIE PAR LE MINISTÈRE DES TRANSPORTS ET DE LA MOBILITÉ DURABLE

Les différentes voies du futur pont de l’Île-aux-Tourtes

Bref, « on ne parle pas d’une ligne dédiée », peste M. Pilon. « Ça veut dire que s’il y a quelque chose qui se passe, s’il y a un accident, ils vont dévier autant le trafic automobile que les autobus là-dedans », dit-il, en s’inquiétant du peu d’incitatifs qu’offrira ainsi le gouvernement aux usagers du transport collectif.

En mêlée de presse, la ministre Guilbault s’est défendue d’avoir choisi la mesure « la plus pertinente » des nombreux scénarios qui ont été étudiés pour la desserte en transport collectif sur le nouveau pont. « Avec les accotements larges, […] il va y avoir de la place pour faire circuler les autobus », a-t-elle assuré.

Pas de REM… pour le moment

Le Réseau express métropolitain (REM) ne fera pas non plus partie du nouveau pont, a confirmé Mme Guilbault, sans toutefois l’exclure à plus long terme.

En fait, s’il y est un jour, le train léger « serait au même emplacement que l’actuel pont, une fois qu’il sera détruit », affirme le maire Pilon. « À cause de la vibration, on nous a dit que ce serait une structure à part, et seulement s’ils jugent qu’il y a un besoin », a détaillé l’élu.

A priori, le pont de l’Île-aux-Tourtes demeurera à deux voies – une dans chaque direction – pendant encore six semaines. « Ensuite de ça, on parle d’environ un an de plus pour avoir plus de voies disponibles en attendant le nouveau pont », a dit Mme Guilbault.

Québec a confirmé la semaine dernière le lancement des travaux du nouveau pont, qui doit être partiellement mis en service – avec cinq voies sur six – en décembre 2026. Les six voies seraient ensuite prêtes fin 2027.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

La ministre des Transports, Geneviève Guilbault

Deux voies ont été fermées coup sur coup dans les derniers jours, en raison de dommages découverts sur la structure. Outre la gratuité d’autobus et de trains, en plus du péage suspendu sur l’autoroute 30, Québec se prépare à interdire la circulation des camions sur la voie de droite en heure de pointe sur l’autoroute 20, afin d’alléger la congestion. Interdire complètement le camionnage sur le pont, « ça amènerait d’autres problèmes » sur le réseau municipal, a toutefois expliqué la ministre.

Un manque d’inspection ?

Pour Guy Pilon, il est clair que l’inspection a manqué sur la structure dans les dernières années. « Ça fait au moins 15 ans qu’on me parle du pont de l’Île-aux-Tourtes qui est en train de s’effondrer. Il y aurait dû avoir une reconstruction il y a déjà plusieurs années. Si ça avait été fait à l’époque, on n’en serait pas là aujourd’hui », déplore-t-il.

Geneviève Guilbault, elle, reconnaît que son gouvernement et ses prédécesseurs auraient « possiblement » dû inspecter l’infrastructure davantage. Mais elle ajoute que la gestion actuelle de la situation par son ministère démontre que « les inspections, elles existent et elles fonctionnent ».

« On est à la recherche permanente de nouvelles solutions pour amoindrir les impacts sur le quotidien des gens », a encore persisté Mme Guilbault.

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Le nouveau pont de l’Île-aux-Tourtes fera une dizaine de mètres de largeur de plus que le pont actuel.

Le nouveau pont de l’Île-aux-Tourtes, qui a connu plusieurs hausses de coût et qui est maintenant évalué à 2,3 milliards, sera situé au nord de l’infrastructure actuelle, qui sera ensuite démantelée.

Dans chaque direction, il y aura à terme trois voies de circulation pour les automobiles et les camions. Une « piste polyvalente » sera également aménagée pour les vélos et les piétons. Ultimement, le nouveau pont fera une dizaine de mètres de largeur de plus que le pont actuel.