Le secrétaire général de l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM), Guy Grenier, n’en est pas à ses premiers problèmes dans le monde municipal. Aujourd’hui sous les projecteurs à cause des dépenses douteuses de l’organisme en voyages, en repas au restaurant et en achats d’équipements coûteux, il a été destitué de son poste de chef de cabinet à Saint-Jean-sur-Richelieu en 2018.

L’affaire a même mené à la suspension de l’ex-maire Alain Laplante pour 95 jours, en raison du « mépris de l’intérêt public » dont témoignaient ses actions pour empêcher le renvoi de son ami Guy Grenier. Dans sa décision, la Commission municipale du Québec (CMQ) déplorait le « détournement du comité exécutif à des fins partisanes et de représailles » et des « conflits d’intérêts ».

L’actuel secrétaire général de l’Office de consultation publique de Montréal aura été directeur de cabinet d’Alain Laplante pendant quatre mois, en 2017 et 2018, avant de prendre la porte malgré les manœuvres du maire.

Ces derniers jours, Le Journal de Montréal a publié une série d’articles sur de nombreuses dépenses douteuses de Grenier et du personnel de l’OCPM. Le quotidien a aussi expliqué comment l’ancienne présidente de l’Office et actuelle présidente du comité exécutif de Montréal, Dominique Ollivier, a recruté Grenier après avoir été son associée en affaires au sein de Ki3, le cabinet-conseil qu’ils ont cofondé.

Conflits d’intérêts

En 2017, Guy Grenier est devenu chef de cabinet du nouveau maire de Saint-Jean-sur-Richelieu, minoritaire au conseil municipal. Les neuf membres majoritaires lui ont rapidement reproché son rôle « politique ». Dans les villes de moins de 100 000 habitants, les attachés politiques sont pourtant considérés comme des « fonctionnaires », soumis à son autorité, affirmait le directeur général. Or Grenier refusait de se soumettre à ses directives.

Les conseillers majoritaires lui reprochaient aussi son « double emploi » : tout en occupant ses fonctions de cadre à la Ville, il était resté président du cabinet-conseil Ki3. Forts d’un avis juridique du contentieux, les conseillers de la majorité ont finalement voté sa destitution, au printemps 2018.

Après avoir travaillé seulement quatre mois à la Ville en 2017 et 2018, Guy Grenier a reçu six mois de salaire, conformément à son contrat de travail, confirme le contentieux de la Ville de Saint-Jean-sur-Richelieu.

Dans son jugement contre Alain Laplante, la CMQ racontait en 2019 comment l’ex-maire avait pris parti contre sa propre ville en participant aux débats sur la destitution de son ami Guy Grenier. En mai 2018, il avait même accompagné son ex-chef de cabinet dans ses négociations avec la Ville dans le cadre de sa poursuite.

PHOTO FOURNIE PAR L’ÉQUIPE ALAIN LAPLANTE

Avant de devenir son chef de cabinet, Guy Grenier (à droite) a tenté en vain de se faire élire dans l’équipe d’Alain Laplante (à gauche), élu maire de Saint-Jean-sur-Richelieu en 2017, avant d’être suspendu en 2019 par la Commission municipale du Québec, puis de perdre le pouvoir en 2021.

La juge administrative déplore la façon dont Laplante « a usé de tous les moyens » afin d’éviter de libérer un budget pour permettre à sa propre ville de payer ses frais judiciaires contre Grenier.

« Vouloir empêcher sa ville d’être défendue devant la cour est un geste qui porte gravement atteinte à ses intérêts, et ce, dans le but évident d’avantager Guy Grenier, qui ferait alors face à une partie adverse non représentée », tranche la juge.

Poursuites en série

Depuis sa destitution au printemps 2018, Guy Grenier a déposé une série de poursuites en diffamation et pour faire annuler son renvoi. Il réclame 465 470 $ à la Ville de Saint-Jean-sur-Richelieu en salaire et indemnités, pour les années 2019, 2020 et 2021. En outre, le Tribunal administratif du travail a confirmé le 3 novembre qu’il examinerait ses plaintes au sujet de sa destitution.

Grenier a aussi intenté une autre action pour faire annuler sa destitution, mais la Cour supérieure l’a rejetée en janvier dernier.

Selon le contentieux de la Ville, les démarches de Grenier contre la municipalité ont coûté 259 704 $, versé en honoraires pour sa défense au cabinet Fasken.

« Cabale incessante »

Aujourd’hui directeur général de la Ville de Trois-Rivières, François Vaillancourt était directeur général de Saint-Jean-sur-Richelieu à l’époque. En entrevue avec La Presse, il explique comment « la cabale incessante » du maire a finalement mené à son arrêt de travail en 2019. « Tu te sens très, très, très mal, dit-il. Personne ne veut passer à travers ça. »

En plus de poursuivre la Ville, Grenier a engagé des poursuites contre lui personnellement et contre les conseillers de la majorité au conseil municipal de 2018. Il leur réclame 482 308 $ en salaire et en dommages-intérêts.

François Vaillancourt raconte comment l’ex-maire Alain Laplante l’a suspendu « clairement par vindicte », après la destitution de Grenier. « Des conseillers de son équipe ont dit : « Vous avez mis fin au lien d’emploi du chef de cabinet, nous on suspend le DG » », raconte-t-il. Le conseil municipal l’a ensuite réintégré moins d’une semaine plus tard.

François Vaillancourt a quitté la Ville de Saint-Jean-sur-Richelieu en 2020 pour un emploi supérieur au gouvernement du Québec, puis un autre poste de directeur général à Trois-Rivières, en 2022.

La Presse n’a pas pu joindre Guy Grenier. Son avocat, Sylvain Beauchamp, a refusé de répondre à nos questions.

Même réponse du côté de l’ancien maire de Saint-Jean-sur-Richelieu. « Je n’ai pas de commentaires », a simplement répondu Alain Laplante, avant de raccrocher.

Dans une entrevue au Journal de Montréal mercredi, la présidente de l’OCPM a déclaré que Grenier était « la meilleure candidature » pour devenir secrétaire général de l’organisme, malgré ses déboires à Saint-Jean-sur-Richelieu.