La cohabitation avec la population itinérante demeure ardue, déplorent des commerçants

Cinq mois après la création de la cellule de crise contre l’insécurité dans l’est du centre-ville, des commerçants locaux constatent une augmentation de la présence policière, mais ajoutent que la situation demeure difficile.

Les abords du parc Émilie-Gamelin et l’ouest du Village conservent leurs allures de zone sinistrée à la veille de la belle saison. Une importante population itinérante y a élu domicile.

Des policiers, « il y a en plus. Il y a des gestes qui sont faits, mais ce n’est pas encore assez », a affirmé Nicolas Plante, gérant du bar Le Date. « Il y a un début, il y a des choses qui commencent, mais ça va prendre clairement plus que ça. »

À quelques mètres de l’établissement, une femme en haillons est pliée sur elle-même, au beau milieu de l’intersection des rues Montcalm et Sainte-Catherine. Une forte odeur d’urine flotte sur plusieurs tronçons de l’artère et les entrées des commerces abandonnés servent d’abris de fortune aux itinérants.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Plusieurs commerces de la rue Sainte-Catherine ont été abandonnés au cours des dernières années.

Selon un bilan municipal rendu public mercredi, 40 policiers ont été affectés au secteur du Village et les inspecteurs de la Société de transport de Montréal (STM) ont renforcé leur présence à la station Berri-UQAM. Des dizaines de vendeurs de drogue ont été arrêtés, et l’Équipe mobile de médiation et d’intervention sociale (EMMIS) a été bonifiée dans le secteur.

« C’est vrai qu’on voit plus d’équipes », a reconnu Olivier Bourit, qui travaille chez Grimard Optique, mais s’exprimait en son nom personnel. « Mais il y a des clients qui se plaignent [de la situation] toute la journée. » Xavier Twigg, de Twigg Musique, trouve que la situation « s’est un peu calmée » dans les derniers mois. « Ce n’est pas si pire que ça », a-t-il ajouté.

D’autres sont moins convaincus. « On a perdu beaucoup de clientes », a dénoncé Chantal Morneau, qui travaille chez Saint-Laurent Coiffure et ne trouve pas que la situation s’est améliorée. « Je me suis blessée au dos jeudi passé parce que les itinérants ont passé la nuit à uriner devant notre porte de commerce. J’ai été obligée de monter des chaudières d’eau pour tout nettoyer. »

« Un électrochoc »

Valérie Plante, pour sa part, s’est félicitée d’avoir donné « un électrochoc » au quartier depuis le début de l’année pour faire face à la dégradation de la situation sociale et commerciale.

« On vous avait dit qu’on prenait ce secteur-là très au sérieux », a dit la mairesse, en point de presse à l’hôtel de ville de Montréal. L’« équipe de choc » créée en février dernier « se réunit fréquemment » pour trouver des solutions : elle inclut la Ville, le réseau de la santé, la police et la STM, entre autres.

« On a donné un mandat très clair à cette équipe d’arriver avec des résultats à court terme pour le début de l’été pour ramener le sentiment de sécurité, autant pour les gens qui y travaillent, les commerçants, les gens qui y habitent et tous ceux qui fréquentent le secteur », a dit la mairesse.

La présence policière renforcée « a permis au SPVM d’accroître sa visibilité et l’intensité de ses interventions par des patrouilles plus fréquentes, des opérations de porte-à-porte, ainsi que des actions préventives et de répression visant à réduire les incivilités », indique la Ville de Montréal. « Des équipes d’enquêtes ont également mené des opérations pour réduire la criminalité en matière de stupéfiants. »

Gabrielle Rondy, de la Société de développement commercial du Village, a reconnu les efforts de l’administration Plante pour s’attaquer aux problèmes du secteur, mais s’impatiente devant leur persistance.

Ce sont des enjeux qui vont prendre du temps avant de voir des résultats concrets, mais c’est sûr que dans le Village, les commerçants trouvent qu’ils ont été patients. Les trois dernières années ont été excessivement difficiles.

Gabrielle Rondy, de la Société de développement commercial du Village

« C’est ça qui est décourageant pour certains de nos membres. »

La police est beaucoup plus présente, mais le nombre de travailleurs sociaux est insuffisant, a dit Mme Rondy.

« On amorce la belle saison pour le Village. Les commerçants ont quelques mois forts pour remplir leurs coffres », a-t-elle ajouté.