Des usagers du cimetière Notre-Dame-des-Neiges s’impatientent : sans assistance, certains ne sont même pas en mesure de faire enterrer les cendres de leurs proches décédés. Le syndicat attribue la situation au manque criant de personnel, bien connu dans le quartier.

« Ma mère est décédée le 15 juin dernier, et j’essaie de contacter le cimetière depuis le 20 juin. Je n’ai jamais eu de nouvelles. Soit on me dit que la responsable est en vacances, soit on prend mes informations, soit ci ou soit ça. Mais il n’y a jamais rien qui se passe », fustige Lilianne Geerts avec émotion.

Cela fait donc deux mois qu’elle tente d’enterrer sa mère, dont les parents ont déjà un lot au cimetière.

Ça devrait être si simple. Mais non, je n’ai jamais de réponses claires. Je vous dis : je suis à veille d’y aller avec ma pelle pour le faire moi-même.

Lilianne Geerts, au téléphone

Sur les réseaux sociaux, plusieurs autres personnes s’accordent autour des propos de Mme Geerts. « C’est pitoyable comme cimetière. Je suis allée voir ma mère et j’ai été incapable de trouver la pierre tombale tellement c’est mal entretenu. Le gazon est tellement long. […] J’ai appelé au cimetière pour faire part de la situation et l’agent au téléphone m’a carrément envoyée promener. Quelle honte. Aucun respect pour les défunts », écrit notamment Stéphanie Payton.

« Personne ne répond au téléphone, on doit laisser un message sur la boîte vocale, sauf qu’elle est régulièrement pleine et la ligne coupe », ajoute Jacques Legault. Autant de commentaires qui ne surprennent pas Mme Geerts. « Ils ne retournent pas les appels de personne. Dans mes démarches, j’ai même eu vent qu’à la fin de la journée, ils suppriment les boîtes vocales sans prendre les messages. Il y a vraiment quelque chose qui ne tourne pas rond », insiste-t-elle.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Le cimetière Notre-Dame-des-Neiges, mercredi

Personnel « vraiment réduit »

Le président du Syndicat des employés de bureau du cimetière Notre-Dame-des-Neiges, Éric Dufault, ne se dit pas surpris par cette situation. « Depuis qu’ils ont commencé à couper le personnel qu’on dit à la direction : vous allez manquer de soldats pour traiter le volume de services dont vous avez besoin », indique-t-il.

« On a des familles qui veulent prévoir une mise en terre, mais tout ça fait partie d’un service qu’on n’est pas toujours en mesure de livrer avec la quantité de personnel limitée. Certains collègues me disent qu’ils ont 50 messages en un matin, donc ils bloquent leur ligne. Ils ne peuvent plus en prendre », avoue M. Dufault.

À l’employeur, il ne demande qu’une chose : de la transparence.

Qu’on ne prétende pas donner un service aux familles quand ce n’est pas le cas. Qu’on ne fasse pas semblant qu’on est encore le joyau de Montréal. Qu’on le dise clairement qu’on est à court de personnel. Bref, qu’on soit transparent avec les familles. On est constamment mis dans une situation où on doit s’excuser aux familles, alors que ce n’est pas notre faute.

Éric Dufault, président du Syndicat des employés de bureau du cimetière

Du côté du Syndicat des travailleuses et travailleurs du cimetière Notre-Dame-des-Neiges, le président Patrick Chartrand se désole aussi de la situation. « On n’a jamais eu un aussi bas nombre d’employés, et ça paraît. Il y a beaucoup de travaux saisonniers, pour le gazon et l’aménagement paysager, qui se font avec le personnel réduit au maximum. Et au bureau, les gens qui restent sont débordés, ils ont de la misère à retourner les appels », admet-il au bout du fil.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Le cimetière Notre-Dame-des-Neiges, mercredi

À la fin de mai, La Presse rapportait, photos à l’appui, que les mauvaises herbes envahissent le cimetière. Par endroits, les tombes disparaissent carrément sous la végétation sauvage. « C’est affreux », avait alors lâché Debra Czop, les deux genoux dans la terre. Depuis une demi-heure, avec sa mère, Anne Czop, elle nettoyait le petit quadrilatère autour de la tombe familiale.

« J’ai été voir la direction. J’ai demandé s’ils pouvaient s’assurer qu’au moins le gazon serait coupé. On m’a dit qu’il fallait que je fasse une demande spéciale », s’était alors aussi insurgée Anne Czop, avant de reprendre le sécateur au sol.

Lisez « De la mauvaise herbe partout »

L’an dernier, 26 employés – surtout à des postes d’entretien – ont été mis à pied. L’employeur a justifié sa décision par « des problèmes financiers », au moment où la pandémie de COVID-19 venait de bousculer le budget de nombreuses entreprises, dit Patrick Chartrand. Les syndicats sont en négociation avec l’employeur depuis quatre ans. Les employés du cimetière sont donc sans contrat de travail depuis décembre 2018.

Appelée à réagir, la direction du cimetière Notre-Dame-des-Neiges n’a pas rendu les nombreux appels et courriels de La Presse, mardi. Aucun représentant n’a répondu à nos questions par courriel.