(Séoul) Choi Hee-woo n’était encore qu’un embryon de vingt semaines quand il est devenu l’une des plus jeunes parties civiles au monde, en se joignant à une action en justice contre la Corée du Sud pour inaction climatique.

Cette affaire, connue sous le nom de « Pivert et consorts contre la Corée du Sud », est la première de ce type dans le pays. Elle vise à prouver que les modestes objectifs climatiques de Séoul – réduire les émissions de carbone de 40 % d’ici à 2030 par rapport à 2018 – constituent une violation des droits humains garantis par la Constitution.

Choi He-woo est surnommé « Pivert » par ses parents, qui avaient entendu le ricanement de l’oiseau juste après avoir appris qu’ils attendaient un enfant. Il est le plus jeune des 62 parties civiles, dont la plupart étaient âgées de moins de cinq ans lorsque la plainte avait été déposée en 2022.

« Je ne pensais pas qu’un embryon pouvait participer », raconte à l’AFP Lee Dong-hyun, la mère de Choi He-woo, ajoutant qu’elle avait d’abord songé à inscrire le frère ou la sœur aînés de Choi avant de réaliser que son petit dernier, pas encore né, pouvait également devenir partie civile.

« Pour le futur de l’humanité, il est évident que le gouvernement doit faire plus d’efforts pour assurer notre survie face à la crise climatique », dit-elle. « Je serais vraiment désolée que mes enfants ne vivent jamais une belle journée de printemps ».

Lee Dong-hyun est convaincue que la Cour constitutionnelle de Corée du Sud donnera raison aux enfants, ce qui pourrait obliger Séoul à réviser ses lois sur le climat, même si l’ampleur des changements éventuels n’est pas claire.

Quatre plaintes similaires ont été jointes en un seul dossier par la Cour, dont la décision est attendue d’ici la fin de l’année.

« Agir bien plus tôt »

La militante pour le climat Kim Seo-gyeong, 21 ans, faisait partie du groupe qui a déposé la première de ces plaintes en 2020.

« L’examen d’un recours constitutionnel dans un délai de quatre ans ne semble pas trop long, mais ça l’est pour une crise climatique », regrette-t-elle. « Pour les législateurs, la crise n’est toujours pas assez importante pour les contraindre à agir ».

En 2021, la Corée du Sud a pris l’engagement de réduire ses émissions de carbone de 290 millions de tonnes d’ici à 2030 et de parvenir à zéro émission nette d’ici à 2050. Pour cela, le pays doit réduire ses émissions de 5,4 % chaque année à partir de 2023.

Mais selon Noh Dong-woon, professeur à l’université Hanyang de Séoul, il est très peu probable que Séoul atteigne ces objectifs.

« Avec les politiques favorables à l’industrie de l’administration actuelle et la structure de l’industrie lourde de la Corée du Sud, nous aurions dû agir bien plus tôt », explique-t-il à l’AFP.

En 2022, la part du solaire et de l’éolien dans la génération d’énergie n’était que de 5,4 % en Corée du Sud, moins de la moitié de la moyenne mondiale de 12 %, selon le groupe de réflexion sur l’énergie Ember. Le pays est également le deuxième plus gros émetteur de carbone par habitant du G20.

Des actions en justice similaires ont été couronnées de succès ailleurs dans le monde. En Allemagne, les objectifs climatiques ont été jugés insuffisants et inconstitutionnels en 2021. En août 2023, de jeunes Américains du Montana avaient remporté une victoire historique dans un autre procès climatique.

Égoïsme des adultes

En revanche, un juge californien a rejeté début mai une action collective intentée contre le gouvernement américain par des enfants pour son incapacité à lutter contre la pollution.

Han Jeah, 12 ans, aime la K-pop, la danse et l’activisme climatique. Elle accuse les adultes de ne pas prendre la crise climatique au sérieux par égoïsme. « Quand la température de la Terre augmentera de 2 °C, aucun des adultes qui en parlent aujourd’hui ne sera plus là. Même le président » sud-coréen Yoon Suk Yeol, dit-elle à l’AFP.

« Ce sera aux enfants laissés pour compte de réduire les émissions de carbone tout en subissant les conséquences », critique-t-elle.

Han Jeah s’est exprimée devant la Cour mardi, lors de la dernière audience consacrée à l’affaire.

« Il est absolument injuste de nous demander de résoudre le problème », a-t-elle déclaré. « Si l’avenir est pire qu’aujourd’hui, nous devrons peut-être renoncer à tout ce dont nous rêvons ».