Là, il y aura une vaste cuisine. Ici, une cafétéria. Au centre, d’immenses salles réfrigérées et de l’espace d’entreposage pour congeler. L’organisme Moisson Rive-Sud deviendra bientôt voisin de l’École nationale d’aérotechnique (ENA), près de l’aéroport de Saint-Hubert. Une expansion qui lui permettra de sortir les chaudrons pour réduire le gaspillage et son empreinte écologique, en se lançant dans la transformation des aliments frais.

L’objectif premier est de trier, de couper, de blanchir, de surgeler et d’ensacher des légumes avant qu’ils ne pourrissent. Les premiers à y passer seront les carottes, pommes de terre, oignons, haricots verts, brocolis et choux-fleurs.

Dans un avenir pas si lointain, le carrefour alimentaire de la Montérégie espère aussi mettre en conserve des tomates, des légumes, des fruits, voire des soupes et autres aliments transformés pour ses 153 organismes, dont 25 écoles. Les dirigeants entrevoient même la possibilité de cuisiner des repas à bon prix pour les étudiants de l’ENA. Le tout en s’impliquant dans la réinsertion sociale avec l’embauche de personnel dans ses cuisines, en joignant un chef à ses rangs.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Moisson Rive-Sud a pour mission de lutter contre l’insécurité alimentaire.

L’équipe à la tête de l’organisme de lutte contre l’insécurité alimentaire a offert une visite de son chantier de construction à La Presse. Le futur entrepôt de 30 000 pieds carrés sort de terre sur un terrain presque quatre fois plus grand que les actuelles installations exiguës de Boucherville.

Les nouveaux locaux permettront d’augmenter de 70 % la capacité d’entreposage de nourriture. L’objectif est de desservir 100 000 personnes de plus, dont au moins 30 000 enfants vivant quotidiennement avec la faim.

« Pour gérer la demande sans cesse croissante, ça prend autre chose que des millions de pieds de céleri. On veut de la quantité, de la qualité et de la variété pour aider le monde à mieux se nourrir. Il y a des limites à gérer des palettes de brocolis sans les transformer », illustre le directeur général de Moisson Rive-Sud, Dany Hétu, en expliquant que les organismes jettent de 5 à 10 % des aliments frais qu’ils reçoivent, faute de pouvoir les conserver.

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Bénévoles de Moisson Rive-Sud au travail dans les locaux actuels de l’organisme, trop petits pour transformer des aliments

La clientèle dans le besoin ne cesse d’augmenter, les défis pour trouver la nourriture aussi, a expliqué l’équipe de Moisson Rive-Sud, constituée de Louis Dubé, président du conseil d’administration, Marie-Claude Savaria, directrice du développement philanthropique et finances, et Pauline Marie, directrice du développement des affaires.

« Les épiciers ont tous modifié leurs pratiques pour réduire le gaspillage au maximum avec une logistique pour prévoir la demande, explique Mme Savaria. Nous sommes parfois obligés d’acheter de la nourriture. Dans le contexte, il est primordial d’optimiser. Je pense entre autres à ce que nous recevons des producteurs, agriculteurs et maraîchers, durant le temps des récoltes, par exemple durant la saison des pommes. »

Révolution

Ailleurs, dans ce qu’on appelle le réseau des Banques alimentaires du Québec (BAQ), un mouvement antigaspillage s’implante, avec de la transformation, de la restauration communautaire, même par l'entremise d’une friperie, à Granby. Dans la région de Trois-Rivières, l’organisme Moisson Mauricie s’est équipé pour déshydrater certains aliments. Martin Munger est le haut dirigeant du réseau des BAQ. L’organisme gère le Programme de récupération en supermarché (PRS) auprès de Loblaw, Metro et Sobeys, pour la redistribution aux organismes. Selon lui, après une baisse, on observe actuellement une hausse des produits provenant des épiciers.

À l’heure actuelle, on est dans le produit frais. Il est devenu nécessaire dans le milieu de transformer les fruits et légumes, de les surgeler. Une grande quantité de ce qui est offert aux banques alimentaires arrive en vrac. Il faut produire des portions, donc avoir les infrastructures, des cuisines, le personnel.

Martin Munger, Réseau des BAQ

Chiffre : 8552 tonnes métriques d’aliments frais sont distribuées chaque année par de grands épiciers aux banques alimentaires du Québec. Puisque les aliments sont consommés au lieu d’être jetés ou compostés, la distribution permet d’éviter l’émission de 4758 tonnes d’équivalent CO2, ou la pollution émise par 1032 véhicules sur la route durant un an, selon M. Munger, des BAQ.

Professeur spécialisé en économie politique de l’alimentation à l’Université de Montréal, Sébastien Rioux estime que l’alimentation devrait être un droit fondamental. Au Québec, souligne-t-il, on dénombre chaque mois environ 2 millions de demandes d’aide alimentaire. Et ces demandes ne viennent pas toujours des mêmes personnes ; le profil des gens affamés a changé, rappelle-t-il.

Électrification

« Avec l’inflation, les gens vont dans les banques alimentaires pour arriver à payer l’hypothèque. Il faut se réinventer, ça prend une révolution en alimentation. Pourquoi ne pas offrir le repas du midi dans les écoles ? Au Québec, on pourrait créer une alliance avec les agriculteurs pour récupérer les aliments avant qu’ils ne pourrissent dans les champs. Une filière agroalimentaire pourrait se mobiliser pour la transformation, pour distribuer. »

En attendant cette révolution, Moisson Rive-Sud espère être en mesure d'un jour offrir gratuitement la livraison à ses organismes membres. L’achat de véhicules électriques est dans les cartons, en commençant par les plus petits. Pour réduire son empreinte carbone, l’organisme desservant une douzaine de MRC de la Montérégie, jusqu’à Sorel-Tracy, veut revoir ses tracés. En ce moment, 57 % des organismes bénéficient de la livraison.

Consultez le site du Réseau des banques alimentaires du Québec Découvrez les futures installations de Moisson Rive-Sud
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  • 8552
    C’est la quantité d’aliments frais distribués chaque année par de grands épiciers aux banques alimentaires du Québec. Puisque les aliments sont consommés au lieu d’être jetés ou compostés, la distribution permet d’éviter l’émission de 4758 tonnes d’équivalent CO2, ou la pollution émise par 1032 véhicules sur la route durant un an.
    Source : réseau des Banques alimentaires du Québec