Deux caribous ont été aperçus dans des villages du Lac-Saint-Jean dans les derniers jours, un phénomène « très, très rare » étant donné que l’animal, une espèce menacée, fuit généralement l’activité humaine et vit maintenant plus au nord.

Ce qu’il faut savoir

Deux caribous ont été observés depuis le 14 mars dans de petites communautés du Lac-Saint-Jean, dont Saint-Cœur-de-Marie, un secteur de la ville d’Alma.

Il s’agit d’un jeune mâle et d’une jeune femelle, qui proviennent fort probablement de la harde de caribous du Pipmuacan, à une centaine de kilomètres de là.

Ils ont possiblement été poussés loin de leur habitat habituel par une action humaine ou des prédateurs.

Québec demande à la population de ne pas les approcher et de signaler toute observation, rappelant qu’il s’agit d’une espèce protégée.

Un mâle et une femelle ont été observés à Saint-Cœur-de-Marie, un secteur faisant partie de la ville d’Alma, le 14 mars ; d’abord ensemble, les deux bêtes se sont ensuite séparées.

Des vidéos du mâle ont d’ailleurs été publiées sur les réseaux sociaux ; on le voit notamment à proximité de la route 169, où des véhicules circulent à haute vitesse, immobile dans la neige, avant de commencer à s’éloigner.

« Je n’avais jamais vu de caribou, c’est la première fois de ma vie », a raconté à La Presse l’auteur de la vidéo, Mathieu Tremblay, qui a aperçu le cervidé en rentrant du travail. « Pour moi, c’est un animal légendaire. »

La présence de caribous dans les secteurs habités du Lac-Saint-Jean est d’ailleurs « très, très inusitée », a indiqué à La Presse le biologiste Jérôme Plourde, du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP).

Carte montrant les caribous aperçus près d’Alma.

« C’est très, très rare, a-t-il dit. Jamais je n’aurais pensé voir un caribou là. »

Les deux bêtes, qui ont aussi été vues à Saint-Nazaire, à L’Ascension-de-Notre-Seigneur et à Labrecque, proviennent fort probablement de la harde de caribous du Pipmuacan, dont l’aire de répartition est la plus près de l’endroit où elles ont été observées, estime M. Plourde.

Elles se retrouvent ainsi à une centaine de kilomètres des secteurs les plus méridionaux habituellement fréquentés par cette harde de caribous, soit la zone d’exploitation contrôlée (zec) Onatchiway.

Une activité humaine, comme la présence de motoneiges ou d’activités industrielles, ou encore une poursuite par des prédateurs pourraient avoir poussé ces deux cervidés loin de leur habitat habituel, postule le MELCFFP, soulignant que les grands déplacements de caribous sont d’autant plus rares en cette saison.

L’hiver, [les caribous] sont en ravage, ils vont rester pas mal dans le même secteur, passer l’hiver là, mais s’ils sont dérangés, ils peuvent faire de grandes distances.

Jérôme Plourde, biologiste du MELCCFP

En « assez bonne forme »

Les deux caribous, probablement des jeunes de tout au plus 3 ou 4 ans, se portent plutôt bien, selon le MELCCFP, dont un technicien a pu les observer et les photographier, le 14 mars, après avoir reçu leur signalement.

« Le mâle semblait en assez bonne forme, il n’y avait rien d’anormal […], aucun signe de boitement, pas de cicatrice », indique Jérôme Plourde.

« Il était très nerveux, ce qui est bon signe, [car il reste méfiant] face aux humains ; il ne se laissait pas approcher », ajoute le biologiste.

« Par contre, la femelle, elle boitait, on a observé un peu de sang dans les traces, mais rien d’inquiétant, ce n’étaient pas de grandes saignées », poursuit M. Plourde, disant ignorer pour l’instant ce qui a pu causer cette blessure.

Les deux caribous ont été vus en train de s’alimenter, ce qui est aussi une bonne nouvelle, indique M. Plourde, qui juge leurs comportements « assez normaux ».

Ils n’avaient pas été revus depuis vendredi, si bien que les spécialistes du MELCCFP les croyaient repartis en direction de leurs habitats habituels, mais l’un d’eux a de nouveau été signalé à Saint-Cœur-de-Marie, mercredi matin, sans qu’il soit possible de déterminer s’il s’agissait du mâle ou de la femelle.

Capture exclue

Capturer les deux caribous pour les reconduire là d’où ils sont venus est complètement exclu pour l’instant, indique Jérôme Plourde.

« Ce serait en dernier recours. On privilégie de laisser faire la nature », dit-il, soulignant que la capture « cause un stress assez intense à l’animal ».

Tout est cependant prêt au cas où cette option deviendrait nécessaire, si l’un des deux caribous se retrouvait en danger, précise M. Plourde.

« On est prêts, nos vétérinaires sont prêts, nos équipements sont prêts », dit-il, estimant toutefois que les chances sont « très bonnes » que les deux bêtes regagnent d’elles-mêmes leur habitat en toute sécurité. Le Ministère appelle toutefois la population à être vigilante sur les routes du secteur et à ne pas s’approcher des caribous, rappelant qu’il s’agit d’une espèce protégée.

« Il ne faut pas tenter de l’approcher pour ne pas l’effrayer, il faut garder ses distances », explique Jérôme Plourde.

La population est en outre invitée à rapporter toute observation à l’adresse suivante : https://mffp.gouv.qc.ca/le-ministere/formulaires/observation-caribou-forestier/

Une version précédente de ce texte indiquait que la femelle observée portait un panache, mais il s’agit plutôt du mâle observé.

En savoir plus
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    Population estimée de la harde de caribous du Pipmuacan lors du plus récent inventaire aérien, à l’hiver 2020
    Source : ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs