Le milliardaire canadien Lawrence Stroll figure au palmarès de 200 personnalités dont les vols en jet privé ont rejeté plus de 415 000 tonnes de CO2 dans l’atmosphère depuis 2022. Un total qui représente l’équivalent de l’empreinte carbone de 37 000 Québécois.

Ce qu’il faut savoir

Selon le quotidien The Guardian, les vols en jet privé de 200 milliardaires et célébrités ont produit 415 000 tonnes de CO2 en 21 mois.

Le milliardaire canadien Lawrence Stroll a effectué plus de 1500 vols en moins de deux ans.

Trente oligarques russes possèdent 39 jets privés, soit 1,3 jet par personne.

Selon le quotidien The Guardian, 200 milliardaires et célébrités ont volé pendant l’équivalent de 11 années depuis le début de 2022. Ces vols ont produit 415 518 tonnes de CO2 au cours des 21 derniers mois, a calculé le quotidien britannique.

Ce total équivaut aux émissions de gaz à effet de serre (GES) de 36 771 Québécois. Le plus récent bilan de l’Institut de la statistique du Québec évalue les émissions annuelles de GES à 11,3 tonnes par habitant dans la province.

La liste du Guardian comprend notamment Elon Musk, la famille Murdoch, des oligarques russes, les Rolling Stones ainsi que Lawrence Stroll, propriétaire de l’écurie de Formule 1 Aston Martin, né à Montréal.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

L’homme d’affaires Lawrence Stroll, né à Montréal

Parmi les cinq milliardaires les plus polluants, on retrouve la famille Blavatnik, la famille Murdoch, Eric Schmidt, la famille Sawiris et Lorenzo Fertitta, dont les vols ont tous rejeté au moins 5000 tonnes de CO2 dans l’atmosphère.

The Guardian signale que l’avion appartenant à Lawrence Stroll a effectué un total de 1512 vols depuis le début de 2022. Ses aéronefs privés, dont deux hélicoptères, ont également effectué le plus de voyages de 15 minutes ou moins, indique-t-on.

La plus importante société pétrolière au monde, la Saudi Aramco, est le principal commanditaire de l’écurie Aston Martin, rachetée par Stroll en 2020. Son fils, Lance, pilote l’une des deux F1 de l’équipe menée par l’ancien champion du monde Fernando Alonso. Depuis un an, le fonds souverain de l’Arabie saoudite est aussi devenu le deuxième actionnaire du constructeur Aston Martin, rappelait La Presse en juin dernier.

« Corrélation directe »

Selon The Guardian, l’un des avions les plus polluants de ce triste palmarès appartient aux Rolling Stones. Le Boeing 767 dans lequel volent Mick Jagger, Keith Richards et Ron Wood a libéré 5046 tonnes de CO2 en 21 mois, soit l’équivalent de 1763 vols pour une personne entre Londres et New York en classe économique. Le célèbre groupe prévoit d’ailleurs présenter bon nombre de spectacles en Amérique du Nord en 2024.

« C’est un exemple de ce qu’on sait déjà. Il y a une corrélation directe entre la grande richesse et la production de carbone », avance Alain Létourneau, professeur à l’Université de Sherbrooke, qui se spécialise notamment dans les enjeux éthiques environnementaux.

De l’avis de Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie chez Greenpeace Canada, le reportage du Guardian illustre « les privilèges suprêmes d’une minorité qui utilise la pire manière de se déplacer ». « Ce n’est pas surprenant. Il y a une tendance à la hausse dans l’utilisation de jets privés », ajoute-t-il.

Selon Alain Létourneau, « les chiffres [du Guardian] sont absolument extraordinaires. On est dans un autre monde. Ça nous mène à des questionnements qu’on n’est pas habitués d’avoir, à propos de l’équité, à une proportionnalité dont il faut tenir compte en fonction du statut économique ». « Par exemple, une personne qui prend l’avion pour aller voir sa tante en France, on ne peut pas la mettre sur le même pied d’égalité qu’un milliardaire qui prend son jet privé 1500 fois », signale-t-il.

Les grands pollueurs font campagne pour que tout le monde se sente responsable [face à l’urgence climatique]. Mais on ne peut pas demander aux personnes aux revenus plus modestes d’assumer la charge des plus riches de la société.

Alain Létourneau, de l’Université de Sherbrooke

Soulignons que le reportage du quotidien britannique survient 24 heures après la publication d’un rapport de l’ONG Oxfam signalant que les 1 % les plus riches sur la planète produisent plus de gaz à effet de serre (GES) que 66 % des plus pauvres, soit environ 5 milliards de personnes. En 2019, les émissions des plus riches étaient aussi 27 fois supérieures au niveau permettant de limiter le réchauffement planétaire à 1,5 degré d’ici la fin du siècle.

À moins de deux semaines de la COP28 sur le climat, qui se tiendra à Dubaï, un rapport de l’ONU signale par ailleurs que le réchauffement mondial s’accélère et pourrait même atteindre 2,9 degrés d’ici la fin du siècle.

Les émissions de GES attribuables au transport aérien représentent moins de 3 % des émissions mondiales, mais elles sont néanmoins en hausse depuis quelques années.

Avec Julien Arsenault, La Presse

Une version précédente de ce texte indiquait qu’il y avait 5,3 millions de jets privés dans le monde en 2022. Or, il s’agit plutôt du nombre de vols effectués par des jets privés. Les analystes s’attendent cependant à ce que les ventes de jets privés totalisent 34,6 milliards de dollars américains en 2023, en hausse par rapport à l’année précédente.

Lisez l’article du Guardian (en anglais)
En savoir plus
  • 5,3 millions
    C’est le nombre de vols par des jets privés répertoriés en 2022 par le US Institute for Policy Studies et le groupe Patriotic Millionaires US dans un rapport publié en 2023.
    Source : HIGH FLYERS 2023 : HOW ULTRA-RICH PRIVATE JET TRAVEL COSTS THE REST OF US AND BURNS UP THE PLANET
    10 fois
    Pour chaque passager, les vols en jet privé sont au moins 10 fois plus polluants que les vols commerciaux.
    Source : HIGH FLYERS 2023 : HOW ULTRA-RICH PRIVATE JET TRAVEL COSTS THE REST OF US AND BURNS UP THE PLANET