On les appelle « polluants éternels ». Des composés chimiques qu’on retrouve dans de nombreux produits utilisés au quotidien et qui mettent un temps fou à se dégrader. C’est le combat de l’heure dans de nombreux pays qui veulent resserrer les règles entourant l’utilisation des PFAS.

C’est quoi ça, des PFAS ?

Ce sont des substances perfluoroalkyliques et polyfluoroalkyliques, d’où l’acronyme PFAS. En gros, c’est une famille de plusieurs milliers de composés chimiques qui sont utilisés comme antiadhésifs, imperméabilisants ou antitaches. Ils sont aussi connus pour leur résistance aux flammes. On en retrouve dans les poêles antiadhésives, des produits cosmétiques, des emballages alimentaires, des vêtements, des meubles et nombre d’autres produits d’utilisation courante.

Quel est le problème avec ces PFAS, pourquoi les appelle-t-on des « polluants éternels » ?

Ces composés chimiques se décomposent très lentement. Et comme ils sont présents en très grand nombre, ils s’accumulent dans l’environnement. On finit par en retrouver aussi dans l’eau et dans la nourriture. Le problème, c’est qu’ils posent de nombreux risques pour la santé humaine, sans compter les effets néfastes pour la faune.

PHOTO JAKE MAY, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Écume polluante composée de PFAS s’étant amoncelée au pied du barrage de la rivière Van Etten Creek, au Michigan, en juin 2018.

De quels problèmes s’agit-il ? C’est sérieux ?

La liste est longue. Les PFAS peuvent endommager le foie, les reins, la glande thyroïde, le système immunitaire et le système nerveux. Ils peuvent aussi affecter le poids corporel, la reproduction et le développement.

C’est inquiétant. Ça fait longtemps qu’on sait tout ça ?

S’ils existent depuis les années 1940, c’est au cours des 20 dernières années qu’on a véritablement pris conscience des risques posés par ces composés chimiques. Il faut dire aussi que l’industrie a longtemps cherché à cacher les informations les plus troublantes à propos des PFAS. Selon une étude parue récemment dans la revue Annals of Global Health, l’industrie connaissait depuis les années 1970 leurs effets toxiques. Des chercheurs de l’Université de Californie ont en effet analysé des documents internes des géants DuPont et 3M s’échelonnant entre 1961 et 2006. Une note interne de DuPont mentionnait dès 1970 que les composés perfluorés, de la famille des PFAS, étaient « très toxiques lorsque inhalés et modérément toxiques en étant ingérés ». En 1994, 3M savait que les PFAS posaient un risque de cancer de la prostate, des informations qu’ils ont partagées avec leur compétiteur, DuPont, selon les chercheurs.

PHOTO NICHOLAS PFOSI, ARCHIVES REUTERS

Enseigne du siège social de la société 3M, à Maplewood, au Minnesota

On dirait les mêmes tactiques que celles employées par l’industrie du tabac pour cacher les effets nocifs de la cigarette.

Vous avez raison. Les chercheurs ont d’ailleurs reconnu avoir utilisé les mêmes méthodes de recherche que celles déployées pour enquêter sur l’industrie du tabac il y a plusieurs années. Un autre parallèle pourrait aussi être établi avec l’industrie pétrolière, qui a longtemps cherché à cacher les effets des combustibles fossiles sur le réchauffement planétaire.

Consultez l’étude de l’Université de Californie sur le manque de transparence de l’industrie (en anglais)

C’est troublant, en effet. Mais pourquoi en parle-t-on maintenant ?

Le 22 juin dernier, le groupe 3M a accepté de verser jusqu’à 12,5 milliards de dollars pour mettre fin à des recours judiciaires entrepris aux États-Unis par plusieurs réseaux publics de distribution d’eau potable pour la contamination par les PFAS. L’entreprise a aussi indiqué qu’elle cesserait la fabrication de PFAS d’ici la fin de 2025. En France, des maires de la région de Lyon ont indiqué récemment vouloir porter plainte contre les géants de l’industrie chimique. Des recours ont aussi été lancés en Belgique, aux Pays-Bas et en Australie. L’une des causes les plus célèbres a d’ailleurs fait l’objet d’un film, Dark Waters, mettant en vedette l’acteur Mark Ruffalo dans le rôle de l’avocat Robert Bilott. En 2017, celui-ci a négocié un accord de 671 millions de dollars avec DuPont dans le cadre d’une action collective au nom de plus de 3500 plaignants. On vous recommande d’ailleurs la lecture du fascinant portrait que lui a consacré le New York Times en 2016, intitulé « The Lawyer Who Became DuPont’s Worst Nightmare » (« L’avocat qui est devenu le pire cauchemar de DuPont »).

Lisez le portrait du New York Times au sujet de l’avocat Robert Bilott (en anglais, abonnement requis)

Tout ça est terrifiant. Mais que font nos gouvernements ?

Santé Canada et Environnement Canada viennent de proposer d’inscrire les PFAS sur la liste des produits toxiques en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement. « En raison de l’utilisation répandue des PFAS et de l’omniprésence de ces substances dans l’environnement, les humains sont continuellement exposés à de multiples PFAS, ce qui pourrait causer des effets négatifs préoccupants », concluait d’ailleurs un rapport du gouvernement fédéral dévoilé en mai dernier. Une fois que ces composés chimiques seraient sur cette liste, leur utilisation pourrait ensuite être revue par Ottawa. De son côté, l’Agence de protection de l’environnement des États-Unis (EPA) veut faire adopter une réglementation qui serait parmi les plus sévères au monde.

Consultez l’ébauche du rapport fédéral sur les PFAS

Et au Québec ?

Une étude québécoise dirigée par le professeur de chimie environnementale de l’Université de Montréal Sébastien Sauvé a permis d’établir que l’eau potable de presque toutes les municipalités au Québec avait des traces de PFAS. Les prélèvements à Saint-Donat, dans Lanaudière, et à Val-d’Or, en Abitibi, ont montré des taux « très élevés », selon les scientifiques. « Depuis une dizaine d’années, on a revu les seuils de toxicité [des PFAS]. Ce qu’on pensait être relativement sécuritaire ne l’est plus plus », souligne Sébastien Sauvé, précisant que ces seuils sont maintenant 1 million de fois plus bas que ceux proposés il y a 10 ans.

Consultez le résumé de l’étude québécoise « PFAS présentes dans l’eau potable au Québec : cinq municipalités en eau trouble »