Le Québec a été envahi par la fumée des incendies la fin de semaine dernière et l’est à nouveau ces jours-ci. Ces nuages orangés de particules fines peuvent avoir des impacts sur notre santé… même des mois plus tard.

Pourquoi la fumée des incendies de forêt est-elle néfaste ?

En temps normal, les niveaux de particules polluantes dans l’air se situent en dessous de 10 µg/m⁠3. Mais dans les derniers jours, elles ont atteint des valeurs supérieures à 700 µg/m⁠3 dans certaines régions de la province en raison des incendies de forêt.

Ces particules, extrêmement petites, mesurent à peine 3 % du diamètre d’un cheveu. Leur taille microscopique leur permet donc de se loger profondément dans nos poumons.

« Les polluants des fumées sont irritants et induisent de l’inflammation », explique Audrey Smargiassi, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal. Les particules de fumée peuvent aussi pénétrer dans la circulation sanguine par les poumons et engendrer des effets cardiovasculaires.

Est-ce que cette fumée peut avoir des impacts sur la santé à long terme ?

Les effets à long terme font encore l’objet de recherches, note le toxicologue et professeur à l’Université du Montana Chris Migliaccio. Mais les premières données tendent à démontrer que oui.

En 2017, la région de Seeley Lake, dans le Montana, a été confrontée à une situation exceptionnelle : une période de près de deux mois où elle a été enveloppée de fumée provenant des incendies de forêt. Les niveaux quotidiens de particules polluantes atteignaient en moyenne 220,9 μg/m⁠3.

L’équipe du chercheur Chris Migliaccio a suivi un groupe d’une centaine d’habitants de cette région. « On a constaté une diminution significative de la fonction pulmonaire un an et même deux ans après l’exposition », dit-il.

La fumée des incendies peut également nous rendre plus vulnérables aux infections respiratoires. Une étude de l’Université du Montana publiée en juin 2020 a montré que des concentrations plus élevées de particules fines dans l’air pendant la saison des incendies de forêt sont associées à une augmentation de la grippe pendant la saison grippale hivernale suivante, soit jusqu’à 10 mois plus tard.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Un avion dans le ciel gris de smog, samedi à Montréal, conséquence des feux de forêt

Les avertissements de mauvaise qualité de l’air à Montréal ont été en vigueur pendant environ 48 heures. Est-ce une période assez longue pour affecter le fonctionnement de nos poumons ?

Oui, répond la professeure Audrey Smargiassi. « Même quelques heures d’exposition peuvent être suffisantes pour induire de façon temporaire une réduction de la fonction pulmonaire. »

Les individus les plus vulnérables, tels que les jeunes enfants, les personnes âgées et celles qui souffrent de problèmes respiratoires ou cardiaques, sont particulièrement susceptibles d’être affectés par le smog, indique le toxicologue Chris Migliaccio.

Les effets à long terme d’une exposition de 48 heures n’ont toutefois pas encore été prouvés, précise-t-il.

Les incendies de forêt au Québec se trouvent à plusieurs centaines de kilomètres de Montréal. La fumée est-elle moins nocive quand elle arrive dans la métropole ?

Au contraire. Les particules libérées lors des incendies de forêt peuvent devenir plus toxiques au fil du temps, ont observé des chercheurs.

« Nous savons qu’il n’est pas bon de respirer de la fumée lorsque l’on se trouve à proximité d’un incendie, mais nous avons constaté qu’au fil du temps, la situation s’aggrave, jusqu’à devenir quatre fois plus toxique un jour plus tard », a déclaré au magazine scientifique Horizon de la Commission européenne le professeur Athanasios Nenes, chimiste de l’atmosphère à l’Institut des sciences du génie chimique de Patras, en Grèce, en juillet 2020.

Dans l’air, les petites particules de fumée interagissent avec des substances appelées radicaux, soit des molécules instables chimiquement. Ce contact transforme les particules de fumée en composés très réactifs qui peuvent causer des dommages à nos cellules et à nos tissus, a observé le spécialiste lors de ses recherches.

« Plus la distance est grande, plus ces changements chimiques sont susceptibles de se produire », ajoute le toxicologue Chris Migliaccio.

La Ville de Montréal a fermé toutes ses installations sportives, y compris les piscines extérieures, pendant l’épisode de smog dimanche et lundi derniers. Décision judicieuse ou excès de prudence ?

« Malheureusement, avec une qualité de l’air aussi médiocre, il aurait été insensé de rester à l’extérieur », dit à La Presse la chercheuse de l’Université de Californie à San Diego Rosana Aguilera, qui s’intéresse à l’impact de la fumée des incendies sur la santé.

La professeure Audrey Smargiassi juge d’ailleurs qu’il serait pertinent, lors de températures très élevées et d’incendies de forêt, de favoriser l’accès à des espaces climatisés intérieurs plutôt qu’à des endroits extérieurs qui peuvent rafraîchir.

Si je dois me rendre à l’extérieur lors du prochain épisode de smog, dois-je porter un masque ?

Les masques N95 protègent contre les particules des incendies de forêt, à condition qu’ils soient bien ajustés au visage. Les masques médicaux et les couvre-visages ne sont toutefois pas recommandés par le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS).

Les travailleurs qui œuvrent à l’extérieur ou les personnes pouvant être exposées de manière prolongée à la fumée peuvent se procurer gratuitement des masques N95 dans différents établissements de santé. « Chaque CIUSSS a les informations sur son site internet », a déclaré le directeur médical adjoint de la Direction régionale de santé publique de Montréal, le DDavid Kaiser, en conférence de presse jeudi matin.