La ministre des Ressources naturelles et des Forêts Maïté Blanchette Vézina affirme que les coupes forestières effectuées et planifiées dans le secteur du réservoir Pipmuacan étaient inévitables, une information contredite par son propre ministère.

Les droits de coupes ont été octroyés en 2020, avant le dépôt du projet d’aire protégée des Innus de Pessamit, a plaidé Maïté Blanchette Vézina lors de l’étude des crédits budgétaires 2023-2024 du ministère des Ressources naturelles et des Forêts (MRNF), mardi, à l’Assemblée nationale.

« On ne peut pas retirer […] des droits qui ont été octroyés », a-t-elle affirmé, en réponse à une question du porte-parole de l’opposition libérale en matière de forêts André Fortin, député de Pontiac.

Ces deux affirmations sont partiellement inexactes, selon son ministère.

Deux catégories de coupes forestières différentes sont menées dans le secteur du réservoir Pipmuacan et une seule a été autorisée en 2020 et ne peut être annulée, soit celle résultant d’une vente aux enchères du Bureau de mise en marché des bois.

Cette « autorisation de travaux » a été accordée le 31 juillet 2020 à la coopérative forestière Forestra et est valide jusqu’au 31 août prochain, montre le document que le MNRF a transmis à La Presse.

L’autre catégorie de coupes forestières s’inscrit dans la Programmation annuelle des activités de récolte (PRAN) et fait l’objet d’un permis « annuel », a récemment expliqué à La Presse le directeur régional de la gestion des forêts du Saguenay–Lac-Saint-Jean au MRNF, Claude Bélanger.

Une telle autorisation « prend fin au 31 mars » et doit être renouvelée si les travaux prévus n’ont pas été complétés, a-t-il précisé.

La coopérative Forestra a confirmé à La Presse que les coupes auxquelles elle a procédé depuis 2021 et celles qu’elle doit effectuer cette année relèvent des deux autorisations.

Le MRNF n’a pas donné suite à la demande de La Presse de lui transmettre les permis annuels accordés à Forestra.

Annulation possible

Le MRFN aurait très bien pu ne pas renouveler les permis de coupe annuels touchant au projet d’aire protégée des Innus de Pessamit, voire les annuler, affirme l’ingénieur forestier et biologiste Louis Bélanger, professeur retraité de l’Université Laval et responsable de la commission forêt chez Nature Québec (sans lien de parenté avec Claude Bélanger, cité précédemment).

« Le Ministère peut se réajuster à tout moment » lorsqu’il s’agit d’une autorisation accordée dans le cadre de la programmation annuelle, dit-il.

Le seul cas de figure dans lequel le Ministère a les mains liées par une autorisation de coupes est celui d’un contrat attribué par une vente aux enchères, reconnaît M. Bélanger.

Consultation « appropriée » ?

La ministre Blanchette Vézina a aussi été pressée de questions sur les propos des Innus de Pessamit, qui accusent son ministère d’avoir failli à son obligation de les consulter avant d’autoriser ces coupes.

Une seule consultation a eu lieu plutôt que les deux exigées par la loi, et elle s’est tenue avant que la communauté autochtone ne dispose de toutes les informations pertinentes, rapportait La Presse, mardi.

« Il y a eu des consultations en 2018-2019 », a répété la ministre, évitant de dire s’il s’agissait à son avis d’une consultation « appropriée », comme le lui demandait le député André Fortin.

La ministre Blanchette Vézina a aussi répété que des coupes pouvaient avoir lieu sur un territoire tant qu’il ne fait pas l’objet d’une protection officielle, mais elle a assuré que son ministère fera les « ajustements nécessaires » aux droits de coupe en vigueur « lorsqu’il y aura des aires protégées qui vont être désignées ».

« Pour notre gouvernement et pour moi, il est important de créer des aires protégées, on a d’ailleurs pris un engagement à la COP15 de protéger du territoire, on s’y engage on s’y affaire », a-t-elle déclaré.

En savoir plus
  • 11 km⁠⁠2
    superficie des coupes effectuées depuis 2021 et planifiées cette année sur le territoire du projet d’aire protégée des Innus de Pessamit
    source : ministère des Ressources naturelles et des Forêts du Québec