Nourrir gratuitement tous les élèves du Québec le midi serait-il envisageable ? Le ministère de l’Éducation du Québec n’a jamais mené d’études pour savoir combien cela coûterait.

L’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) l’a fait et a dévoilé son estimation cette semaine : il faudrait 1,7 milliard de dollars chaque année pour fournir un repas aux quelques 998 000 élèves de la province.

L’idée de fournir des lunchs gratuitement aux élèves de la province a souvent fait surface au fil des années. En 2018, ce qui était alors la Commission scolaire de Montréal avait adopté une résolution pour convaincre le ministère de l’Éducation d’adopter une telle politique pour l’ensemble de la province.

Au printemps dernier, le chef Ricardo Larrivée a affirmé au Journal de Montréal : « Tant qu’on n’aura pas un programme universel pour nourrir nos enfants à l’école, on aura passé à côté de quelque chose. » Le Parti québécois a remis cette idée sur la table en avril dernier.

Or, « le Ministère n’a pas mené d’études à ce sujet », confirme le porte-parole du ministère de l’Éducation, Bryan Saint-Louis.

Lisez « Québec aurait les moyens de financer un programme universel d’alimentation scolaire, selon une étude »

Un programme universel de repas dans les écoles

Pour la directrice du Regroupement Partage, un organisme montréalais qui œuvre en sécurité alimentaire, il faut adopter un programme universel de repas dans les écoles.

« Avec l’augmentation fulgurante des gens qui ont de la difficulté à manger, il faut arrêter de stigmatiser ces élèves-là et leur donner une chance », dit Audrey Renaud.

Des élèves qui arrivent avec « un restant de hot-dog de la veille », ça existe, ajoute-t-elle.

C’est une nécessité de nourrir nos enfants.

Audrey Renaud, directrice du Regroupement Partage

Contrairement à ce qu’on observe dans les écoles américaines, les écoles primaires du Québec sont rarement équipées de cuisines.

Même le programme qui encadre la conception de nouvelles écoles n’en prévoit pas pour les écoles primaires. Il « comprend des espaces pour les dîneurs (primaire) ou des cafétérias (secondaire) », nous répond-on au ministère de l’Éducation.

La recette du Maine

L’organisme Full Plates, Full Potential a été à l’avant-scène des efforts pour convaincre les politiciens du Maine de financer les repas gratuits pour environ 160 000 élèves. Pour l’année scolaire en cours, le Maine a prévu 29 millions US à son budget pour cette mesure.

La pandémie de COVID-19 aura au moins servi à ça, dit son directeur Justin Strasburger : une mesure fédérale a permis aux élèves de manger gratuitement pendant deux ans.

« Ça nous a aidés avec notre argumentaire : pourquoi revenir en arrière ? », dit M. Strasburger.

Si les élèves les plus défavorisés avaient droit aux lunchs gratuits avant la pandémie, les données ont montré que jusqu’à 40 % des élèves venant de familles aux prises avec l’insécurité alimentaire n’étaient pas admissibles à la gratuité, explique-t-il.

On sait que si les jeunes ont faim, ils n’apprennent pas. Ça augmente les problèmes de comportement et d’apprentissage et ça a des impacts à long terme sur la santé.

Justin Strasburger, directeur de l’organisme Full Plates, Full Potential

Malgré une « forte coalition bipartisane », certains ont avancé que l’État allait maintenant payer pour les plus riches.

« On paie déjà les livres et le transport scolaire pour des familles qui ont les moyens de payer. Et jusqu’à un certain point, je m’en fiche », dit Justin Strasburger, qui insiste sur le « fardeau » porté par les enfants étiquetés comme pauvres.

« Il y a divers degrés d’insécurité alimentaire. Il y a des enfants qui choisissent de vivre avec la faim plutôt que d’être étiquetés, de vivre de l’intimidation, et ça ne devrait pas être le cas », dit Justin Strasburger.