Chaque jour, des enfants vont à l’école sans avoir mangé à leur faim. Pourtant, le Québec aurait les moyens de financer un programme universel d’alimentation scolaire, avance aujourd’hui l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS). Coût annuel estimé : 1,7 milliard.

Offrir un repas complet aux enfants une fois par jour à l’école n’est pas une chose inusitée. La Finlande et le Brésil le font. Aux États-Unis, six États ont instauré une telle mesure dans les dernières années.

Chez nous, un enfant sur cinq vit une forme d’insécurité alimentaire, note l’IRIS dans une étude publiée ce jeudi matin, soit environ 200 000 jeunes d’âge scolaire. En conséquence, l’Institut recommande l’instauration d’un tel programme dans la province.

En fait, « c’est étonnant » que ça ne soit pas déjà fait, dit Anne Plourde, l’autrice de l’étude.

« En moyenne, dans les pays à revenus élevés, c’est 61 % des enfants du primaire qui ont accès à un repas subventionné à leurs écoles, alors qu’au Canada, c’est 12 %. On fait moins bien que les pays à faibles revenus », poursuit la chercheuse, qui ajoute que « collectivement, on aurait les moyens de financer ça ».

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Anne Plourde, chercheuse à l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques

Pour ce faire, l’IRIS propose de réduire les versements au Fonds des générations. « On pourrait financer ce programme cette année en utilisant à peine la moitié de la somme versée dans le Fonds des générations », avance Anne Plourde, qui explique que le Québec ne consacre que 0,35 % de son budget en éducation à des mesures alimentaires.

Elle rappelle aussi que 1,7 milliard, c’est la somme dont s’est privé Québec en baissant les impôts des contribuables au plus récent budget.

Des services inégaux

Actuellement, les services alimentaires offerts dans les écoles varient selon les régions du Québec. C’est le cas des programmes d’aide alimentaire, mais aussi des repas chauds payants.

Selon les données obtenues par l’IRIS en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, seulement 59 % des écoles du Québec offrent un service de repas à l’heure du dîner. Plusieurs dépendent d’un service de traiteur externe.

« Dans plusieurs régions, c’est considéré comme non rentable d’offrir un service comme ça, parce que la densité d’écoles n’est pas assez grande, les distances à parcourir pour la livraison sont trop importantes. Il y a des régions, comme la Côte-Nord, où aucun enfant du primaire n’a accès à un service du repas le midi, alors qu’à Laval, c’est l’ensemble des enfants qui ont accès à un service de repas chaud », observe Anne Plourde.

Dans ses calculs, l’IRIS a aussi estimé les coûts de construction de cuisines dans « une minorité » d’écoles où ce serait impératif.

Dans la plupart des écoles, il est possible de faire les repas sur place ou de cuisiner dans les écoles secondaires et livrer dans les écoles primaires environnantes.

Anne Plourde, autrice de l’étude

Pourquoi offrir des repas gratuits à tous, alors que certains ont les moyens de payer ? Les études montrent que la gratuité augmente la participation des élèves et assure que les enfants les plus défavorisés ne seront pas privés d’accès au programme pour des raisons financières, dit la chercheuse.

« Quand le programme est universel et gratuit, l’accès au repas est considéré comme un droit. Il n’y a pas de lien qui est fait entre la pauvreté et l’accès au programme », explique Anne Plourde.

Les programmes d’aide alimentaire actuels sont « très restrictifs », ajoute Mme Plourde.

« Ce sont des programmes insuffisamment financés, qui ne permettent pas de répondre à leurs objectifs et qui ont des effets de stigmatisation sur les enfants », poursuit-elle.

Peu d’études se sont penchées sur ce qu’il en coûterait au Québec d’implanter une telle mesure. En avril, le Parti québécois a remis cette idée sur la table, mais ne l’a pas chiffrée.

Encore l’an dernier, la Coalition pour une saine alimentation scolaire appelait Québec à mettre en place un tel programme universel de repas scolaires.

« Tout comme l’éducation, l’accès à une alimentation saine et durable doit être considéré comme un bien public et un droit inaliénable », lisait-on dans sa lettre ouverte.

Parmi les signataires figuraient des syndicats d’enseignants, des regroupements de parents, des nutritionnistes, mais aussi des organismes fournissant des repas aux jeunes les plus défavorisés.

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  • 998 104
    Nombre d’élèves au préscolaire, au primaire et au secondaire au Québec lors de l’année 2022-2023
    SOURCE : Ministère de l’Éducation du Québec