Fini le régime allégé à l’école. Les matières au programme devront être enseignées au complet, les examens du Ministère couvriront tout le terrain et ils vaudront davantage que pendant la COVID-19, jusqu’à 50 % du bulletin en 4e et 5e secondaire.

Ce qu’il faut savoir

  • Pendant la pandémie, le ministère de l’Éducation a allégé les programmes et transmis aux enseignants une liste d’« apprentissages prioritaires ».
  • Les élèves n’ont plus reçu que 75 % des notions dans chaque matière et les examens du Ministère ont compté beaucoup moins dans les bulletins.
  • Les examens du Ministère vaudront davantage que pendant la pandémie.
  • Le gouvernement sonne le retour à la normale, ce qui inquiète des experts.

En début de pandémie, les fermetures d’école et le stress ambiant ont obligé le gouvernement du Québec à se rendre à l’évidence : les élèves et les enseignants n’arriveraient pas à voir toutes les notions prévues au programme.

Le ministère de l’Éducation a donc réduit les programmes d’environ un quart des notions, dans chaque matière.

Ce régime prend fin en cette rentrée, a appris La Presse.

Les apprentissages à prioriser en contexte pandémique pour l’enseignement primaire et secondaire ne seront plus en vigueur à partir de la rentrée scolaire 2023-2024.

Extrait du bulletin du ministère de l’Éducation transmis au milieu scolaire

Cela « constitue le retour vers l’enseignement complet des programmes d’études prescrits ainsi que des épreuves ministérielles qui en découlent », est-il aussi écrit.

Les examens du Ministère pèseront plus lourd dans le bulletin que ces dernières années. Ils représenteront de nouveau 20 % des bulletins du primaire et du premier cycle du secondaire, et 50 % en 4e et 5e secondaire.

Craintes pour la réussite des élèves

C’est une enseignante de mathématiques qui nous a appris la directive. Elle a demandé l’anonymat, les centres de services scolaires étant très frileux en ce qui concerne la parole publique des enseignants.

« J’ai toujours visé haut pour mes élèves, en tentant toujours de rester humaine dans mon travail », commence cette enseignante qui a plus de 20 ans d’expérience.

Elle estime que le gouvernement aurait été beaucoup mieux avisé de revenir au rythme prépandémique de façon progressive.

D’un seul coup, dit-elle, « je devrai forcer mes élèves à adopter un rythme qu’ils n’ont jamais connu au secondaire. On devra couvrir la totalité du programme. La valeur de l’examen du Ministère, qui n’était que de 20 % de l’année les deux dernières années, passera à 50 %. Je trouve que ça fait beaucoup. »

« Si le gouvernement maintient sa décision, je vous prédis un beau dossier en juillet prochain qui pourrait avoir pour titre : “Résultats catastrophiques aux examens du Ministère”. »

De nombreux adultes sont toujours en télétravail. Pourquoi ne pas offrir aussi un retour progressif aux jeunes ? plaide-t-elle.

Le rythme pandémique plus adéquat ?

Quand on l’a mise au courant du retour au programme complet et aux examens du Ministère qui valent de nouveau beaucoup, Nicole Monney, professeure de pratiques éducatives à l’Université du Québec à Chicoutimi, a été surprise, d’autant que le Conseil supérieur de l’éducation n’a pas caché trouver le rythme pandémique plus adéquat.

En même temps, n’est-ce pas niveler par le bas ?

Mme Monney rappelle que le but de l’école, au primaire et au secondaire, est de transmettre une base qui permet à tout diplômé de 5e secondaire « de devenir un citoyen capable de réfléchir, de résoudre des problèmes en mathématiques, de lire des textes variés, etc. ».

« Ceux qui performent iront ensuite au cégep, puis à l’université », dit-elle.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Les examens du Ministère comptent pour 50 % en 4e et 5e secondaire.

Au secondaire, poursuit-elle, les programmes d’éducation internationale et de sports/arts études (aussi offerts dans les écoles publiques) de même que les écoles privées permettent à ceux qui apprennent facilement d’être plus stimulés.

Mais même au primaire, note-t-elle, les élèves qui ont de la facilité se font proposer des projets ou des travaux supplémentaires pour éviter qu’ils ne s’ennuient.

À son avis, les programmes ministériels sont très denses.

« Je pense qu’on devrait passer plus de temps sur des connaissances de base, approfondir davantage certaines notions. Certaines choses sont vues rapidement », regrette Mme Monney.

Les examens du Ministère critiqués

En mai 2022, le Conseil supérieur de l’éducation – organisme créé en 1964 pour conseiller le ministre de l’Éducation – a salué le fait que la pandémie a permis aux enseignants de mieux se consacrer aux apprentissages au lieu d’être tenus d’évaluer sans cesse les élèves comme c’est le cas habituellement.

Le Conseil a alors notamment souligné à quel point les trois bulletins traditionnels et les examens du Ministère – dont « les résultats des épreuves sont connus pendant les vacances d’été » et n’amènent donc aucune « réflexion collective » – sont loin d’être optimaux.

Le Conseil a alors évoqué le souhait que les examens du Ministère « servent dorénavant à des fins de pilotage du système » et qu’ils ne soient plus comptabilisés dans les résultats des élèves au bulletin.

« Autrement dit, [ils] devraient être un outil d’évaluation de la qualité du parcours offert aux élèves plutôt qu’un moyen d’évaluer la performance de ces derniers. La diminution de la pondération des épreuves obligatoires de 20 % à 10 % [pendant la pandémie] constitue donc un pas dans la bonne direction. »

Pour le Conseil, « il y aurait lieu de maintenir cette modification jusqu’à la tenue d’un chantier de réflexion sur les pratiques évaluatives, qui permettrait notamment de revenir sur la question des épreuves obligatoires ».