En première position, cette semaine, au palmarès de la musique country : la chanson Texas Hold ’Em de Beyoncé. Oui, la reine du R&B, du soul et du hip-hop donne dans le western.

Elle devient la première chanteuse noire à se hisser au premier rang du Hot Country Songs du prestigieux magazine Billboard. Il était temps. Malheureusement, tout le monde ne s’en réjouit pas. Il y en a même qui crient à l’appropriation culturelle et demandent aux stations de radio country de retirer la chanson des ondes.

Queen B vient d’entrer dans leur saloon en faisant claquer les portes battantes et ça les dérange. Gros plan sur les yeux des cowboys qui la dévisagent. Comme dans les films de Sergio Leone.

D’où vient-elle ? Que vient-elle faire ici ? Ce n’est pas sa place. C’est la nôtre. Les étrangers nous ont pris notre pays, ils ne nous prendront pas, en plus, notre country. C’est notre dernier refuge. Pour se retrouver entre nous. Juste entre nous. Depuis Hank Williams jusqu’à Luke Combs, ce sont toujours des gens comme nous, qui chantent pour nous. Il ne faut surtout pas que change la seule chose qui n’a pas encore changé.

Gang, comment j’vous dirais ben ça ? Descendez de vos grands chevaux. Beyoncé chante du country et c’est tant mieux pour le country.

L’argument de l’appropriation culturelle, vous pouvez le ranger dans votre étui de révolver. Les racines de la musique country, comme celles de la plupart des musiques populaires, remontent jusqu’en Afrique. Le banjo, instrument à la source de la sonorité country, est un dérivé d’un instrument utilisé par les esclaves noirs. Si ça se trouve, c’est vous qui vous êtes approprié la musique des ancêtres de Beyoncé.

Cela dit, tout le monde a le droit de chanter ce qui lui chante. Elisapie chante Metallica. Bravo ! Et si Metallica a envie de chanter Elisapie, bravo aussi ! Si un groupe de K-Pop veut chanter du country, allez-y ! Et si Willie Nelson a le goût de se lancer dans la pop coréenne, grand bien lui fasse. La culture n’est pas une possession. La culture est un don. Que chaque personne reçoit et rend à sa façon.

L’appropriation culturelle est condamnable lorsque ceux qui s’approprient une culture ne reconnaissent pas ceux qui en sont à l’origine. Au fond, c’est la dépossession culturelle qu’il faut proscrire. Sinon, une culture doit se réjouir que des gens venus d’ailleurs y adhèrent. Une culture qui se mélange est une culture qui reste en vie. Vouloir en être les seuls utilisateurs, c’est l’assécher. C’est la tuer.

Voilà pourquoi les amateurs de country devraient lancer leurs chapeaux dans les airs, pour exprimer leur joie, en entendant Beyoncé chanter leur musique préférée. Trop longtemps, la musique country a été boudée par une grande partie de la société. On la snobait. On s’en moquait. C’était la musique de la campagne. On l’associait plus à l’agriculture qu’à la culture. Durant tout ce temps, ce sont les snobs qui étaient dans le champ. La musique country a autant de valeur que toutes les autres musiques. Elle berce, elle soigne, elle élève, elle rassemble, elle console et elle guérit. La musique country, c’est l’ami invisible dont tout le monde a besoin. Grâce à qui on n’est jamais seul. Comme toutes les musiques.

La musique country a permis à des millions d’êtres humains d’exprimer ce qu’ils étaient. Elle leur a permis d’exister. Et ceux qui sont à plaindre, ce sont ceux qui n’ont pas pris le temps de les écouter. Car plus on connaît la nature des autres, mieux on connaît la sienne.

La nouvelle chanson de Beyoncé, c’est le triomphe du country. Cette artiste au carrefour de tous les courants, qui n’a de cesse de chercher, d’explorer, de vouloir initier les tendances, cette artiste, toujours sensible à l’air du temps et au temps de l’air, a senti que le country vivait une renaissance. On retrouve de plus en plus de chansons country dans les palmarès pop. Les interprètes country ne sont plus dans leurs enclos. Ils ont sauté la clôture. Leur terre est la Terre. Et le fait que Beyoncé les rejoigne accélérera le décloisonnement de ce genre musical. Et mettra fin aux préjugés.

Dans pas long, ça va être aussi cool d’aimer le country que d’aimer le hip-hop, le rock ou le classique. Comme cela aurait toujours dû être le cas.

La musique n’est pas là pour diviser. La musique est là pour unir. Les touches noires et les touches blanches vivent en parfaite harmonie sur le clavier d’un piano, ce n’est pas moi qui l’ai dit, c’est Paul et Stevie.

Et la toune Texas Hold ’Em, dans tout ça ? Parce que c’est bien beau que Beyoncé décide de faire du country, encore faut-il qu’il soit bon. Sinon, à quoi bon ? Queen B aurait pu y perdre sa couronne. Avoir l’air pas rapport. Avoir l’air opportuniste. Pas à sa place.

Beyoncé Knowles est née à Houston, Texas. Des chapeaux de cowboy, elle en porte depuis son enfance. Elle navigue dans le country comme un poisson dans le Mississippi. Texas Hold ’Em, le premier extrait de son album à venir, de même que 16 Carriages, le deuxième, sont des chansons country très réussies, alliant tradition et modernité.

Beyoncé ne fait pas seulement du country, elle fait du grand country. Qui va donner le goût à plus de gens d’en écouter, et à plus d’artistes d’en chanter.

À la halte routière du Madrid, sur la 20, paraît qu’il y a déjà des camionneurs qui connaissent la nouvelle chanson de Beyoncé par cœur.

Hee haw !