La candidature de Denis Coderre à la direction du PLQ n’est pas démentie par le principal intéressé. Dans ce cas-ci, l’expression prend tout son sens. Car M. Coderre semble la personne la plus intéressée par son retour.

J’ai fait de nombreux appels mercredi, et la réponse était la même. Elle était formulée poliment, le plus souvent. Mais à des fins de concision, en voici un résumé brutal : on veut qu’il se présente, et on veut qu’il perde.

Sa candidature est bienvenue, à cause de sa notoriété. Le Parti libéral du Québec (PLQ) veut éviter le scénario de 2020. Dominique Anglade était la seule candidate – l’establishment avait incité Alexandre Cusson à plonger, mais il s’était désisté en cours de route. Avec M. Coderre, ce ne serait pas plate. Il y aurait des débats.

Son style populaire romprait avec l’image de parti d’élites et d’urbains. Inépuisable vendeur, il recruterait de nouveaux membres. Il ne craint pas non plus la controverse et il s’assume lorsqu’il est convaincu d’avoir raison.

Son arrivée pourrait aussi motiver d’autres personnes à se lancer. Aux élections municipales de Montréal en 2021, des candidats attendaient que M. Coderre bouge avant de se décider. Quand il est entré en scène, ces gens ont renoncé à l’affronter.

Cette fois, ce pourrait être le contraire. Car plusieurs libéraux craignent sa venue. Particulièrement dans le caucus, où certains appréhendent son manque d’écoute et son intérêt limité pour le travail en équipe. L’arrivée de M. Coderre intensifierait les recherches pour lui trouver un opposant crédible.

M. Coderre a des atouts. Il est expérimenté. Son réseau est aussi vaste que son ambition. La politique, c’est sa vie. Plus il est loin d’un micro, moins il respire.

Il semble avoir déjà scénarisé ce nouveau retour. Il a heureusement réussi à se remettre d’un AVC. Il publiera un deuxième livre au retour de son périple, au printemps, sur le chemin de Compostelle. Comme s’il allait chercher une caution d’un ordre supérieur après s’être rapproché du ciel.

Ce crescendo cinématographique mènerait à un dévoilement de candidature peu avant le lancement officiel de la course, anticipé pour l’automne.

L’automne dernier, le Comité sur la relance du PLQ publiait un rapport inspiré par une vaste consultation des militants. La recommandation principale se résumait en un mot : renouveau.

Il est difficile de voir comment M. Coderre l’incarne.

Les libéraux les plus optimistes voient les caquistes chuter dans les sondages. Ils notent que les péquistes, dont on annonçait la mort, mènent désormais. Et ils constatent que cette remontée s’explique entre autres par la nouvelle façon de faire de la politique de Paul St-Pierre Plamondon. Cela explique aussi le succès de Bruno Marchand et des autres maires et mairesses élus pour la première fois en 2021.

C’est une question de style, et non d’âge.

M. Coderre sort de deux défaites consécutives au municipal. Pourtant, en 2017 et en 2021, il avait commencé avec une avance. Il l’a bousillée à cause de tics de personnalité qui n’ont pas disparu.

Il y a d’abord l’ego. Mardi, il soutenait ceci : « si je n’avais pas parlé d’itinérance en 2013, on n’en parlerait pas aujourd’hui ». Comment dire… Les politiciens sont des êtres complexes, et M. Coderre a un côté lumineux. Il aime les gens. On m’a aussi souvent raconté que le dossier le touchait et qu’il s’arrêtait pour jaser avec des personnes en situation d’itinérance et les aider.

N’empêche que sa déclaration est burlesque. Le plus effrayant est qu’il semble y croire. Avec la même audace, il a profité du passage du pape François pour lui offrir le livre de sa précampagne municipale perdante.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE FACEBOOK DE DENIS CODERRE

Denis Coderre rencontre le pape François dans le cadre de sa visite au Canada à l’été 2022.

Ensuite, il y a sa passion immodérée du pouvoir. En 2019, il excluait de briguer la direction du PLQ. « Tu ne peux pas te présenter à tous les râteliers », disait-il. Mais après le fédéral et le municipal, le provincial l’intéresse désormais.

Puis, il y a son rapport tumultueux avec la vérité. En mai 2021, il était surpris avec son cellulaire au volant. Un mea culpa et 43 secondes plus tard, on aurait changé de sujet. Mais malgré la photo, il s’entêtait à nier. Et on se demandait : comment réagira-t-il quand les faits lui prouveront une erreur sérieuse devant être corrigée ?

Il y a aussi le manque d’écoute. Il n’est pas réputé pour sa réceptivité aux conseils. En juin 2021, il étonnait son équipe avec des positions très spontanées, comme l’interdiction de l’alcool dès 20 h dans les parcs. On me raconte que ces coups de gueule avaient rebuté à l’époque des candidats vedettes pressentis pour se joindre à son équipe municipale, comme Christine Fréchette, aujourd’hui ministre caquiste de l’Immigration.

Et enfin, il y a la confusion entre les idées et les slogans. M. Coderre croit pouvoir faire le pont entre les francophones et les anglophones. C’est ce qu’il prétendait aussi en 2021 après avoir recruté Hadrien Parizeau, petit-fils de l’ex-premier ministre péquiste. Mais en fin de campagne, M. Coderre l’avait surpris – et déçu – en attaquant soudainement la réforme de la Charte de la langue française. En chute dans les sondages, il s’était mis à courtiser l’électorat d’un candidat marginal hostile à la défense du français.

Cela condense son style d’une autre époque : un politicien de carrière qui raffole de la joute, qui admet mal ses erreurs, qui est idéologiquement fluide et qui préfère être seul sur la scène.

Sur le plan national, les campagnes sont plus rudes qu’au municipal. Les candidats parcourent le Québec pendant cinq semaines avec des reporters qui les talonnent sans relâche. La tendance de M. Coderre à bougonner et à bouder inquiète particulièrement des libéraux.

Mais pour l’instant, M. Coderre fait parler de lui et du parti. Et pour les deux, c’est une excellente nouvelle.