Aujourd’hui, votre 24 décembre va ressembler à ça…

Vous allez cuisiner une bonne partie de la journée. Ça sentira bon dans la maison. Dans la maison bien décorée. La couronne sur la porte, le sapin dans le salon, les gros bas accrochés à la cheminée. La liste de Noël de Spotify vous accompagnera, durant tous les préparatifs. Elle vous fera faire des ho ! et des ha ! Ho ! Ginette Reno ! Ha ! Frank Sinatra ! Vous emballerez le dernier cadeau qui manquait. Vous le déposerez avec les autres. Vous irez, à la sauvette, à la SAQ, acheter la bouteille de gin que vous aviez oubliée. Le gin de ma tante Pauline.

Vers 17 h, vous allez ranger votre tablier et vous dépêcher d’aller vous préparer. La douche, les yeux à maquiller ou la barbe à tailler, ou les deux. Un coup de fer à la robe ou au pantalon, vous êtes prêt. Vous allez voir si vos enfants sont prêts, ils ne le sont pas. Vous leur dites de lâcher leurs tablettes et de s’activer. Ils le font. Miracle de Noël.

Ça sonne ! Les invités précoces sont déjà là. Vous les accueillez. Ils sont désolés, ils pensaient qu’il y aurait du trafic. Ce n’est pas grave.

Vous prenez leurs manteaux. Ils se rendent à l’îlot. Pop ! La première bouteille de champagne coule à flots. C’est parti ! Ça n’arrête plus de sonner. Tout le monde est arrivé. Sauf les retardataires. Qui finissent par se pointer. Ils sont désolés, ils ne pensaient pas qu’il y aurait autant de trafic. Le party est pogné ! Les canapés, la dinde, le bon vin, la bûche, les discussions animées. Tout est parfait. L’oncle déguisé en père Noël, que tout le monde reconnaît, sauf la petite qui y croit encore. Tout le monde aime ses cadeaux ou fait comme si. Pas de chicane, rien de déplacé, la soirée rêvée. Même que les invités qui collent aident à ramasser. Le 25, ça recommence, sauf que cette fois, vous êtes l’invité. Et c’est tout aussi réussi.

Rien à envier aux Noëls d’antan, vos Noëls du présent. Pourtant, vous avez l’impression qu’il manque de quoi. Mais quoi ? La famille, les amis, le sapin, les lumières, les cadeaux, la bouffe, le père Noël, même les manteaux sur le lit, tout est là.

Ce qu’il manque, c’est un très court instant, de quelques secondes à peine, de quelques minutes tout au plus. Ça arrivait souvent à la messe de minuit. Ce n’était pas la procession, la chorale, le sermon ni la communion. C’était un moment où vous partiez dans votre tête, où vous partiez dans votre cœur, en fixant un vitrail, l’orgue, le plafond, le chapeau devant ou la croix, et qu’une sensation de paix vous envahissait. Comme si votre âme s’ouvrait. Comme si vous aviez une étoile en vous. Qui vous illumine la conscience en vous faisant mal un peu, avec ses pointes.

C’est difficile à expliquer. Comme tout ce qui est invisible. C’est une émotion qu’on ne ressent jamais les autres jours de l’année.

C’est le moment Noël. Ça n’arrive pas nécessairement à l’église. Ça peut se produire la nuit, quand tout le monde est couché, que vous êtes seul dans le salon et que vous fixez les lumières du sapin. Et que tout devient flou. Et que vous partez dans vos pensées. Ça peut se produire quand vous marchez dehors et que vous regardez les lampes dans les maisons, ou le grand ciel noir au-dessus de vous, ou la grande terre blanche en dessous de vous, et que vous avez l’impression d’être seul et de ne pas l’être à la fois. Vous sentez qu’il y a autre chose. Mais c’est vague. Vous êtes dans le vague. Et c’est comme être dans les vagues. Pendant quelques fragments de temps, vous ne vous possédez plus. Ou vous vous possédez complètement. Va savoir.

Dans ce moment suspendu, il y a en filigrane cette histoire d’un enfant né pour sauver le monde. C’est comme si vous réalisiez que cette histoire, c’est celle de tous les enfants qui naissent. C’est la vôtre aussi. On dirait que la nuit est en train de vous demander : qu’avez-vous fait ? On dirait que la nuit est en train de vous donner le goût de le faire. La force de le faire. Changer le monde. Ou plutôt changer votre petit bout du monde.

Ce moment dure quelques secondes à peine. C’est comme un avant-goût de quelque chose. Un avant-goût de l’après. À peine vécu, il est disparu.

C’est ce que je vous souhaite pour ce soir. C’est ce que je me souhaite pour ce soir. Ressentir le moment Noël. Le moment qu’on ne ressent qu’à Noël. Ce moment qui nous rapproche du ciel.

Ce moment qui donne un sens à toutes ces dépenses. Ce moment qui ne s’achète pas.

Joyeux Noël ! Je vous souhaite aussi de recevoir autant d’amour que vous en donnerez. Et d’en donner beaucoup plus que vous n’en avez jamais donné. Imaginez combien vous en recevrez !