Qu’est-ce qu’un État, un groupe, un individu a le « droit » de faire en état de guerre ?

Parler de droit international ou humanitaire semble toujours un peu dérisoire au milieu des bombes et des roquettes, et peut-être cette fois encore plus. C’est une loi sans police, presque impossible à imposer, sauf par les États vainqueurs à la fin des conflits. Et encore.

Mais l’humanité n’a rien trouvé de mieux pour énoncer une norme de comportement acceptable dans le chaos sanglant. Pour tracer une sorte de ligne qui ne devrait jamais être franchie, même si c’est une ligne dans le sable.

S’il devait n’y avoir qu’une seule règle, ce serait la protection des civils.

Or, le premier acte de cette guerre est le massacre du 7 octobre par le Hamas.

PHOTO JACK GUEZ, AGENCE FRANCE-PRESSE

Des soldats de l’armée israélienne examinent les carcasses de véhicules sur le site du festival pris pour cible par le Hamas le 7 octobre dans le kibboutz de Réïm.

Que le Hamas considère chaque Israélien personnellement comme un « ennemi » et un soldat à abattre lui sert de prétexte. Mais ça non plus ne change rien : cibler des civils dans un conflit armé est une violation du droit de la guerre en toutes circonstances. Sur les 1200 personnes tuées par le Hamas en Israël, 80 % étaient des civils.

On doit insister sur l’extrême cruauté de ces meurtres de masse. Malgré la sinistre impression de déjà-vu, le massacre du 7 octobre a une autre dimension, par le nombre de victimes et la nature des crimes.

Des parents tués devant leurs enfants, des bébés assassinés, des gens brûlés vifs, des décapitations, des viols. Même si l’on essayait de légitimer le Hamas en lui donnant le statut d’armée, pas un seul de ces assassinats ne se justifie, quelles que soient les injustices passées au nom desquelles ils ont été commis.

PHOTO DOR KEDMI, ASSOCIATED PRESS

Des Israéliens se mettent à l’abri après avoir entendu les sirènes d’alerte à Rehovot, au sud de Tel-Aviv.

Il n’y a pas de guerre qui n’est pas faite au nom de la justice, pour un tort à redresser. Les causes profondes ou immédiates d’un conflit doivent être comprises, évidemment. On peut remonter à la création d’Israël, la dépossession des terres palestiniennes, et bien avant. Mais ça ne nous aide pas à déterminer ce qui est ou non un crime de guerre.

Tuer des enfants est un crime de guerre en toutes circonstances. Aucune explication historique n’en atténuera la gravité extrême.

Ces crimes ne sont pas terminés. On rapporte que le Hamas détient une centaine d’otages civils – ce qui est un autre crime de guerre : on ne parle pas ici de prisonniers de guerre.

De même qu’un individu attaqué a le droit d’utiliser la force pour se défendre, un État peut user de légitime défense militaire. C’est ce que fait Israël en voulant détruire l’organisation islamiste qui vise à la destruction d’Israël.

C’est ce que ferait n’importe quel État devant une telle menace. C’est ce qu’ont fait les Américains en Afghanistan après le 11 septembre 2001, aidés par plusieurs pays dont le Canada. Cela s’est accompagné de plusieurs violations du droit international, notamment les conventions sur le traitement des prisonniers, et a été suivi par l’invasion illégale de l’Irak sous des prétextes fallacieux. Mais l’attaque des bases terroristes afghanes soutenues par les talibans était en soi un acte de légitime défense.

PHOTO SAID KHATIB, AGENCE FRANCE-PRESSE

Un homme aide une femme blessée à évacuer les lieux après une frappe israélienne, à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza.

Comme en droit criminel, la réponse à une attaque doit être « proportionnée », pas illimitée. L’État hébreu a souvent été critiqué pour l’absence de retenue dans les conflits récents, que ce soit en réplique militaire massive aux attaques du Hamas à Gaza, ou en attaquant le Liban pour répondre aux attaques du Hezbollah, en 2006, tuant de nombreuses victimes civiles et causant d’énormes dégâts à plusieurs infrastructures vitales.

Les massacres du 7 octobre, je viens de le dire, sont d’une ampleur sans précédent. Ils sont largement décrits en Israël comme la pire attaque contre des Juifs depuis l’Holocauste.

Les mots du gouvernement israélien ne laissent aucun doute : ce qui se prépare pour « éradiquer » le Hamas de la bande de Gaza sera tout aussi sans précédent.

Déjà, des hôpitaux, des infrastructures majeures ont été bombardés. Les victimes civiles sont tuées indistinctement. Cela aussi est contraire au droit international.

Tout comme menacer de tuer des otages israéliens en représailles.

Ordonner l’évacuation en 24 heures de 1,1 million de Palestiniens qui n’ont nulle part où se réfugier n’a pas de sens et crée déjà un début de catastrophe humanitaire. Ça ne rendra pas légitimes la mort de civils ou la destruction de tous les édifices du territoire sous ordre d’évacuation au terme de ce délai trop court.

D’autant que le Hamas s’oppose à cette évacuation et on rapporte que des Palestiniens sont empêchés de fuir par des militants.

En pleine guerre, tout ceci ne règle pas ce conflit qui paraît sans issue ni aucune injustice. Il n’y a aucune paix à l’horizon, et on ne sait pas qui pourrait ou voudrait la négocier ni dans quels termes.

Il faut tout de même commencer par nommer les crimes. Rappeler ces normes communes de l’humanité, c’est aussi une façon pour les autres pays de faire pression. Pour sauver le plus de vies possible.