Marquez bien le 12 mai prochain sur votre calendrier.

Ce sera le deuxième anniversaire de la « Charte des chantiers » de la Ville de Montréal.

Ce document dévoilé en grande pompe laissait miroiter des chemins ensoleillés vers des « chantiers exemplaires » et « respectueux de la collectivité locale ».

Quiconque a mis le bout du nez dans une rue de la métropole depuis deux ans connaît la suite.

Le grand vent de changement n’a pas soufflé sur Montréal.

Plutôt l’inverse.

C’est plutôt comme si un raz-de-marée avait déversé des milliers de cônes orange et de panneaux de signalisation partout sur le territoire, dans un désordre ahurissant.

L’administration Plante reconnaît que ses beaux principes édictés sur papier en 2021 n’ont pas produit les résultats escomptés. Elle sortira bientôt le bâton pour forcer les entrepreneurs de tout acabit à garder leurs chantiers en ordre. Et s’imposera du même coup une discipline beaucoup plus serrée.

Les mesures envisagées sont nombreuses, musclées et concrètes, selon mes sources. Elles seront implantées au plus tard d’ici l’automne.

Il était temps.

***

La Chambre de commerce du Montréal métropolitain a causé une onde de choc à la mi-janvier, en publiant une étude fracassante sur l’état des chantiers au centre-ville de Montréal1.

Le rapport révélait que 94 % des rues ont été entravées par des travaux, en tout ou en partie, au cours de la dernière année. Un constat brutal, mais nécessaire, qui semble avoir provoqué une prise de conscience collective.

La Ville dévoilera jeudi une série de mesures pour remettre de l’ordre dans la maison, dans le cadre de son « Sommet sur les chantiers ». Cet évènement réunira une centaine de participants, dont plusieurs importants entrepreneurs qui effectuent des travaux sur le territoire de la métropole.

Montréal s’attaquera à trois grandes catégories d’irritants : les cônes et panneaux orange (surabondants et hideux), l’occupation désordonnée du domaine public et la coordination déficiente entre tous les chantiers (privés, municipaux et provinciaux).

La Ville a remarqué que de nombreux entrepreneurs installent leurs cônes et autres panneaux bien avant le début officiel d’un chantier. Résultat : des bouts de rues, des trottoirs et des pistes cyclables sont souvent bloqués de façon inutile sans que personne ne sache trop pourquoi.

L’administration Plante a aussi noté qu’un nombre important de chantiers sont lancés, puis arrêtés pendant des jours, voire des semaines, sans aucune raison valable. Des chantiers « fantômes ».

Plusieurs mesures dissuasives seront mises en place pour s’attaquer à cette occupation aléatoire du domaine public.

Les agents de l’Escouade mobilité (eh oui, ils existent) seront plus nombreux et dotés de nouveaux pouvoirs, ai-je appris. Ils pourront imposer des amendes corsées en cas d’inactivité. Ils auront même la capacité de « démobiliser » les chantiers après deux avis d’infraction.

Autre nouveauté : les entrepreneurs ne pourront désormais installer leur signalisation que 12 heures avant le début d’un chantier, selon les plans actuels de la Ville. Tout devra être retiré 12 heures au plus tard après la fin des travaux.

Cette règle visera autant les promoteurs privés et leurs sous-traitants que la Commission des services électriques, Hydro, Bell, Énergir, les cols bleus… Bref, tous ceux qui sortent leurs grues et leurs marteaux-piqueurs à Montréal.

***

Montréal veut aussi rendre les chantiers moins laids et envahissants.

Le format (énorme) des cônes orange et leur nombre sont dictés par la règlementation provinciale. Ce qui explique qu’un petit chantier sur l’avenue de Monkland ait le même gabarit qu’un gros sur l’autoroute 15.

La Ville est en discussions avec le ministère des Transports pour revoir les normes de signalisation. Les pourparlers visent à adopter de nouvelles règles mieux adaptées à la réalité et à la vitesse de circulation plus faible des rues de la métropole. On peut penser à des cônes plus discrets et plus espacés.

L’objectif est de trouver un juste équilibre entre la protection des travailleurs de la construction et l’embellissement (ou plutôt le désenlaidissement) des chantiers. De viser une meilleure fluidité, aussi.

Selon mes sources, la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, est bien au fait du problème et travaille « à vitesse grand V » avec le Ministère pour trouver une solution, qui pourrait être annoncée dès la fin d’avril.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

La ministre des Transports, Geneviève Guilbault

Quoi qu’il advienne de ces discussions, la Ville entend être beaucoup plus sévère dans la gestion des cônes orange. Il est question d’imposer l’ajout d’un code QR ou d’une micropuce à chaque cône, pour savoir quel entrepreneur l’a installé, et sévir en cas de non-respect des délais autorisés.

***

« Le nerf de la guerre » touchera la coordination entre tous les chantiers, qui fait gravement défaut à la Ville depuis des années.

Montréal est une courtepointe d’arrondissements dotés d’une grande autonomie. Cela peut sembler incroyable, mais ceux-ci délivrent presque automatiquement 98 % des permis d’occupation du domaine public, sans se concerter entre eux.

La Ville modifiera ses façons de faire pour centraliser toutes les informations dans une seule et même plateforme informatique, appelée AGIR. Un plan de maintien de la fluidité sur les grands axes devra obligatoirement être présenté pour que les arrondissements accordent les permis.

Quelles seront les prochaines étapes ?

Le premier pas aura lieu ce jeudi, lorsque les mesures seront annoncées dans le cadre du Sommet. L’administration entend récolter des commentaires des participants pour peaufiner l’application de certains volets de sa réforme.

L’objectif est de faire embarquer les entrepreneurs, et non de les décourager de venir faire des travaux à Montréal. De travailler en collaboration avec le secteur privé.

La Ville modifiera ensuite sa règlementation, tant au niveau central que dans les arrondissements, pour resserrer considérablement les règles d’occupation du domaine public, d’ici à l’automne prochain. Un accent majeur sera mis sur les grandes artères et le centre-ville.

Montréal accordera enfin de nouvelles ressources à son Escouade mobilité, qui ne compte que 16 employés. Ceux-ci ont fait 2073 interventions pour des entraves non autorisées l’an dernier, un nombre sans doute minime par rapport à l’ampleur réelle du problème. D’ex-inspecteurs du Bureau du taxi, aboli discrètement en décembre dernier, se grefferont à l’équipe.

Tout cela est très prometteur.

Mais comme c’est souvent le cas avec l’immense machine bureaucratique qu’est la Ville de Montréal, il est loin d’être acquis que cette volonté se traduira en résultats concrets sur le terrain. L’administration devra garder le cap malgré les critiques et les obstacles qui s’annoncent nombreux.

Valérie Plante s’est présentée comme la « mairesse de la mobilité »… en 2017. Elle et ses troupes auront une occasion en or de tenir (enfin) cette vieille promesse électorale.

Lisez l’étude de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain