Il y a un mot pour décrire l’histoire racontée par Tristan Péloquin au sujet de ce citoyen de Saint-Constant qui fait régner la terreur chez les employés et élus de cette municipalité. C’est le mot « terrifiant ».

Michel Vachon est obsédé par ce qui se passe à la Ville de Saint-Constant, il soupçonne des malversations. Il multipliait ses présences aux séances du conseil municipal, faisait des demandes d’accès à l’information à répétition.

Jusqu’à ce point de l’histoire, Michel Vachon exerçait ses droits de citoyen.

Mais ce que l’enquête de Tristan expose, c’est la plongée du côté sombre de l’engagement citoyen d’un homme qui terrorise élus et fonctionnaires.

Depuis 2016, Michel Vachon multiplie les comportements agressifs et parfois violents. Il suit des fonctionnaires pour les observer quand ils dînent dans des restaurants de Saint-Constant, il note les plaques d’immatriculation des élus et des employés et les aborde de façon insistante.

La directrice générale Nancy Trottier, pour sa part, s’est fait suivre par Michel Vachon alors qu’elle était en voiture. Elle a porté plainte pour harcèlement. Elle a obtenu ce qu’on appelle un « 810 », une promesse de ne pas s’approcher de la personne qui a porté plainte.

Deux élus municipaux ont également été bousculés par Michel Vachon, qui a dû répondre de ses actes devant les tribunaux.

Michel Vachon a aussi été arrêté après avoir agressé la directrice des affaires juridiques de Saint-Constant, Sophie Laflamme. L’avocate promenait tranquillement son chien, dans son quartier, quand Michel Vachon a surgi à vélo devant elle, pour la projeter violemment au sol.

La séquence a été filmée par la caméra de surveillance d’une résidence. Je l’ai visionnée et, naïvement, je me suis dit que M. Vachon allait écoper de quelques mois de prison, sinon quelques années pour ce geste…

Après tout, voici un homme qui se rend dans le quartier de MLaflamme à dessein, qui fonce sur elle à vélo dès qu’il la voit et qui la projette au sol, volontairement, sournoisement, tout en l’empêchant de se relever…

Si ça, ça ne mérite pas un long séjour en prison, qu’est-ce qui mérite un long séjour en prison ?

Sauf que non : Michel Vachon a fait 36 jours pour cette agression. J’ajoute : seulement 36 jours de prison. MLaflamme n’avait que des ecchymoses à montrer au tribunal : ses blessures psychiques, elles, ne se voient pas : « Il a été condamné pour voies de fait simples parce que je n’ai pas pissé le sang », m’a expliqué la directrice des affaires juridiques de Saint-Constant, en entrevue.

Michel Vachon n’a pas respecté ses conditions de remise en liberté et des injonctions émises contre lui, selon le maire Jean-Claude Boyer. Il n’a pas le droit de se présenter à l’hôtel de ville ? Il s’y présente quand même. Quand il a attaqué Sophie Laflamme dans son quartier, il était sous le coup d’une injonction lui interdisant d’approcher les employés et les élus de Saint-Constant… 

Et il l’a fait quand même !

« Il ne reconnaît rien, il s’estime dans son droit », note Boyer.

Même quand une juge – qui a refusé de le condamner – lui demande de cesser ses gestes agressifs, M. Vachon refuse de se discipliner.

Mon collègue Tristan Péloquin a parlé à M. Vachon. Il ne reconnaît aucun tort et estime que sa garde forcée en psychiatrie – à la demande de la Ville, au civil, au nom de sa responsabilité légale d’employeur – est, encore une fois, un vaste complot.

Les élus et les fonctionnaires des municipalités sont habitués à faire face à une catégorie de citoyens quérulents qui sont habituellement des gens hyperzélés qui prennent les affaires de la Cité très, très, très (trop) au sérieux…

Puis il y a des cas plus inquiétants, hors norme, comme celui du citoyen Vachon.

Des types agressifs, qui voient noir, qui voient des complots partout, tout le temps… Et qui s’estiment persécutés. Les psychiatres vous diront qu’il s’agit d’un cocktail explosif.

J’ai justement soumis les détails de la saga Vachon-Saint-Constant à un psychiatre de ma connaissance, quelqu’un qui a déjà fait des expertises pour les tribunaux.

Il m’a fait trois constats, basés sur des décennies de pratique.

Primo : « Pour un système de justice qui prône la réhabilitation, ce genre de cas est une énigme. Il n’a par exemple pas commis assez de crimes pour être déclaré délinquant dangereux. Mais ce qui l’anime, ça ne se guérit pas, donc il ne peut pas se réhabiliter. »

Secundo : « La Cour laisse traîner ce genre de cas pour une raison bien simple, au nom de la liberté des individus. On peut dire que ce que les gens de Saint-Constant vivent, c’est le prix de la liberté : on protège des droits que des gens malades ne devraient pas avoir. »

Tertio : « Pour que ça bouge, malheureusement, il faut que ces personnes deviennent encore plus violentes. Il y a un risque d’agir agressivement, car il a commis des gestes agressifs. »

La Ville de Saint-Constant s’est adressée en désespoir de cause au gouvernement du Québec dans une lettre crève-cœur, où elle exprime son désarroi et sa détresse face à un cas hors norme qui met ses élus et ses employés à risque, de toutes sortes de façons.

J’espère que quelqu’un, à Québec, pourra aider la municipalité de Saint-Constant… Et toutes les autres qui vivent des situations de harcèlement agressif similaire.

En lisant cette lettre, j’ai eu une pensée terrible : si Michel Vachon pousse encore plus loin sa violence, personne ne pourra dire : on ne savait pas.