Au tour de Québec solidaire de sauter dans le bain antimonarchique. Le parti de gauche se joint au mouvement lancé en campagne électorale par Paul St-Pierre Plamondon. Ils sont maintenant 14 députés québécois à refuser de prêter serment au roi Charles III.

C’est mieux que trois. Mais ce n’est pas suffisant pour faire pencher la balance.

On l’a compris mardi : PSPP est coincé. À moins d’une entente improbable avec le gouvernement caquiste de François Legault, le chef péquiste n’aura pas le choix de se pincer le nez et de prêter allégeance au roi d’Angleterre. Ses collègues péquistes et solidaires n’auront pas le choix non plus.

C’est cela, ou renoncer à siéger à l’Assemblée nationale. Renoncer à leur salaire, du même coup. Et surtout, renoncer à représenter les citoyens qui les ont élus pour qu’ils accomplissent leur travail.

Le gouvernement a clairement indiqué qu’une motion serait insuffisante pour exempter ces députés de prêter serment au roi. Il faut une loi. Et une loi, ça s’adopte dans les règles de l’art démocratique, au Salon bleu.

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Vrai, l’obligation de jurer loyauté à un vieux monarque anglais, au Québec, n’a pas de sens. C’est une règle dépassée, gênante, humiliante. Il y a quelque chose de profondément ridicule au fait qu’un élu se fasse interdire l’accès au parlement parce qu’il refuse de se prêter à ce rituel archaïque.

C’est aussi profondément cynique. Toute cette histoire nous fait réaliser que de nombreux élus québécois entament leur carrière politique en jurant solennellement une chose à laquelle ils ne croient pas.

L’ancienne députée Catherine Dorion l’a résumée en un tweet, lundi : « Je me souviens de mon serment à la reine comme d’un grand moment d’absurdité. “Tu veux devenir une vraie politicienne ? Commence par un mensonge. Publiquement. Fais-le.” Comme si on avait voulu nous préparer d’avance à la quasi-impossibilité de rester droit dans ce monde-là. »

Vrai, aussi : le peuple est du bord de PSPP. Selon un sondage Léger, les deux tiers des Québécois sont d’avis que les refuzniks devraient tout de même être autorisés à exercer leurs fonctions au parlement.

L’appui des 11 députés solidaires – qui espèrent négocier une voie de passage d’ici la rentrée parlementaire, le 29 novembre – donne des munitions supplémentaires aux trois députés péquistes. Ils souhaitent obtenir la permission de siéger, le temps d’adopter une loi abolissant le serment à Sa Majesté.

Mais comme l’a souligné le Secrétaire général de l’Assemblée nationale : on ne peut pas changer les règles du jeu avant le début de la partie.

Et s’il n’y a pas d’entente ? Les élus péquistes et solidaires ne peuvent pas se permettre de poireauter pendant des mois, voire des années, dans l’antichambre du Salon bleu, à attendre que leurs adversaires caquistes et libéraux daignent modifier la loi. C’est absolument impensable.

Bien des électeurs ne leur pardonneraient pas de faire passer une formalité avant des enjeux qui les touchent de beaucoup, beaucoup plus près : les écoles vétustes, les urgences engorgées, l’inflation galopante ou encore la pénurie de main-d’œuvre.

Ils ne leur pardonneraient pas de se battre aussi longtemps contre des moulins à vent.

Plus le temps passerait, plus le courage de ces élus risquerait de virer, dans l’œil du public, en croisade. Leur détermination se transformerait en acharnement.

Alors, quoi faire ?

PSPP est coincé, mais il y a des issues de secours. Du moins, des façons de sauver un peu la face.

Il peut imiter les députés solidaires qui, en 2018, avaient prêté serment lors d’une cérémonie privée, à l’abri des caméras. Ils s’étaient au moins évité l’humiliation publique.

Ou alors, PSPP peut s’inspirer de la sénatrice australienne Lidia Thorpe, une Autochtone qui a prêté allégeance le poing levé, en août. Et qui a glissé le mot « colonisatrice » avant le mot « reine » en prononçant son serment. (Ça n’a pas très bien passé…)

Bien sûr, PSPP peut faire comme les députés nord-irlandais du Sinn Féin, qui refusent de prêter allégeance à la famille royale depuis… 1905. À Westminster, leurs sièges restent vides. « Nous n’avons pas de réel intérêt dans ce qui se passe au parlement britannique », a expliqué leur chef, Gerry Adams.

Mais en général, ce n’est pas constructif pour un député de sécher à l’extérieur du parlement. Même le rebelle métis Louis Riel l’avait compris. Député du Manitoba aux Communes, il avait prêté allégeance à la reine Victoria… avant d’être exécuté en son nom, pour trahison.

Paul St-Pierre Plamondon peut jeter un œil du côté de l’Écosse. Il peut écrire « Mon serment est au peuple » au feutre sur sa paume, pousser la chansonnette en plein parlement ou croiser les doigts au moment de prononcer son serment, comme l’ont fait trois députés indépendantistes écossais au cours des dernières années.

Serment d’allégeance à la reine du député écossais Steven Bonnar, les doigts croisés, au Palais de Westminster, en 2019

Sinon, le chef péquiste peut s’inspirer des prestations de serments d’antimonarchistes anglais, comme Dennis Skinner : « Je jure solennellement que je porterai allégeance véritable et fidèle à la reine… lorsqu’elle paiera ses impôts ! »

Mais PSPP n’a pas besoin d’aller aussi loin pour trouver une source d’inspiration. En 2018, les 10 élus péquistes ont eux-mêmes ajouté ces mots à leur serment d’allégeance : « D’ici à ce que le Québec soit indépendant… »

Quatre ans plus tard, PSPP peut répéter les mêmes mots – quitte à en ajouter quelques autres. Mon humble suggestion : « … et d’ici à ce que ce fichu serment soit aboli par l’Assemblée nationale ».