Chers parents, ceci est une chronique-rappel pour vous inciter à avoir une discussion capitale avec vos ados : c’est extrêmement risqué d’envoyer des photos intimes de soi.

C’est une mère qui m’a contacté. Son ado est entré dans sa chambre en panique, autour de minuit, récemment : « J’ai fait une grosse gaffe ! »

Une grosse gaffe ? You bet.

Un classique. Une belle inconnue a « ajouté » le jeune homme sur une plateforme sociale. Ils ont commencé à discuter. Et c’est elle qui a commencé le jeu du « Je t’en montre, tu m’en montres », avec une photo de son postérieur…

L’ado en question a 17 ans, pas une tête brûlée, plutôt brillant, bon élève. Mais il a 17 ans…

Les hormones ont pris le dessus, la tension sexuelle a monté à la tête de l’adolescent et — clic, clic — il a lui aussi envoyé une photo que nous qualifierons d’intime à la belle inconnue, mais je pense que vous comprenez quelle partie de son anatomie l’adolescent a envoyée à sa nouvelle amie.

C’est là que le pot aux roses s’est révélé : il n’y a pas de belle inconnue. Il y a des fraudeurs, probablement établis à l’autre bout du monde, qui menaçaient désormais d’envoyer la photo intime du jeune homme à tous ses contacts…

Évidemment, ces salauds anonymes promettaient de ne pas envoyer ladite photo à tous les contacts de l’ado en échange d’un paiement rapide de 1000 $ CAD.

C’est ce qu’on appelle de l’extorsion, plus précisément de la sextorsion, néologisme qui implique de l’extorsion dans un contexte sexuel.

C’est à ce moment que l’ado est entré dans la chambre de ses parents, en pleine nuit, aux abois et considérablement refroidi : « J’ai fait une grosse gaffe ! »

La mère est allée porter plainte au poste de police, avec son fils, non sans avoir averti les fraudeurs qu’ils avaient arnaqué un mineur et que, non, ils n’auraient pas une cenne.

Au poste de police, l’agent qui a pris la plainte fut plein de considération.

— « Je suis con, je suis con ! a dit l’ado.

— T’es pas con, t’es jeune ! », a répondu l’agent.

En moins de 24 heures, une enquêteuse du SPVM contactait la mère. Selon ses dires, la policière lui a dit qu’il semble que cette arnaque soit en vogue, ce sont probablement des gens bien planqués loin du Canada. On verra où débouche cette affaire.

L’ado est bien entouré et, somme toute, dans de bonnes dispositions. Les fraudeurs n’ont pas mis leur menace à exécution. Il a été terrorisé à l’idée que l’image soit partagée. Il est encore craintif.

La mère m’a contacté pour que l’histoire de son fils soit racontée dans cette chronique, pour que ça serve de point de départ à des discussions avec nos ados sur les périls de faire confiance à des inconnus sur l’internet.

Au SPVM, on ne tient pas de statistiques précises sur la sextorsion en général ou celle touchant les adolescents. Les conseils de la police sont simples et calqués sur ce que l’organisme Cyberaide⁠1 conseille aux parents : superviser l’activité internet des enfants et des adolescents, insister pour qu’ils utilisent des pseudonymes et une photo de profil floue et ajuster les paramètres de confidentialité pour masquer, par exemple, la liste de leurs amis.

Avec la numérisation de nos vies viennent des enjeux, des défis et des périls qui n’existaient pas quand la plupart des parents d’adolescents de 2022 étaient eux-mêmes adolescents.

L’idée n’est pas de dire « Les réseaux sociaux, c’est mal ! », mais de leur rappeler cette vérité universelle : « Si c’est trop beau pour être vrai, c’est probablement pas vrai... »

Dans le cas de l’ado dont je vous parle dans cette chronique, ses parents l’avaient déjà mis en garde contre les périls de partager des images intimes de lui-même. La discussion avait donc déjà eu lieu.

C’est pourquoi je parle d’une chronique-rappel : c’est le genre de discussion qui n’est jamais vraiment terminée.

Je me répète dans ma tête les paroles de ce policier à cet adolescent — « T’es pas con, t’es jeune ! » —, venu dénoncer le moment le plus embarrassant de sa jeune vie et je me dis que, bon sang, je suis content d’avoir eu 17 ans en 1989 plutôt qu’en 2022…

Il me semble qu’on était aussi cons, bien sûr. Mais il me semble que la vie d’ados, c’était pas mal moins compliqué, aussi.