Les alertes rouges se suivent et s’intensifient. Canicule en Europe. Records de température fracassés dans plusieurs pays. « Apocalypse de chaleur » en France. Des milliers d’habitants et de touristes forcés de fuir leurs résidences. Des pompiers tués en tentant d’éteindre le feu. Des citoyens qui meurent emportés par la chaleur extrême.

Pendant ce temps, dans l’Ouest canadien, un an après un été particulièrement meurtrier, on redoute le même scénario catastrophe alors que l’on combat des incendies de forêt près de Lytton, village de la Colombie-Britannique qui s’est embrasé en 2021 après avoir atteint un funeste record de 49,6 ℃. Là-bas, comme au Québec lors de la canicule précoce du mois de mai, les vagues de chaleur ont été accompagnées de vagues de décès qui nous rappellent que la crise climatique n’est pas un enjeu parmi tant d’autres, mais bien une question de vie ou de mort1.

Chaque fois que j’écris sur l’urgence climatique, j’ai un peu l’impression de rédiger la même chronique d’une catastrophe annoncée. Mais il y a pire. Rédiger les mêmes avertissements scientifiques depuis plus de 40 ans et être ignoré. Alerter nos dirigeants, études scientifiques à l’appui, que l’on court vers la catastrophe climatique et constater des décennies plus tard que rien n’a changé, ou si peu.

L’an dernier, à pareille date, je me demandais combien d’étés meurtriers il nous faudra encore pour prendre vraiment la mesure de l’urgence climatique et des actions radicales qui s’imposent.

Réponse : au moins un autre encore, semble-t-il.

En mai dernier, un rapport alarmant de l’Organisation des Nations unies (ONU), qui faisait suite à un rapport tout aussi alarmant du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), rappelait à ceux qui en doutent encore qu’à cause de l’incapacité de nos dirigeants à s’attaquer au dérèglement climatique, l’humanité court à sa perte. Les voyants environnementaux sont au rouge. Les sept dernières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées. Les épisodes météorologiques extrêmes que nous vivons ont des effets néfastes tout aussi extrêmes. Des gens meurent. D’autres sont forcés de se déplacer pour survivre. Des vies sont bouleversées. Des milliards de dollars sont perdus.

Tout cela était parfaitement prévisible. Ce n’est pas d’hier que des scientifiques sonnent l’alarme. Dès les années 1950, le physicien et climatologue canadien Gilbert Plass avait prédit l’augmentation de la température terrestre qui pourrait être causée par les émissions de gaz à effet de serre, rappelait lundi le média français Basta !, spécialisé en actualité écologique et sociale2.

En 1965, un comité consultatif scientifique américain mettait déjà en garde la Maison-Blanche contre le réchauffement climatique. En 1971, des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology parlaient de « course contre la montre climatique ». « Nous sommes convaincus que l’homme peut influencer le climat et nous espérons que le rythme des progrès de notre compréhension pourra suivre l’urgence croissante à agir avant que certaines forces dévastatrices ne soient mises en mouvement – des forces que nous pourrions être impuissants à inverser », écrivaient-ils.

La première conférence internationale sur le climat a eu lieu en 1979, à Genève. Cette année-là, les scientifiques de 50 pays en arrivaient à un consensus : il est urgent d’agir.

Plus de 40 ans plus tard, les scientifiques du GIEC sont forcés de répéter la même chose : « Ce rapport est un avertissement terrible sur les conséquences de l’inaction. Il montre que les changements climatiques constituent une menace grave et croissante pour notre bien-être et la santé de la planète », avertissaient-ils en rendant public leur rapport de février 2022.

Leur conclusion est la même que celle de leurs prédécesseurs en 1979 : il y a urgence. Urgence « d’une action immédiate et plus ambitieuse pour faire face aux risques climatiques ». Et ils ajoutent : « Les demi-mesures ne sont plus une option. »

À l’instar du mouvement des Mères au front qui, pour protéger l’avenir de leurs enfants, refusent de rester les bras croisés devant l’inaction de nos dirigeants, il faudra exiger une réponse immédiate, responsable et intelligente aux cris d’alarme des scientifiques3.

Des solutions très concrètes existent pour lutter contre les changements climatiques. Pour qu’elles soient efficaces, elles doivent être collectives bien plus qu’individuelles.

On pourrait par exemple réclamer, comme le proposent les Mères au front, qu’il devienne obligatoire pour un gouvernement de passer toutes ses décisions au crible de leurs impacts sur l’environnement et sur l’équité sociale. Si une décision ne passe pas le test, aussi populaire soit-elle – songeons au troisième lien Québec-Lévis –, elle devra être abandonnée ou renvoyée à la planche à dessin.

Si on prend réellement la suite du monde au sérieux, si l’on veut cesser de courir à notre perte, ce devra être l’enjeu le plus important de la campagne électorale provinciale qui approche.

1. Lisez « Une vague de décès surprenante » 2. Lisez « 40 ans d’alertes des scientifiques et d’immobilisme de nos dirigeants » 3. Consultez le site des Mères au front