Les grandes chaleurs ont été rares ce printemps et en ce début d’été, mais elles demeurent mortelles. La vague de chaleur précoce du mois de mai coïncide avec une hausse subite de plus de 150 décès qui ne semblent pas attribuables à la COVID-19.

Dans la semaine du 8 mai, l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) a recensé 157 décès de plus que prévu. Cette hausse coïncide avec l’augmentation des températures. Du 12 au 14 mai, le mercure a atteint la barre des 30 °C dans plusieurs régions du Québec pendant plus de trois jours consécutifs.

« Les vagues de chaleur qui arrivent tôt durant l’été peuvent avoir des conséquences plus importantes en raison de l’acclimatation », indique Félix Lamothe, coordinateur en santé environnementale à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), en entrevue.

Les longues périodes de chaleur, comme celle du mois de mai, augmentent de 10 à 15 % le risque de mortalité dans la population, et ce, aussi durant les sept jours suivant l’évènement, affirme la Dre Claudel Pétrin-Desrosiers, présidente de l’Association québécoise des médecins pour l’environnement.

La population la plus vulnérable aux chaleurs extrêmes comprend notamment les personnes âgées de 65 ans et plus, les personnes isolées, les familles à faible revenu et les gens qui souffrent d’une maladie chronique ou mentale, souligne la spécialiste, jointe au téléphone.

D’ailleurs, les données recensées durant cette vague de chaleur montrent un rebond des décès excédentaires chez les personnes âgées de 70 ans et plus. Tous les sexes et les régions du Québec ont été touchés de la même manière, relève l’ISQ. Généralement, quand il s’agit d’une vague de COVID-19, certaines régions sont plus touchées que d’autres.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

La Dre Claudel Pétrin-Desrosiers, présidente de l’Association québécoise des médecins pour l’environnement

Il faut voir la chaleur comme un stress sur le corps qui vient beaucoup jouer sur le système cardiovasculaire. Tout le monde est à risque, même les athlètes de haut niveau.

La Dre Claudel Pétrin-Desrosiers, présidente de l’Association québécoise des médecins pour l’environnement

Félix Lamothe croit toutefois qu’il est encore trop tôt pour confirmer hors de tout doute une corrélation entre la vague de chaleur du printemps et les morts inattendues recensées. La hausse de surmortalité à la mi-mai de cette année peut certainement découler de l’accroissement soudain de la température, mais d’autres facteurs peuvent être en cause, dont la COVID-19.

Or, la COVID-19 ne semble pas expliquer cette hausse puisque la 6vague tirait déjà à sa fin depuis trois semaines. Au sommet de cette vague, les décès au Québec s’élevaient à 3 % au-dessus des prévisions. Durant la canicule, l’ISQ a enregistré une surmortalité 12 % supérieure aux prévisions.

Comme les seuils des températures n’avaient pas atteint un point d’intervention, aucune enquête épidémiologique n’a été effectuée par l’INSPQ, précise Félix Lamothe. Les enquêtes sont lancées seulement lors des périodes de chaleur extrême, c’est-à-dire trois jours consécutifs avec une moyenne des températures maximales à 33 °C et minimales à 20 °C.

Une menace

Des vagues de chaleur comme celle enregistrée au printemps risquent de provoquer bon nombre de décès au Québec dans les prochaines années en raison des changements climatiques, estime la Dre Pétrin-Desrosiers. Selon la spécialiste, le réseau de la santé n’est pas prêt à absorber la surcharge des urgences lors des canicules. Elle souhaite que les centres hospitaliers se préparent davantage, et de manière proactive, pour être en mesure de répondre aux besoins des patients lors des périodes de chaleur extrême.

Ce n’est pas la première fois qu’une vague de chaleur accentue la courbe de surmortalité au Québec. Durant la vague de chaleur de mai 2020, la surmortalité avait dépassé les décès attribués à la COVID-19.

Les investigations des décès survenus durant la semaine du 8 mai 2022 sont encore en cours, indique le Bureau du coroner. D’ailleurs, les températures extrêmes observées en 2018 dans la métropole auront été responsables de 66 décès, selon une enquête épidémiologique menée par la Direction régionale de santé publique de Montréal (DRSP).

Îlots de chaleur 

Récemment, la Ville de Montréal a publié une nouvelle carte des îlots de chaleur dans la métropole. Dans le nord de l’île, près de l’autoroute Transcanadienne et de l’autoroute et du chemin de la Côte-de-Liesse, on dénote d’importants îlots de chaleur. Le long de la rue Notre-Dame, dans Hochelaga-Maisonneuve, la carte est tout aussi rouge que dans le secteur de l’aéroport Pierre-Elliott-Trudeau.

Consultez la carte des îlots de chaleur à Montréal

Les personnes qui habitent dans des îlots de chaleur sont deux fois plus susceptibles de mourir de chaleur, indiquait la DRSP dans son enquête.

Ainsi, en raison du faible taux de canopée dans le quartier, un homme de 65 ans qui souffre de diabète et d’hypertension à Hochelaga-Maisonneuve est deux fois plus à risque de mourir de chaleur qu’un homme de 65 ans dont l’état de santé est le même, mais qui vit à Outremont, affirme Claudel Pétrin-Desrosiers.

La présence d’espaces verts permet au corps de se reposer, explique la médecin, comme lorsque la température baisse durant la nuit.