Il s’appelait Thomas, Thomas Trudel. Il avait 16 ans. Un ado comme mille autres. Pas d’historique de mauvaises fréquentations.

Rue Villeray, dimanche soir, autour de 21 h, il est abordé par un gars.

Bang, il s’est fait tirer dessus.

Il est mort.

Juste comme ça, sur le trottoir.

Pourquoi, par qui ?

On ne le sait pas. Les enquêteurs de la police de Montréal tissent leur toile, soulèvent toutes les pierres, ils y mettent toute la gomme.

Seize ans, calvaire. Je n’arrête pas de penser à Thomas, depuis lundi, depuis qu’on sait : 16 ans.

En début d’année, c’était Meriem, Meriem Boundaoui. Quinze ans, quinze ans, calvaire. Atteinte par des balles qui ne la visaient pas.

Les policiers le disent : ce qui a changé, c’est que c’est facile de trouver des armes. Pour commettre des crimes. Et pour s’en protéger. En début d’année, Roberson Berlus, travailleur de rue dans Montréal-Nord, avait témoigné après la mort de Meriem qu’il sait que des jeunes se procurent des armes pour se protéger…

J’avais sursauté : c’est bien beau, vouloir s’acheter un gun, mais tu trouves ça où ? !

Paraît que ce n’est pas difficile. Il y a de l’offre, pour cette demande.

C’est nouveau, cette offre généreuse pour des armes à feu, à Montréal.

***

Seize ans, calvaire. Pardonnez le gros mot. Oui, pardonnez mes gros mots, je n’ai pas super envie d’être mesuré, en écrivant cette chronique, ce soir.

Seize ans, l’âge de mon fils. Thomas avait seize ans, il revenait du parc. Ils reviennent tous du parc, à cet âge-là. C’est là que ça se passe.

Hier matin, un voisin m’écrit : « Tu sais que Thomas habitait dans la rue, quand il était petit ? Il jouait au hockey avec mon gars… »

Fuck.

Hier soir, mes voisins immédiats, défaits : « Ben oui, Thomas habitait dans la rue, juste là, en haut. On a des photos de lui, quand il jouait avec la petite… »

Fuck.

Seize ans, Thomas avait 16 ans. La vie devant lui, il revenait du parc, à 21 h, à l’heure où ses parents lui avaient dit de revenir.

Bang, il s’est fait tirer dessus. Juste comme ça.

Pourquoi, on ne le sait pas.

Je sais juste que les guns, jadis, c’était la chasse gardée des bandits du crime organisé, grand et petit. Aujourd’hui, c’est plus répandu. L’offre, comme je disais. Il y avait une demande, jadis. Mais assez peu d’offre.

Je sais qu’aujourd’hui, ça se fabrique avec des imprimantes 3D, que ça se commande en pièces détachées, que ça s’importe des États-Unis. Les États-Unis, live free or die (from a gun freely bought at the corner store, ou presque).

Je sais qu’il y a un marché, il y a une demande : l’offre a trouvé la demande. Les États-Unis inondent le marché canadien de guns illégaux. God Bless America.

***

Je suis entré dans la chambre de mon fils, tantôt. Seize ans, l’âge de Thomas. La chambre est vide, l’héritier est chez sa mère.

Il a laissé un petit bordel dans sa chambre, comme d’habitude.

J’écris ces mots, je pense à la chambre vide de Thomas.