Critiqué de toutes parts pour sa piètre gestion de la qualité de l’air dans les écoles en pleine pandémie, le gouvernement Legault estime avoir fait ses devoirs en fournissant 376 échangeurs d’air aux classes les plus « problématiques » du Québec et en envoyant des lecteurs de CO2 dans les écoles.

C’est certainement un bon début. Mais est-ce suffisant dans un contexte d’urgence sanitaire, alors que l’on a déjà recensé plus de 1500 cas de COVID-19 dans les écoles du Québec depuis la rentrée et qu’il faut faire tout notre possible pour les garder ouvertes ?

Malheureusement non. En pleine quatrième vague, alors que les éclosions se multiplient dans les écoles, j’y vois une trop petite bouffée d’air dans un gros nuage menaçant de COVID.

La première chose qui m’a frappée en prenant connaissance du plan déployé par le ministère de l’Éducation, c’est qu’il se fonde sur des résultats de tests de CO2 au protocole peu rigoureux qui n’ont jamais eu l’aval de la Santé publique ou de l’Institut national de santé publique du Québec, comme l’avait révélé en avril une enquête troublante de mon confrère de Radio-Canada Thomas Gerbet1.

En d’autres mots, on prescrit un remède sans avoir un diagnostic fiable et complet. Selon le ministère de l’Éducation et ses données sur la qualité de l’air broche à foin rendues publiques en avril, tout irait bien dans près de 90 % des classes du Québec. Seules 356 classes (2,4 %) avaient un taux mesuré de CO2 de plus de 2000 parties par million (ppm) exigeant un correctif immédiat. Dans 7,9 % des cas, on avait un taux situé entre 1500 et 2000 ppm, exigeant une action rapide.

Même si la Santé publique n’a jamais approuvé le protocole employé par le ministère de l’Éducation, le sous-ministre associé Marc Sirois ne croit pas que cela discrédite l’exercice.

« Vous avez raison, il y a eu un débat sur le protocole. Ce que je peux vous dire, c’est que lorsqu’on a fait les tests, on a rejeté les données des classes testées qui n’avaient pas suivi le protocole. Donc on a inclus dans les cas problématiques les cas rejetés. Pour 90 % de nos classes, le protocole a été respecté et on est satisfaits de la démarche. »

C’est donc en se fondant sur cette démarche, qui donne une vision édulcorée de la réalité, que le ministère de l’Éducation a fourni à 85 écoles de 21 centres de services scolaires 376 échangeurs d’air ainsi que des détecteurs de CO2 qui devraient permettre d’assurer un suivi rigoureux.

C’est certainement un bon début, disais-je. Mais dans un contexte d’urgence pandémique, si on veut s’assurer que les écoles demeurent ouvertes et y diminuer les risques de transmission, n’aurait-on pas intérêt à en faire davantage afin de mettre toutes les chances de notre côté ?

Oui, répond sans hésiter Maximilien Debia, professeur agrégé à l’École de santé publique de l’Université de Montréal.

Une façon d’y arriver est de recourir à des unités portables à filtres HEPA (pour high efficiency particulate air filter) – communément appelés purificateurs d’air – dans les locaux sans ventilation mécanique.

« C’est sûr qu’un échangeur d’air, tous les experts peuvent le reconnaître, c’est un système plus fiable qui va améliorer la qualité de l’air selon un débit constant. Alors qu’un purificateur d’air, sa mission, c’est uniquement d’abaisser le taux d’aérosols. » Mais dans le cadre d’une stratégie d’urgence sanitaire, le purificateur d’air a certainement son utilité – même s’il ne constitue pas une solution magique et ne doit remplacer en aucun cas d’autres mesures comme le port du masque et la distanciation.

« C’est démontré que ça diminue les aérosols. C’est le rôle d’un système de filtration HEPA. » Comme on sait maintenant que la transmission de la COVID-19 est surtout aérienne, diminuer les aérosols, c’est diminuer la transmission.

Alors qu’en Ontario, le ministère de l’Éducation a rendu obligatoires les unités portables à filtres HEPA dans toutes les classes où il n’y a pas de ventilation mécanique, rien de tel n’est envisagé ici, en dépit des recommandations d’experts renommés de Harvard, du MIT et d’ailleurs.

Les purificateurs d’air ne sont ni recommandés ni interdits par le ministère québécois de l’Éducation. Dans les consignes envoyées aux écoles pour la rentrée, on précise qu’ils sont « à éviter ».

Les enseignants ou les parents qui désirent s’en procurer doivent se plier aux douze travaux d’Astérix pour faire parvenir leur demande au Ministère qui la soumet ensuite à un comité tripartite au sigle byzantin (MEQ-CNESST-MSSS). Les autorisations sont accordées au compte-gouttes. Pour l’heure, sur les six demandes que le Ministère a présentées au comité, trois ont été acceptées.

Le professeur Ali Bahloul, chercheur à l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail et membre de ce fameux comité tripartite, croit que le purificateur d’air doit demeurer un « dernier recours ». Car pour que ces unités portables soient vraiment efficaces, il en faudrait plusieurs dans une même classe, dit-il. « Il est inconcevable de mettre plusieurs purificateurs d’air dans une salle de classe. Qui va les entretenir ? Comment va-t-on gérer ça ? Et combien de purificateurs faut-il acheter ? »

Le professeur Debia, à l’instar de nombreux experts d’ici et d’ailleurs, estime pour sa part que l’investissement dans une telle mesure de prévention vaut la peine.

Pour sa salle de classe de l’université, il s’est d’ailleurs lui-même équipé d’un purificateur d’air. Coût : 300 $.

Trop cher pour l’ensemble des écoles du Québec mal ventilées ?

Quand on sait qu’une seule hospitalisation liée à la COVID-19 coûte 23 000 $ et que 10 % des élèves infectés risquent de vivre avec les séquelles d’une COVID longue, il me semble que cela nous coûte encore plus cher de nous en passer.

1 Lisez l’article de Thomas Gerbet