(Ottawa) L’Assemblée des Premières Nations (APN) affirme que des décennies de sous-financement et de manquements aux obligations fiduciaires ont créé un déficit d’infrastructure de 349 milliards, qui ne fera que s’aggraver sans des investissements immédiats dans tous les domaines, du logement aux routes en passant par les écoles, prévient-elle mardi dans un nouveau rapport.

Le rapport publié mardi réclame 135 milliards pour le logement, 5 milliards pour la connectivité numérique et 209 milliards supplémentaires pour d’autres infrastructures.

« Sans ces fonds, les infrastructures dont dépendent les communautés des Premières Nations partout au pays continueront de se détériorer à un rythme alarmant », peut-on lire dans le rapport.

« Sans cet investissement, la santé, la sécurité et les infrastructures communautaires des Premières Nations se détérioreront d’année en année. »

Le premier ministre Justin Trudeau s’est engagé à combler le déficit en matière d’infrastructures d’ici 2030, mais la vérificatrice générale fédérale a conclu plus tôt cette année que le déficit ne faisait que s’élargir.

Le rapport de mardi va au-delà du logement et inclut, entre autres, les usines de traitement des eaux, les routes, les écoles et les ports.

Et l’APN, qui défend les intérêts des collectivités au nom de plus de 600 chefs des Premières Nations, affirme que les coûts vont exploser si aucune mesure n’est prise maintenant.

Se décrivant explicitement comme une demande de budget fédéral, le rapport est le produit de la participation de 401 communautés des Premières Nations et est basé sur des années d’études, d’engagements et de dossiers de Services aux Autochtones Canada.

« Le budget fédéral 2024 doit s’aligner sur les priorités établies par les Premières Nations, y compris dans ce rapport », a soutenu la cheffe nationale de l’APN, Cindy Woodhouse Nepinak, dans une déclaration écrite.

« Le gouvernement du Canada doit veiller à ce que nos voix soient non seulement entendues, mais qu’elles mènent la conversation et l’action sur les questions qui touchent directement nos communautés. Cela implique de garantir des investissements importants qui correspondent à ce que les Premières Nations ont jugé nécessaire pour notre avenir. »

Le budget sera déposé le 16 avril.

L’APN affirme qu’investir dans les infrastructures des Premières Nations aidera les communautés à améliorer leur autodétermination et leurs résultats socioéconomiques, et à réduire les écarts entre les Premières Nations et les Canadiens.

Mais elle a également reconnu que l’inflation et la hausse des coûts de construction et de carburant pourraient contribuer à compliquer leurs efforts en matière d’infrastructures. Et à mesure que les bâtiments vieillissent, les réparations deviendront de plus en plus difficiles.

Choisir entre des logements surpeuplés ou quitter sa communauté

La ministre des Services aux Autochtones, Patty Hajdu, dont le ministère a contribué à la rédaction du rapport, affirme que le Canada est toujours déterminé à combler les lacunes en matière d’infrastructures dans les communautés des Premières Nations d’ici 2030.

« Je dirai que pour que cela se produise, tous les niveaux de gouvernement […] devront travailler ensemble », a déclaré Mme Hajdu.

Le chef régional de l’Ontario, Glen Hare, dont la juridiction a besoin de 25,8 milliards pour le logement, a indiqué que les membres de la communauté sont obligés de vivre dans des logements surpeuplés parce qu’ils n’ont nulle part où aller.

« Les gens ne devraient jamais être confrontés à la décision déchirante de choisir entre vivre dans des conditions surpeuplées et dangereuses, ou quitter leur famille et leur communauté », a affirmé M. Hare.

De 2018-2019 à 2022-2023, les Services aux Autochtones et la Société canadienne d’hypothèques et de logement ont fourni du financement pour construire 11 754 nouveaux logements et pour réparer 15 859 logements existants.

Cela représente environ un cinquième de ce qui est nécessaire dans les nouvelles constructions et les réparations pour combler les lacunes existantes, a découvert la vérificatrice générale du Canada, Karen Hogan, dans un rapport publié plus tôt cette année.

Elle a souligné que la construction dans les communautés peut être difficile, surtout si elles se trouvent dans des régions rurales et éloignées, ce qui limite la saison de construction et les travailleurs disponibles. La pandémie a également entraîné certains retards dans les projets.

Le manque de logements convenables est associé à la violence familiale, à la toxicomanie, au suicide et aux obstacles économiques, a indiqué Mme Hogan, et peut contribuer à une perte de culture s’il n’y a pas d’options de logement dans les communautés, forçant ainsi la migration.

« À maintes reprises, que ce soit dans les domaines du logement, des services de police, de l’eau potable ou d’autres domaines critiques, nos audits des programmes fédéraux visant à soutenir les peuples autochtones du Canada révèlent un schéma d’échec pénible et persistant », a déclaré Mme Hogan lors d’une conférence de presse après la publication du rapport.

« L’absence de progrès démontre clairement que l’approche passive et cloisonnée du gouvernement est inefficace et, en fait, contredit l’esprit de véritable réconciliation. »