Une douzaine d’étudiants de McGill réalisent une grève de la faim afin que l’Université désinvestisse des institutions et entreprises israéliennes et les boycotte. Une gréviste a toutefois dû interrompre son jeûne après avoir été hospitalisée samedi à son 34jour sans manger.

L’étudiante de McGill Rania Amine s’est rendue à l’hôpital samedi pour se faire injecter des liquides intraveineux pour traiter sa déshydratation causée par sa grève de la faim. « J’avais des étourdissements et beaucoup de nausées. »

En plein traitement, elle a perdu connaissance, raconte-t-elle. Le personnel de la santé lui a recommandé de rester hospitalisée le temps de regagner des forces. « C’était pour moi le temps d’arrêter, parce que ma santé était en danger. J’avais atteint la limite pour mon corps », confie la jeune femme de son lit d’hôpital.

Rania Amine a commencé la grève de la faim le 19 février, aux côtés d’une douzaine d’étudiants. « On a décidé que c’était le temps de faire quelque chose de plus extrême, parce que les choses n’avancent pas », commente celle qui s’est contentée d’eau, de bouillon et d’électrolytes pendant son jeûne.

Le groupe d’étudiants demande à McGill de désinvestir des entreprises israéliennes et de couper ses liens avec les institutions israéliennes.

Ce genre de comportement n’a pas sa place dans les écoles. Ça n’a aucun sens qu’une université ait des liens avec des entreprises qui sont en train de tuer activement des Palestiniens.

Rania Amine, étudiante de McGill réalisant une grève de la faim

« Nous respectons le droit de la population étudiante de poursuivre des objectifs politiques et d’exprimer ses convictions à cet égard. Nous la prions toutefois de le faire en faisant appel à des moyens qui prioriseront leur santé », a déclaré par courriel à La Presse le Service des relations avec les médias de l’Université McGill.

« C’était très difficile »

La grève de la faim a été tout un défi pour l’étudiante. « C’était très difficile. J’étais très fatiguée chaque jour. Faire n’importe quoi, à part être dans mon lit, était difficile. Ça affectait ma capacité de me concentrer et de fonctionner. »

PHOTO FOURNIE PAR RANIA AMINE

Étudiants lors d’un sit-in à l’Université McGill

Elle continuait tout de même de se rendre à l’université pour participer à des activités de mobilisation comme des sit-in devant les bureaux de l’administration.

Ses collègues qui participent à la grève de la faim le font généralement de façon intermittente, avec des périodes de jeûne de trois à cinq jours. L’étudiant Chadi, qui ne mentionne pas son nom de famille, est désormais le seul à poursuivre la grève de la faim de façon continue. Il en est à son 23jour.

« Je suis très fatigué. J’ai des maladies chroniques et faire une grève de la faim, ça me fait mal. Quand je marche, j’ai beaucoup de douleurs aux os et aux muscles. » Samedi soir, il a tenté de s’endormir, en vain. « Mon cœur battait vite et j’étais tellement désorienté. Je suis rendu au point où c’est très dur de fonctionner. »

Il compte tout de même poursuivre la grève de la faim tant que leurs demandes ne seront pas écoutées. « On est rendu à un point où on ne peut pas rester là et rien faire. »

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

L’université McGill

Une rencontre publique demandée

L’Université McGill soutient avoir proposé une rencontre à plus d’une reprise au groupe d’étudiants. « Les étudiants ont refusé la rencontre dans la forme où elle était proposée », soutient l’établissement.

« On voulait une rencontre ouverte au public avec un délai de quelques jours pour que les gens puissent se présenter. Pendant longtemps, l’Université ne nous proposait que des rencontres en privé », dit l’étudiant Chadi.

Il soutient que l’établissement leur a proposé une rencontre publique au début du mois de mars. « Quelques heures plus tard, avant même qu’on ait pu accepter ce rendez-vous, ils ont proposé une rencontre privée pour huit personnes seulement. » Une offre qu’ils auraient déclinée.

Une lettre ouverte visant à exhorter l’Université à écouter les grévistes de la faim et à mettre en œuvre leurs demandes a récolté jusqu’à présent plus de 1200 signatures, notamment des anciens élèves, professeurs et membres du personnel.

« On voulait montrer qu’ils ne sont pas tout seuls à faire la grève de la faim et qu’il y a toute une communauté de McGill qui les soutient et illustrer à quel point c’est une situation urgente », dit Guido Powell, ancien étudiant de McGill qui a collaboré à la lettre ouverte avec l’organisme Familles montréalaises pour la Palestine.

« Nous sommes conscients que la situation est extrêmement difficile. Ce dossier est pour nous une préoccupation quotidienne, tout comme la santé et la sécurité de notre effectif étudiant », a pour sa part déclaré l’Université.

Demande d’injonction contre une association étudiante

En novembre, un étudiant juif a déposé une demande d’injonction pour empêcher l’Association étudiante de l’Université McGill d’adopter une « politique contre le génocide en Palestine ». Votée lors d’une assemblée, elle demande à l’établissement de rompre ses liens avec les entreprises et les institutions « complices de colonialisme de peuplement, d’apartheid ou de nettoyage ethnique à l’encontre des Palestiniens ». Dans sa demande d’injonction, l’étudiant argue que la politique « encourage, promeut et approuve l’antisémitisme ». Les deux parties seront entendues lundi devant la Cour supérieure du Québec.

Léa Carrier, La Presse