Le gouvernement canadien doit mettre fin à son programme d’immigration qui impose des permis de travail fermés aux travailleurs étrangers temporaires, selon Tomoya Obokata, rapporteur spécial des Nations unies et expert des droits de la personne.

Celui qui avait provoqué un certain émoi, en septembre, en affirmant que le programme des travailleurs étrangers temporaires du gouvernement fédéral constitue un « terreau fertile pour les formes contemporaines d’esclavage », est revenu à la charge, lundi, devant le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration (CIMM), qui se penche sur ce volet de l’immigration, à Ottawa.

« Ce qui augmente la vulnérabilité des travailleurs migrants à l’exploitation, au Canada, c’est la nature fermée du programme qui lie les employés à des employeurs précis », a déclaré Tomoya Obokata.

M. Obokata a expliqué que les permis fermés créent une relation de dépendance entre les employeurs et les employés, et que souvent, « cela permet à l’employeur d’exercer un contrôle strict, ce qui augmente de façon importante le risque d’exploitation et d’abus ».

Talonné par un député conservateur, qui le pressait de questions, il a reconnu que les abus envers les travailleurs étrangers du secteur agricole ne sont pas généralisés, mais « une victime, c’est une victime de trop, et c’est grave », a-t-il dit.

La Presse a rapporté, en août, le cas de quatre employés étrangers qui ont accusé leur employeur de les avoir exploités, à Salaberry-de-Valleyfield : taux horaire inférieur au salaire minimum, absence de jours de congé, heures supplémentaires non payées, peur de dénoncer…

Ottawa leur est venu en aide en leur accordant des permis de travail ouverts destinés aux travailleurs vulnérables. Mais, selon M. Obokata, ce mécanisme de protection est insuffisant pour prévenir les cas d’abus. D’une part, ces permis sont temporaires, et d’autre part, le processus est « vraiment très bureaucratique ».

« Il faut fournir beaucoup d’éléments de preuve. Donc beaucoup de travailleurs migrants hésitent à s’engager dans cette voie », a-t-il exposé.

Inspections

M. Obokata recommande au gouvernement de modifier la nature fermée du programme lui-même, pour que les travailleurs migrants puissent changer d’employeur à leur convenance. Il a fait savoir qu’une telle approche avait déjà été adoptée par certains pays, et qu’elle était envisagée par d’autres.

« Le Canada a déjà le programme de mobilité internationale (PMI), qui accorde un accès complet au marché du travail, par exemple, et le gouvernement pourrait envisager d’élargir cela pour inclure tous les travailleurs migrants », a-t-il souligné.

Le rapporteur spécial, dont le rapport final est toujours attendu, estime, par ailleurs, que le gouvernement doit augmenter le nombre d’inspections dans les entreprises qui recrutent à l’étranger.

Ces inspections, en plus d’être trop peu nombreuses, sont souvent réalisées à distance, au téléphone ou en vidéo, a-t-il fait remarquer. Et lorsqu’elles ont lieu en personne, les employeurs sont souvent prévenus « pour qu’ils puissent se préparer de façon adéquate pour la journée de l’inspection ».

L’expert suggère également d’améliorer l’accès aux recours pour ces travailleurs, et de régulariser le statut des sans-papiers.

« Je sais qu’il y a des procédures établies pour les plaintes, a-t-il indiqué. Mais beaucoup de travailleurs m’ont dit, directement, qu’ils ne signalent pas les cas d’abus et d’exploitation parce qu’ils ont peur de subir les représailles de la part des employeurs, comme être mis sur une liste noire ou congédiés. »

Le CIMM étudie le système des permis de travail fermés depuis septembre. Le Comité fera ses recommandations dans un rapport qui sera déposé à la Chambre.

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  • 271 000
    Nombre de personnes détenant un permis de travail ou un permis de travail et d’études, au Québec
    source : Statistique Canada