« C’est le rêve de tous les parents d’un enfant différent. »

Ce qu’il faut savoir

  • La présidente de la Fondation des petits rois, Vânia Aguiar, a inauguré lundi une « maison intelligente » à Montréal qui hébergera huit jeunes adultes vivant avec une déficience intellectuelle ou un trouble du spectre de l’autisme.
  • Ce projet a bien failli ne jamais voir le jour en raison d’une hausse des coûts de construction.
  • Un déluge de dons de particuliers et d’entreprises ainsi qu’une contribution majeure du gouvernement du Québec lui ont permis de boucler le budget.

Dorea Atif n’en revient pas de sa chance.

Sa fille Claudine, qui vit avec une déficience intellectuelle modérée, part vivre en colocation avec des jeunes de son âge.

La jeune femme de 29 ans déménagera bientôt dans une maison bien spéciale – la toute première du genre au Canada.

  • La « maison intelligente », située dans le quartier Côte-des-Neiges, à Montréal, accueillera huit jeunes avec une déficience intellectuelle de moyenne à grave, avec troubles associés et autisme.

    PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

    La « maison intelligente », située dans le quartier Côte-des-Neiges, à Montréal, accueillera huit jeunes avec une déficience intellectuelle de moyenne à grave, avec troubles associés et autisme.

  • La maison est dotée de miroirs intelligents et d’écrans d’apprentissage à la fine pointe de la technologie.

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    La maison est dotée de miroirs intelligents et d’écrans d’apprentissage à la fine pointe de la technologie.

  • Une salle multisensorielle permet d’éveiller les sens, d’offrir un sentiment d’apaisement et de favoriser la concentration.

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    Une salle multisensorielle permet d’éveiller les sens, d’offrir un sentiment d’apaisement et de favoriser la concentration.

  • Les jeunes adultes pourront participer à une tonne d’ateliers en plus de faire du bénévolat dans le quartier.

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    Les jeunes adultes pourront participer à une tonne d’ateliers en plus de faire du bénévolat dans le quartier.

  • Des élus aimeraient voir ce modèle d’hébergement adapté être reproduit ailleurs au Québec.

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    Des élus aimeraient voir ce modèle d’hébergement adapté être reproduit ailleurs au Québec.

  • Maintenant que la maison est devenue réalité, elle pourra servir de « laboratoire vivant ».

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    Maintenant que la maison est devenue réalité, elle pourra servir de « laboratoire vivant ».

  • Dès 2017, Vânia Aguiar s’est mise à travailler sur l’idée de la maison intelligente avec le chercheur au département de psychoéducation de l’Université du Québec à Trois-Rivières Dany Lussier-Desrochers.

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    Dès 2017, Vânia Aguiar s’est mise à travailler sur l’idée de la maison intelligente avec le chercheur au département de psychoéducation de l’Université du Québec à Trois-Rivières Dany Lussier-Desrochers.

  • La maison sera aussi « connectée » avec les différents intervenants cliniques, avec les familles et avec la communauté grâce à des outils technologiques.

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    La maison sera aussi « connectée » avec les différents intervenants cliniques, avec les familles et avec la communauté grâce à des outils technologiques.

  • « Tout a été pensé pour maximiser leur bien-être », dit Vânia Aguiar.

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    « Tout a été pensé pour maximiser leur bien-être », dit Vânia Aguiar.

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Cette « maison intelligente » située dans le quartier Côte-des-Neiges, à Montréal, accueillera huit jeunes avec une déficience intellectuelle de moyenne à grave, avec troubles associés et autisme.

Comme tous les parents d’enfants handicapés, Mme Atif s’est longtemps demandé où sa fille allait être « placée » lorsqu’elle ne pourrait plus s’occuper d’elle.

J’en ai visité des endroits déprimants. Moi, je cherchais un endroit où elle pourrait continuer à apprendre, à développer son autonomie. Pas un CHSLD qui ne s’adapte pas aux besoins du jeune.

Dorea Atif

« C’est un grand jour pour nos petits rois et nos petites reines », a lancé, à la fois émotive et fière, Vânia Aguiar, idéatrice du projet et présidente de la Fondation des petits rois, à l’inauguration de la maison intelligente, lundi, à Montréal. De nombreux élus des trois ordres de gouvernement ainsi que des représentants d’entreprises et de fondations qui ont financé le projet étaient présents pour l’occasion.

La détermination d’une mère

Ce projet a bien failli ne jamais voir le jour, comme l’a raconté La Presse il y a un peu plus d’un an1.

Sauf que Vânia, elle-même maman d’un « petit roi », Henri-Louis, 28 ans, ne baisse jamais les bras.

D’un projet évalué à 3 millions de dollars au départ, il est passé à 6,7 millions de dollars ; sommes que l’ex-mannequin internationale a réussi à amasser en persuadant les élus des trois ordres de gouvernement ainsi que près d’une trentaine d’entreprises privées et de fondations de délier les cordons de leur bourse.

Preuve de sa ténacité : « tout le monde à l’Assemblée nationale connaît Mme Aguiar », a lancé à la blague la ministre responsable de l’Habitation du Québec, France-Élaine Duranceau, présente à la conférence de presse, lundi.

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France-Élaine Duranceau, ministre responsable de l’Habitation

Puis, les yeux de la ministre sont devenus humides, en même temps que ceux de nombreuses personnes dans la salle : « ne jamais sous-estimer la détermination d’une mère ».

La ministre de l’Habitation ainsi que son collègue délégué aux Services sociaux, Lionel Carmant, aimeraient voir ce modèle d’hébergement adapté être reproduit ailleurs au Québec.

Car les besoins en hébergement adapté sont criants. Au Québec, à l’heure actuelle, ce sont 2215 adultes vivant avec une déficience intellectuelle, une déficience physique ou un trouble du spectre de l’autisme qui sont en attente d’une place d’hébergement adapté, selon des chiffres provenant du ministère de la Santé et des Services sociaux.

La Presse a révélé ces derniers mois l’histoire d’un jeune adulte vivant avec une déficience intellectuelle hébergé dans un hôpital psychiatrique, faute de mieux2. Ainsi que celle des foyers pour adultes avec une déficience intellectuelle qui menacent de fermer, faute d’un financement adéquat3.

« Il y a des enfants qui peuvent être sur la liste d’attente pendant 20 ans alors que leurs parents vieillissent », a expliqué Mme Aguiar, déterminée à poursuivre son combat pour les familles d’enfants handicapés.

Le ministre Lionel Carmant a rappelé qu’on avait eu plutôt tendance au Québec, dans le passé, à « envoyer en institution » les gens vivant avec une déficience modérée à grave. Comme ministre responsable des Services sociaux, mais aussi « comme neurologue », il s’est dit très intéressé par le modèle de la « maison intelligente ».

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Lionel Carmant, ministre responsable des Services sociaux

Mme Duranceau, elle, a vanté ce projet financé grâce à un partenariat public-privé qui ne « rentrait pas dans les programmes existants ». Il a fallu un « décret » pour débloquer les 2 millions de dollars provenant du gouvernement du Québec, a-t-elle expliqué.

« C’est avec une vision comme celle-là qu’on fait avancer les choses », a ajouté son collègue aux Services sociaux.

Aux yeux de Benoit Dorais, responsable de l’habitation au comité exécutif de la mairesse Valérie Plante, quand il y a « assez de volonté politique », on parvient à trouver le financement nécessaire à un projet immobilier qui « ne rentre pas dans les petites cases ».

« Laboratoire vivant »

Dès 2017, Vânia Aguiar s’est mise à travailler sur l’idée de la maison intelligente avec le chercheur au département de psychoéducation de l’Université du Québec à Trois-Rivières Dany Lussier-Desrochers. Avec son équipe de recherche, ce dernier a élaboré un plan afin que les jeunes puissent vivre dans une maison connectée qui offre une technologie visant à les stimuler, tout en facilitant leur quotidien. Maintenant que la maison est devenue réalité, elle leur servira de « laboratoire vivant ».

La maison est dotée de miroirs intelligents et d’écrans d’apprentissage à la fine pointe de la technologie qui expliquent aux jeunes les étapes pour s’habiller ou se brosser les dents, faire une recette ou encore leur lavage, par exemple. Il y a aussi une salle multisensorielle qui permet d’éveiller leurs sens, de leur offrir un sentiment d’apaisement et de favoriser la concentration.

La maison sera aussi « connectée » avec les différents intervenants cliniques, avec les familles et avec la communauté grâce à d’autres outils technologiques. Les jeunes adultes pourront participer à une tonne d’ateliers (jardinage, cuisine, danse-thérapie avec Les Grands Ballets Canadiens, boxe, etc.) en plus de faire du bénévolat dans le quartier, comme à l’Institut de gériatrie de Montréal.

Tout a été pensé pour maximiser leur bien-être.

Vânia Aguiar

Claudine et ses futurs colocs, dont Henri-Louis, vont y emménager dans les prochaines semaines.

« Avez-vous vu comment la maison est magnifique ? Lumineuse ? », demande Mme Atif, la maman de Claudine, à La Presse sur le ton de celle qui vient de gagner à la loterie.

Depuis la naissance de sa fille handicapée, la maman se fait répéter : « Madame, il y a une liste d’attente pour ça ».

« On a fait tout notre possible sans l’aide de personne », résume-t-elle.

À la veille de déménager dans « sa maison », Claudine lui a lancé, sûre d’elle : « Maman, ça va marcher ».

Voir son enfant handicapée aspirer à l’autonomie comme les autres filles de son âge, c’est encore mieux que de gagner à la loterie, en fait.

1. Lisez le texte « L’ex-mannequin qui se bat pour ses “petits rois” » 2. Lisez le texte « Casé “en enfer” à l’hôpital psychiatrique » 3. Lisez le dossier « “Est-ce que ça nous prendrait une vedette ?” »