La hausse des vols de voitures, crime lucratif pour les réseaux de malfaiteurs, pousse Ottawa à tenir le mois prochain un sommet national pour lutter contre ce fléau. Les bandits peuvent – malheureusement – s’emparer d’un véhicule avec une désarmante facilité. Comment se protéger ? Et que faire en cas de vol ?

Comment font les voleurs ?

Les clés sans contact sont bien pratiques pour les automobilistes, mais facilitent la tâche des malfaiteurs. En utilisant des appareils pour amplifier le signal des dispositifs servant à actionner l’automobile, les voleurs peuvent s’emparer de la voiture et partir ni vu ni connu, sans briser la vitre. Ce stratagème fonctionne même si la clé se trouve à l’intérieur du domicile.

Il y a tout un modus operandi après le vol pour passer sous le radar. Le numéro d’identification de véhicule, le fameux NIV, est au cœur de cette stratégie. Lorsque le vol d’un véhicule est signalé au Canada, le NIV est enregistré dans le Centre d’information de la police canadienne (CIPC) comme étant volé, ce qui rend presque impossible une nouvelle immatriculation. Les bandits remplacent alors le NIV pour ainsi pouvoir immatriculer le véhicule.

Certains voleurs sont chargés de faire uniquement du repérage. Ils vendent donc de l’information, comme des adresses de propriétaires de véhicules qui sont plus demandés. Le prix pour une adresse peut varier, mais on parle de centaines de dollars, selon une source criminelle qui a déjà volé des voitures dans le passé.

Pourquoi les vols ont-ils augmenté ?

La hausse des vols de voiture coïncide avec le début de la pandémie de COVID-19 et s’explique par la rareté des véhicules à moteur neufs sur le marché. La pandémie a causé d’importantes pénuries dans l’industrie des semi-conducteurs, qui sont le principal composant des puces électroniques, pièces indispensables pour la fabrication des véhicules à moteur. Résultat, le prix des voitures neuves et usagées a monté en flèche.

Le milieu interlope a vu dans cette pénurie une occasion de s’enrichir. Selon l’Agence statistique d’assurance générale, toutes les provinces canadiennes ont connu une hausse des vols de véhicules en 2022. On parle d’une augmentation globale de 24 %, par rapport à l’année précédente. Et la vague semble loin d’être finie. Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) rapporte depuis le début de 2023 une hausse de 29 % des vols de véhicules.

Quels modèles sont ciblés ?

Pour la deuxième année de suite, c’est le Honda CR-V qui est le plus populaire auprès des voleurs, selon un palmarès d’Équité Association.

Les modèles de VUS et de camionnettes récents (2020-2023) sont très prisés des voleurs et donc presque omniprésents sur la liste. La raison est simple : ces types de véhicules sont plus recherchés et plus rares dans les pays où est envoyée la marchandise volée.

Les modèles plus anciens ne sont toutefois pas à l’abri : ils demeurent ciblés en raison des problèmes persistants de la chaîne d’approvisionnement, qui ont une incidence sur la fourniture de pièces de rechange. Certaines voitures volées sont aussi utilisées pour commettre des crimes.

Comment se protéger ?

Il existe des moyens de se prémunir contre ce fléau imprévisible.

Comme il est possible d’amplifier le signal d’une clé sans contact, on suggère d’éviter de laisser cette dernière près de la porte d’entrée du domicile. On peut ranger sa clé dans une boîte de Faraday ou anti-RFID, offerte dans plusieurs grandes surfaces. Cela empêchera le voleur de « scanner » le signal pour déverrouiller le véhicule à distance.

La bonne vieille méthode de la barre sur le volant peut aussi en dissuader plus d’un.

Rappelons également que les voleurs n’opèrent pas uniquement dans des quartiers résidentiels, nous explique une source policière qui ne peut s’adresser aux médias. De plus en plus de vols surviennent dans des stationnements incitatifs ou dans ceux de grandes surfaces. Il faut donc surveiller son véhicule même lors des déplacements. Les voleurs vont même jusqu’à installer un système de géolocalisation sur certains modèles de voitures repérés dans des allées de stationnement privées.

Le SPVM conseille aux automobilistes un antidémarreur ou une protection OBD (On Board Diagnostic). Cela aiderait à réduire le nombre de vols de façon importante, explique le corps policier. « Poser un verrou sur le volant est également un bon geste à poser afin de se protéger du vol. »

Que faire en cas de vol ?

Aucune astuce pour se protéger n’est infaillible. Investir dans un système de repérage peut toutefois faciliter la tâche de la police ou du propriétaire de voiture pour localiser un véhicule dérobé.

Avant de se retrouver au port de Montréal, les voitures volées restent souvent pendant plusieurs heures ou même des jours dans un endroit jugé discret. Un système de géolocalisation n’est donc pas inutile, même s’il n’y a pas de garantie que le véhicule soit retracé.

Où sont envoyées les voitures volées ?

Le port de Montréal est, selon un rapport du Service canadien de renseignements criminels (SCRC), la plaque tournante du vol de voitures au pays.

La plupart des voitures dérobées sont destinées à l’étranger, principalement aux pays africains ou du Moyen-Orient. Elles ne partent pas nécessairement outre-mer tout de suite après le vol. Il y a une courte période où la voiture va rester « statique, en stand-by », dans des endroits stratégiques.

Pourquoi combattre ce fléau ?

Outre les tracas engendrés pour l’usager qui se fait voler son principal moyen de transport (achat d’un autre véhicule plus cher, prime d’assurance qui augmente, etc.), rappelons que le produit de ces crimes finance… d’autres crimes. Les profits générés par les organisations criminelles vont dans le trafic de drogue, le trafic d’armes et la traite des personnes, selon Équité Association.

On note aussi la montée en Ontario de la « piraterie routière », selon un rapport du SCRC. Ce terme désigne une agression à l’endroit du conducteur permettant au voleur de prendre la maîtrise du véhicule. « On s’attend à ce que les niveaux de violence exercés lors des détournements de véhicules augmentent en même temps que la popularité de cette méthode de vol, notamment avec l’usage d’armes », indique le SCRC dans son rapport.

Les vols de voitures peuvent se solder par des infractions au Code de la sécurité routière de la part du suspect, nous confirme une source policière. Il est très fréquent d’observer des excès de vitesse de la part du voleur qui tente de s’enfuir des policiers lorsqu’il est repéré.