La Société de l’assurance automobile (SAAQ) a « sous-estimé » la charge de travail et l’impact de sa transition numérique, en février dernier, conclut un rapport d’enquête qui s’est penché sur le fiasco des files d’attente. Dans le futur, l’organisme est appelé à mieux gérer « la gestion du changement ».

Dans un document transmis à la Société en août, et dont La Presse a obtenu copie, la firme PricewaterhouseCoopers (PwC) écrit notamment que le report du démarrage au 20 février 2023 – cela devait être initialement en décembre 2022 – « a mené à une fermeture des systèmes de 14 jours au lieu des six jours ouvrables initialement prévus ». « Ceci a augmenté la charge de travail pour les opérations à reprendre au démarrage, charge qui a été sous-estimée », indique-t-on d’emblée.

Selon la firme d’audit, une période de report un peu plus longue « aurait permis un plus grand niveau de préparation » et, surtout, d’exécuter des tests « de bout en bout ».

Dès le 20 février, jour où SAAQclic a finalement vu le jour, les problèmes techniques se sont accumulés en ligne. Devant l’incapacité à obtenir des services, les clients se sont présentés en masse devant les succursales de la Société, créant des files d’attente monstre où il fallait parfois attendre plus de trois heures.

La crise a été telle qu’en avril, le gouvernement Legault avait mis à la porte le PDG de la SAAQ Denis Marsolais, pour le remplacer par Éric Ducharme, qui était jusque-là secrétaire du Conseil du trésor.

Manque de tests

Plusieurs bogues techniques sont survenus au démarrage « car les tests n’ont pas permis de détecter » les problématiques, lit-on dans le rapport. On évoque un « manque de couverture des scénarios d’essai » ainsi que des « problèmes d’intégration par manque d’implication de toutes les parties prenantes ».

La capacité de traitement de la SAAQ a « été engorgée par une reprise complète des activités » dès le départ, observe la firme dans son rapport, en critiquant notamment le fait que Québec n’ait jamais considéré une « ouverture sur rendez-vous uniquement ou de certains services seulement ».

Mais ce n’est pas tout. PwC soutient aussi que dans leur stratégie de communication reliée à SAAQclic et au Service d’authentification gouvernementale (SAG), les membres de la direction « auraient dû considérer plus tôt la gestion du changement auprès de la population en générale et auprès de certaines clientèles plus ciblées », dont les citoyens qui n’étaient pas encore pris en charge par le SAG au démarrage.

D’ailleurs, le rapport est clair sur le fait que « la gestion incomplète et réactive des enjeux d’authentification […] était connue par la SAAQ et le ministère de la Cybersécurité et du Numérique en juin 2022 », ce qu’avait refusé de confirmer le ministre Éric Caire dans les derniers mois. Son cabinet n’avait pas répondu à nos questions à ce sujet, au moment de publier ces lignes.

« Plus réactive que proactive »

Ultimement, le niveau d’adhésion aux services en ligne de la SAAQ « a été en dessous du niveau historique initialement prévu », conclut le rapport. Celui-ci s’en prend au passage au mécanisme d’authentification « comportant un niveau de sécurité rehaussé, dont l’impact sur l’adhésion » a lui aussi été « sous-estimé ».

Les plans de contingence initiaux n’étaient pas assez étoffés, ce qui a conduit la SAAQ à avoir une posture plus réactive que proactive.

Extrait du rapport

Dans les jours qui ont suivi le lancement, « la présence dans l’actualité de la SAAQ dans les premiers jours a créé un effet boule de neige sur la venue en centres de services et chez les mandataires de clients qui étaient soit en retard de paiement ou avaient des besoins non urgents », lit-on aussi dans le rapport.

Globalement, « les éléments qui auraient pu être mieux planifiés sont la gestion des incidents, la gestion de crise, la communication aux clients et aux employés, et la préparation des mandataires », note la firme. « L’ensemble de ces éléments aurait permis de prévenir de nombreux enjeux opérationnels et techniques. »

La SAAQ tournée vers l’avenir

Dans un document transmis aux médias vendredi, la Société de l’assurance automobile dit souscrire « complètement au rapport et aux conclusions de PwC ».

L’organisme reconnaît du même souffle que « certaines mesures de mitigation auraient pu être mises en place avant le déploiement » de SAAQclic. « Un tel examen a permis de saisir diverses perspectives d’amélioration pour le futur », indique-t-on prudemment.

Aujourd’hui, « dans la très grande majorité des points de service de la Société, on constate depuis le 10 août un retour à la normale », ajoute l’organisme, qui estime que la plupart des problèmes « ont été réglés ». Le rapport de PwC, rappelle la SAAQ, s’appuyait sur l’état de la situation à la fin mai 2023, en pleine crise.