(Québec et Montréal) Le gouvernement Legault met à la porte le PDG de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ), Denis Marsolais, et le remplace par Éric Ducharme, qui était jusqu’à tout récemment secrétaire du Conseil du trésor.

Le fiasco de SAAQclic aura donc coûté son poste à M. Marsolais, nommé par le gouvernement Legault à la fin de 2021. Ce haut fonctionnaire de carrière a déjà été curateur public du Québec, sous-ministre à la Justice, à la Sécurité publique et aux Transports. La décision de le remplacer dès maintenant a été prise officiellement par le Conseil des ministres mercredi, lors de sa réunion hebdomadaire. Mais un changement de garde se profilait à l’horizon depuis quelques semaines.

À la mi-mars, le premier ministre François Legault avait déploré de « graves lacunes de planification » de la part de la SAAQ et avait demandé une évaluation du travail du conseil d’administration et du grand patron de la société d’État. M. Legault blâmait directement la société d’État, qui avait fermé ses locaux pendant près d’un mois pour préparer la transition numérique. « On ne peut pas penser qu’on va fermer des bureaux pendant trois semaines et que la journée qu’on va rouvrir, [il] n’y aura pas un impact », avait-il déploré.

Lors d’un point de presse mercredi, la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, a soutenu que la « première responsabilité » du PDG était d’assurer « la qualité et la continuité des services » de la SAAQ. « Force est de constater que la qualité des services aux citoyens a été hautement altérée. […] Est-ce que j’ai constaté des lacunes depuis un mois ? Bien sûr que oui », a-t-elle affirmé, parlant de problèmes de « planification » et d’« opération ».

« L’évaluation, c’est qu’il y a eu une responsabilité qui n’a pas été acquittée à notre satisfaction » de la part de M. Marsolais, a ajouté la ministre. Elle a tout de même eu « des bons mots » pour ce « gestionnaire de qualité » qu’elle connaît depuis 10 ans. « Il avait sur les bras un énorme défi. C’est lui qui avait la première étape de conversion numérique des services au gouvernement, ce n’était pas chose aisée. »

Geneviève Guilbault a reconnu que la SAAQ l’avait avisée en novembre des implications de la transformation numérique, notamment la fermeture des bureaux pendant trois semaines. « La date de fermeture a migré un peu dans le temps, mais, oui, on a tous été, le conseil exécutif, mis au courant », a-t-elle dit. Selon ses explications, la société d’État avait répondu à différents membres du gouvernement, dont elle-même, qu’elle était « prête » et que « ça fait longtemps qu’[elle] se prépare ». La ministre a laissé entendre qu’elle n’avait pas de raison de croire que l’opération tournerait au fiasco. « C’est sa responsabilité comme PDG. On nomme des gens un moment donné pour faire le travail », a-t-elle répondu, talonnée sur le sujet.

Le mois dernier, alors que les files d’attente devant les bureaux de la SAAQ faisaient les manchettes, Geneviève Guilbault avait écourté un voyage en Europe afin de revenir au Québec pour régler la crise à la SAAQ. Elle avait alors annoncé d’urgence une série de mesures, notamment une période de grâce pour les automobilistes et camionneurs incapables de renouveler leur permis.

Denis Marsolais se retrouve maintenant dans les limbes de la haute fonction publique, alors qu’il est rattaché au Secrétariat des emplois supérieurs du ministère du Conseil exécutif – le ministère du premier ministre –, d’après les explications de Mme Guilbault.

Selon le gouvernement, le ministre de la Cybersécurité et du Numérique, Éric Caire, n’était pas en cause dans les ratés de cette transition. M. Legault avait blanchi M. Caire, qui n’a selon lui qu’un rôle de « conseil dans la transformation numérique autant pour les ministères que pour les sociétés d’État ». Il n’en demeure pas moins que la SAAQ est le premier organisme à intégrer le nouveau Service d’authentification gouvernementale, le bébé du ministère d’Éric Caire, qui remplace le système ClicSEQUR. Cet élément fait partie du portrait de la situation.

À la SAAQ, on se fait pour l’instant avare de commentaires, refusant notamment de s’avancer sur la transition qui devra avoir lieu dans la haute direction. « Nous n’avons ni réaction ni commentaire à émettre aujourd’hui », a brièvement répondu le porte-parole de l’organisme, Gino Desrosiers, après qu’on l’eut appelé à réagir.

Christian Daigle, le président du Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ), qui représente 2200 employés de la SAAQ, dit « prendre acte du changement », mais espère qu’il ne s’agit pas d’un écran de fumée. « C’est toujours facile pour le politique de se trouver un bouc émissaire. La personne qui paie aujourd’hui, c’est M. Marsolais, mais il y avait quand même une responsabilité politique là-dedans aussi. Ça nous prend des solutions pour remédier à la situation rapidement », dit M. Daigle.

« Maintenant, est-ce que M. Ducharme aura de meilleures idées ? Est-ce qu’il va être capable de faire les choses différemment ? On verra. On va laisser la chance au coureur », insiste le syndicaliste.

Éric Ducharme entre en fonction dès jeudi comme nouveau patron de la SAAQ. Il était secrétaire au Trésor depuis l’arrivée au pouvoir de la CAQ en 2018. Il a déjà été PDG de Revenu Québec et sous-ministre adjoint aux Finances.

Ce changement provoque un jeu de chaises musicales. Patrick Dubé devient le nouveau secrétaire au Conseil du trésor. Il était sous-ministre au ministère des Transports. Il est remplacé dans cette fonction par Frédéric Guay, dont le poste actuel de sous-ministre au ministère des Affaires municipales est pourvu par Nicolas Paradis, jusqu’ici sous-ministre associé à la Justice.