Depuis 2018, le gouvernement de François Legault n’a financé que 4700 des 14 000 logements sociaux promis au Québec, une situation dénoncée par les organismes qui ont monté des projets d’habitations destinées aux moins nantis, en attente de fonds depuis plusieurs années.

« Tous les plans sont complétés, on a déjà déboursé 345 000 $ en honoraires professionnels pour l’ingénieur civil, l’ingénieur en structures, l’architecte, l’arpenteur, le notaire. Toutes les étapes sont complétées, mais les fonds ne sont pas débloqués, tout est au point mort et on ne sait pas ce qui se passe, » déplore Catherine Boucher, directrice générale de l’organisme Loggia.

Loggia gère déjà 213 logements sociaux dans le quartier Rosemont à Montréal et attend le financement nécessaire pour en construire 78 de plus, dont 10 destinés à des personnes ayant une déficience intellectuelle.

Alors que la crise du logement force de nombreux ménages à payer un loyer trop cher ou à vivre dans des conditions difficiles, Loggia note une hausse marquée des demandes de locataires à la recherche d’un appartement à prix raisonnable, révèle Mme Boucher.

Les gens nous appellent en détresse, par exemple une mère qui vit dans une petite chambre avec ses enfants, ou encore une personne qui doit coucher dans son char.

Catherine Boucher, directrice générale de l’organisme Loggia

Mardi matin, des organismes qui développent des logements sociaux vont interpeller à nouveau le premier ministre François Legault pour lui demander de tenir ses promesses et de débloquer les fonds nécessaires aux projets en attente.

Prêts à aller en soumissions

« Plusieurs projets qui se sont fait promettre du financement sont très avancés, ils sont prêts à aller en soumissions et on commence à être impatients », déplore Chantal Desjardins, directrice générale de la Fédération des OSBL d’habitation de Montréal. « On voudrait que les fonds soient prévus au prochain budget parce qu’actuellement, ça empêche plein de projets de voir le jour. »

La Fédération donne d’autres exemples dans la région métropolitaine, où 29 projets totalisant 1723 logements sont en attente :

  • À Montréal-Nord, un projet de 170 logements est en attente, malgré la mobilisation des Habitations populaires de Parc-Extension (HAPOPEX), qui ont déjà développé plus de 500 logements dans les dernières années ;
  • La Fondation des aveugles du Québec, qui a déjà construit quatre immeubles à Montréal, attend ses 23 logements subventionnés à Longueuil, pour une clientèle qui a du mal à se loger ailleurs ;
  • Le Centre Bienvenue attend ses 12 logements pour des personnes avec des enjeux de santé mentale à Pierrefonds, un quartier ayant peu de logements sociaux.

Plusieurs de ces projets sont planifiés depuis des années. Dans le cas de Loggia, des consultations ont été menées dès 2017, pour des logements destinés tant aux familles qu’aux personnes seules, rappelle Catherine Boucher.

Certains projets ont dû être abandonnés, par exemple parce que le terrain convoité par un organisme pour y construire des logements sociaux a finalement été vendu à un promoteur privé, qui y a bâti des condos.

Explosion des coûts

Pendant que le temps passe et qu’aucun nouveau logement ne lève de terre, les coûts de construction grimpent en flèche, observe Chantal Desjardins. Selon elle, les fonds promis par le programme Accès Logis pour les 9300 projets en attente totalisent 2 milliards, mais la hausse des prix fait en sorte qu’il faudrait maintenant prévoir 571 millions de plus pour construire ces logements.

Selon les modalités du programme Accès Logis, le financement gouvernemental est censé couvrir 50 % des coûts de construction. Mais en raison de l’explosion des coûts, le financement promis ne représente plus que 32 % de la facture, explique Mme Desjardins.

« On se demande vraiment si l’habitation passe en dernier », lance-t-elle, dépitée.